~5~ Dernière punition

Juin 1940

Assis dans sur une chaise de bois de la table à manger, je me fais maintenant gronder depuis une demi-heure par mon père qui est revenu de Québec pour passer un peu de temps en famille. J'aurais préféré recevoir un sourire de sa part plutôt que de me faire dès son arrivée criée dessus. Le pire, c'est que je ne dois pas le regarder dans les yeux ou répliquer, sinon je sens qu'il ne va pas hésiter à lever la main pour me punir d'être si impoli.

Pourquoi est-il en colère? Il se trouve que m'a vengeance a été découverte et que monsieur Jaeger est en colère de voir que je m'en suis pris injustement à son fils qui est désormais couvert de plaques rouges qui lui grattent la peau. C'est drôle, mais il semblerait que mon géniteur n'ait pas le sens de l'humour. Ce n'était pourtant que de l'autodéfense après ce que ce monstre m'a fait subir! Selon mon père, ce que j'ai fait est immature, déplacé et je ne mérite pas d'être de son sang. Je n'aime pas quand il cri...

Ma mère a tenté de le calmer, mais c'est impossible. Une fois qu'il commence, rien n'arrive à l'arrêter jusqu'à ce qu'il soit vidé de sa rage. Mon frère regarde la scène avec amusement. Il n'est pas en état de se moquer avec le secret que je connais à son sujet.

Tiens, mon père commence à se calmer? L'homme glisse dans ses cheveux châtain sa main en soupirant, signe qu'il s'apprête à me dire quel sera mon châtiment pour avoir ainsi agi. Peu importe la punition, je suis fier de ce que j'ai fait et sais que Jaeger le méritait. Si c'était à recommencer, je le referais sans la moindre hésitation.

-Il est absolument hors de question que je t'amène avec nous chez ma famille le mois prochain, affirme-t-il, tu me déçois et ne mérites pas ce voyage.

Ça, je ne m'en attendais pas... je me lève de ma chaise les yeux grands ouverts. J'attends ce voyage depuis qu'il nous l'a annoncé il y a quelque mois! Les parents de mon père vivent en Angleterre et c'est donc très rare que nous puissions les voir. Nous leur avons rendu jusqu'à maintenant visite une seule fois et c'est réciproque. Mon géniteur nous a pourtant trouvé des billets de croisière malgré les temps qui courent pour que nous puissions y aller. Je refuse de rester ici pendant que ma famille sera en voyage!

-Chéri, tu sais, c'est un peu excessif comme punition, essaie ma mère, peut-être que le petit Jaeger l'a mis en colère et qu'il n'a fait que se défendre?

-Kuchel, ne te mêle pas de ça. C'est un problème d'hommes que je règle. Si je me contente de lui donner des petites punitions, il ne comprendra jamais. Livai est un grand garçon et il est temps qu'il prenne ses responsabilités. Tu le couvres beaucoup trop et il a besoin de quelqu'un de sévère! Il ne vient pas, un point c'est tout.

J'avale de travers, regardant tour à tour mes parents. Ma mère n'ose plus dire un mot, intimidé par la voix forte de son mari. C'est trop cruel! On me fait la vie dure et quand je me défends, c'est moi qui échoppe de tout. Terriblement en colère, je cours à ma chambre pour m'y enfermer. Je hais mon père.

***

Debout sur le quai où ma famille s'apprête à monter à bord du bateau, je suis triste. Moi, je vais devoir rester ici alors qu'eux, ils visiteront l'Angleterre. C'est injuste... Ma tante est près de moi, venue pour me ramener chez elle quand mes parents partiront. La bonne nouvelle, c'est que je vais passer deux semaines chez Erwin!

-Tu es certaine que ça ne vous gêne pas de garder Livai? S'inquiète ma mère, je lui ai donné de l'argent de poche pour se nourrir et il est censé aider les garçons sur la ferme.

-Ne t'inquiète pas, Kuchel! Livai est toujours le bienvenu chez nous. Ce n'est pas lui qui dérange et chose rare, Erwin l'aime bien. Tu peux passer un bon voyage sans t'inquiéter pour lui.

Ma mère sourit tristement avant de tourner son regard vers moi. Ne pas la voir durant deux semaines me brise le cœur... j'aime énormément ma maman et n'aime pas la laisser seule avec ces deux abrutis qui lui servent de fils et de mari. La femme se penche pour me serrer avec amour dans ses bras et je lui rends l'étreinte.

-Tu me promets que tu feras attention à toi mon Lili? Souffle-t-elle.

-Oui maman, c'est promis. Je n'aime pas le danger de toute façon.

Elle sourit doucement en se décollant pour me regarder dans le visage. Pourquoi une larme coule-t-elle le long de sa joue? Je sais que c'est difficile pour elle me laisser ici alors qu'elle sera à l'autre bout du monde. Cependant, je n'aime pas voir ma mère pleurer. J'essuie de mon doigt une larme qui a atteint sa joue, puis elle m'attire vers elle pour m'embrasser tendrement le front en me rappelant qu'elle m'aime.

Mon père ne tarde pas à venir chercher sa femme pour embarquer dans le bateau. Il me salut brièvement tandis que mon frère me lance un sourire moqueur, probablement heureux que je ne les accompagne pas. Il m'énerve...

En compagnie de ma tante, nous saluons le navire qui s'en va. J'ai le cœur gros, mais tente de ne pas le montrer quand madame Smith pose sa main sur mon épaule d'un geste réconfortant.

-Ne fait pas cette tête! Ils vont revenir bientôt et je suis certaine que tu vas bien t'amuser chez nous. On va te faire un petit lit dans la chambre d'Erwin.

-Merci de m'accueillir.

-J'ai dit que tu n'es pas un fardeau! J'ai préparé des biscuits pour ton arrivée.

Je souris faiblement en la suivant vers sa voiture. En chemin, je lance un dernier regard vers le port, impatient de revoir ma mère.

***

Ils ne sont jamais revenus.

J'ai pourtant longuement attendu, mais le bateau dans lequel ils étaient embarqués a subi un détournement. Aucun survivant n'a été retrouvé. Les prisonniers auraient tous été brutalement assassinés pour cette guerre qui ne nous concerne même pas. Je ne comprends pas pourquoi... ma mère n'avait rien fait de mal, donc pourquoi vouloir sa mort? J'aime garder espoir qu'ils sont toujours vivants quelque part et qu'ils pourront revenir bientôt.

J'ai l'impression que tout ça, c'est irréel. On est venu me dire que ma famille est partie, mais dans ma tête, c'est totalement faux. Je n'arrive même pas à pleurer ni à réagir. Mon cerveau est rentré sur pause et je ne sais pas comment faire pour le remettre en service. J'ai l'air d'une statue, vide d'émotion et de parole. Mon regard est dénué de sentiments alors que j'assiste à l'enterrement de mes parents et de mon frère. Pourquoi les enterrer s'ils ne sont pas morts? Nous n'avons même pas leur corps, donc devons-nous contenter d'épitaphes dénuées de sens alors que le curé débite grands nombres d'absurdités que je n'écoute pas.

Près de moi, ma tante pleure à chaud de larmes tandis que mon oncle essaie de la consoler. Armin essuie ses yeux depuis plus d'une heure et même Jaeger a les joues couvertes de larmes. Ils ont tous les deux perdu leur meilleur ami. J'ai vu Marco qui pleurait sans répits jusqu'à ce que son père le tire de force loin de l'enterrement. Ils ne sont toujours pas revenus et ce n'est certainement pas le garçon qui a fait ce choix.

Les services sociaux m'ont avisé que je serais envoyé chez mon parrain, un certain Kenny qui est le frère à mon père. Je sais que c'est l'homme qui dirige l'usine de textile avec mon géniteur, mais je ne l'ai jamais rencontré. Pourquoi ne pourrais-je pas rester chez les Smith plutôt que d'aller vivre chez un inconnu loin de tout ceux que j'aime? Si ma famille revient pendant que je ne suis pas là, ils ne sauront plus où me trouver... et la maison? Qu'est-ce qu'elle va devenir? Je ne veux pas la laisser aux mains d'étrangers qui gâcheront la décoration que ma mère à mise du temps à faire!

Ma tante a essayé de convaincre les services sociaux que sa famille pouvait m'adopter, mais il semblerait que ce Kenny ait une entente avec mon père. C'est n'importe quoi... la ville ne m'attire pas!

Aujourd'hui, ma tante est venue me porter chez moi pour que je puisse faire mes valises. Elle voulait rentrer, mais j'ai refusé, préférant être seul pour dire au revoir à ma maison, à mes souvenirs. Chaque recoin de cette demeure me rappelle quelque chose. Il me semble que je vois encore ma mère lire sur le gros fauteuil du salon en écoutant sa musique classique qu'elle aime tant. J'entends encore mon frère se plaindre de la moindre petite chose comme s'il s'agissait de la fin du monde. Même lui me manque...

Des larmes remplissent mes yeux alors que je réalise tranquillement qu'ils sont bel et bien partis et qu'ils ne reviendront jamais. Comment pouvons-nous nous coucher un soir en étant un enfant comblé et nous réveiller le lendemain en étant orphelin? Je n'ai rien fait de mal pour mériter qu'on m'arrache de la sorte ma famille! C'est si irréel... j'aimerais me réveiller et découvrir ma maman qui me sourit encore une fois.

Toujours en pleurant, je me dirige vers ma chambre pour faire ma valise. Je ne fais même pas attention à ce que j'emporte. Du linge, des photos, un portrait de famille, mon cahier.

-Donc tu t'en vas vraiment, souffle une voix derrière moi.

Cette voix, je la reconnais, mais je ne me sens pas d'attaque à l'affronter. Qu'est-ce que Jaeger vient faire là? Je me retourne vers ce garçon que je déteste et le découvre pour une rare fois sans son sourire arrogant.

-Tu pourrais rester, tu sais, continue-t-il, les Smith veulent t'adopter et même mon père serait prêt à le faire. Nos parents s'entendaient très bien et les miens l'ont déjà fait pour Mikasa.

Pour une rare fois, Jaeger semble sincère. Est-ce la mort de son meilleur ami qui le rend comme ça?

-Qu'est-ce que tu fais là? M'enquis-je.

-Tu vas trouver ça bizarre, mais je passais chercher les effets personnels de Jean avant que quelqu'un veuille les vendre... il détestait que des inconnus touchent à ses affaires. Quand j'ai vu que tu étais là, j'ai compris que tu partais.

-Pourquoi toi, tu voudrais que je reste alors que tu me hais?

Jaeger ouvre faiblement la bouche, comme s'il réfléchissait à quoi dire. Ses grands yeux turquoise croisent les miens, puis sans que je m'en attende, il me serre avec force dans ses bras. Depuis quand ce type m'étreint? Je reste figé, ne comprenant plus le comportement de mon ennemi.

-Si quelqu'un ose rire de toi là-bas, défends-toi. Ne laisse personne te marcher sur les pieds où se moquer de ta taille. Il n'y a que moi qui ai ce droit.

Qu'est-ce qui lui prend à cet idiot? Ma tête me dit de le repousser, mais j'en suis incapable. Jaeger finit par me lâcher, me regarde une dernière fois, puis sort de ma chambre, probablement pour se diriger vers celle de Jean. Qu'est-ce qui vient juste de se passer?

Une fois que j'ai repris mes esprits, je termine ma valise puis sors retrouver ma tante qui doit m'amener à la gare où ce Kenny est censé m'attende.

Quels sont vos avis sur cette histoire jusqu'à maintenant?🙂

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