~16~ La peur d'Erwin

Juin 1950

Aujourd'hui, je suis retourné à Québec avec Erwin et Mike pour qu'on aille chercher leur habit fait sur mesure. Cette fois, Eren ne pouvait pas nous accompagner puisqu'il devait travailler, ce qui est dommage. J'aurais bien aimé passer encore du temps avec lui. Cela fait uniquement trois jours que nous avons eu ce moment agréable à la rivière, mais j'aimerais déjà recommencer. Je déteste devenir accro à quelqu'un et pourtant, c'est ce que je commence à vivre. Je comprends de plus en plus l'attachement de mon cousin envers son homme engagé.

-Il faut que je fasse un arrêt au marché Jaeger, déclare Erwin qui est au volant, mon père veut que le lui ramène des chips... il trouve que celles du dépanneur ont un goût mauvais.

-Ça me va.

Je ne sais pas pourquoi, mais simplement l'idée d'aller là où travaille Eren me plait. Je vois Mike mimer quelque chose et son blond lui répond. J'espère au moins qu'il regarde la route et pas seulement son cher amant. Si nous avons un accident par sa faute, je promets de lui botter le derrière.

Lorsque nous arrivons enfin au village, Erwin stationne sa voiture d'occasion dans la cour du commerce, puis nous descendons. La bonne nouvelle, c'est qu'avec une portière en moins, c'est plus simple de sortir. Une fois à l'air libre, mon cousin fronce les sourcils en fixant une Buick bleue poudrée.

-Mike, reste près de la voiture s'il te plait, demande Erwin en lui souriant, je ne voudrais pas qu'un idiot ait l'idée de voler nos habits.

Mike semble surpris par la demande, mais accepte dans un hochement de tête. J'ai l'impression que la possibilité d'un vol n'est pas la vraie raison qui pousse Erwin à laisser le blond dehors, mais je ne lui pose pas de question. Si c'est ce qu'il considère être la bonne chose à faire qu'il le fasse, mais doute que toujours chercher à le surprotéger soit une bonne chose.

Nous entrons dans le commerce sous le bruit de la sonnette caractéristique. Les mains dans ses poches, mon cousin s'empresse de foncer dans l'allée de la nourriture. Moi, je flâne un peu, regardant autour de moi les quelques articles.

-Ah, salut, Livai, tu cherches quelque chose de particulier?

Je me retourne vers Marco qui me sourit gentiment. J'aurais préféré que ce soit Eren. Près de lui se tient un grand brun dans des vêtements usés dont le pantalon brun est beaucoup trop court. Avec un béret casquette et les mains dans ses poches, le garçon me salut rapidement de la tête avant de partir.

-Non, ça va aller, répondis-je, Erwin avait besoin de chips pour son père.

-Ah, d'accord. Je croyais que tu venais rendre visite à Eren. Il a semblé très heureux, après votre sortie à deux. Jamais je n'aurais pensé à l'époque vous voir un jour si proche l'un de l'autre.

-Les temps changent, il faut croire. Les gens changent, aussi.

-Oui, ça, je le sais.

Marco baisse les yeux pour regarder le plancher. Je n'aurais peut-être pas dû dire ça, car mes mots ont semblé l'attrister. Je n'aime pas créer des malaises. De tous les silences que je connais, c'est de loin celui que je hais le plus. Heureusement, Erwin ne tarde pas à revenir me rejoindre avec son sac brun, suivi de près par le beau propriétaire. Eren me sourit tendrement et pour une rare fois, je lui réponds de la même façon.

-Donc vous avez enfin vos habits? Sourit Eren, Armin va être content de vous voir. Je n'arrive toujours pas à croire qu'il se mari dans un mois.

-Je sais, il va enfin quitter la maison, réplique Erwin.

Mon cousin ne cesse pas de tourner la tête de tous les côtés, comme s'il cherche quelque chose. Son comportement est réellement étrange depuis que nous sommes arrivés. On dirait un animal qui craint pour sa vie. Eren continue à nous parler, ce qui semble l'agacer puisqu'il tape du pied avec impatience. A-t-il si hâte de retourner voir Mike? Ce n'est pas quelques minutes sans lui qui vont le tuer.

Alors que Eren raconte sa journée, d'étranges bruits provenant de l'extérieur coupent notre conversation, puis quelqu'un rentre dans le commerce en courant. Je me retourne avec curiosité vers le grand brun de tout à l'heure quand celui-ci cri :

-Venez vite! Dans la cour, il y a un mec qui s'est fait tabasser...

Je ne comprends pas ce qui se passe sur le coup, mais Erwin réagit aussitôt en courant vers la sortie, bousculant sur son passage le pauvre garçon qui vient près tomber sur le sol. Qu'est-ce qui se passe? Quand je réalise que quelque chose ne va pas, je m'élance à sa poursuite, suivit de près par Eren, puis par Marco.

Quand nous arrivons dehors, je sens mon cœur s'accélérer en voyant mon cousin accroupi devant sa voiture, caressant avec inquiétude le visage ensanglanté de Mike. Qu'est-ce qui a bien pu se passer en si peu de temps? La Buick bleue a disparu et je ne vois personne qui ait pu faire ça.

-Quand je suis sortie, il y avait quatre gars contre lui, explique l'inconnu brun, je... je leur ai dit d'arrêter et celui qui frappait m'a souri avant de partir... j'aurais dû les arrêter, désolé.

-Tu as fait la bonne chose, Bertholdt, réplique Marco, tu n'aurais rien pu faire contre quatre types.

Pourquoi des inconnus voudraient-ils s'en prendre à Mike de la sorte? Je peux comprendre qu'ils soient racistes et homophobes, mais si Erwin s'inquiétait, j'imagine qu'il y a autre chose qu'il ne m'a pas dit. Quand le français sera en sécurité, je compte lui poser des questions. Il n'est pas surprotecteur pour rien.

Erwin aide son ami à se mettre sur pied et comme il est lourd, je donne un coup de main pour le mettre à l'arrière de la voiture. Jamais je n'ai vu mon cousin aussi paniqué. Il tremble et son visage est blanc comme neige. C'est donc moi qui me retrouve à prendre le volant pour retourner à la ferme. Je n'ai pas l'habitude de conduire, mais je tente de faire de mon mieux.

Une fois chez les Smith, j'aide une fois de plus Mike à se tenir debout jusque dans la maison et c'est un Armin surpris qui nous accueille. En voyant le sang sur le visage du grand blond, il semble comprendre, puis s'empresse d'aller chercher le nécessaire pour le soigner. Nous allongeons la victime sur le divan, essayant de bien le faire tenir malgré sa grande taille, puis Erwin s'accroupit près de lui pour lui prendre la main sans la moindre gêne.

-Dis-moi qui t'a fait ça, souffle-t-il.

Mike lève une main faible pour décrire son agresseur, puis je vois le visage de mon cousin se durcir. Ce n'est vraiment pas bon tout ça... il se lève, puis se dirige vers la sortie, mais je me mets à travers de sa route.

-Qu'est-ce que tu comptes faire au juste? Demandai-je, aller chez lui et le tabasser à son tour?

-JE VAIS ALLER LE TUER CE TYPE! Il n'avait pas le droit de s'en prendre à lui...

-Écoute, ne fait rien sur le coup de la colère que tu pourrais regretter, compris? Pour l'instant, tu dois rester près de Mike. C'est l'important. J'imagine que tu connais celui qui a fait ça et que ce n'est pas simplement une question de racisme?

Erwin semble hésiter, mais après un moment, il hoche la tête négativement. Donc j'ai raison de penser qu'il y a une autre raison. Je m'apprête à ajouter quelque chose quand un faible bruit attire notre attention. Nous tournons en même temps la tête vers Mike qui nous sourit sous ses blessures. Son œil est boursoufflé et sa lèvre supérieure est fendue. Je pense qu'il essaie de parler, car il semble se concentrer :

-E'win... je... aime.

Mon cousin semble se calmer quand il s'approche de lui pour s'accroupir à ses côtés. C'est la première fois que j'entends sa voix et cela fait bizarre. Il passe une main délicate sur sa joue.

-Je t'aime aussi, Mike et je suis désolé de ne pas avoir pu te protéger.

Le blessé se relève un peu sur les coudes pour l'embrasser sur les lèvres et malgré le sang, Erwin répond amoureusement à son baiser. Ce n'est pas très hygiénique tout ça, mais j'imagine qu'ils en avaient besoin.

-Alors, qu'est-ce qui s'est passé? Qui a fait ça?

Mon cousin se redresse brusquement en entendant la voix de son père. Je ne m'étais même pas aperçu que monsieur Smith était rentré dans la pièce avec Armin. A-t-il vu son fils embrasser leur homme engagé et lui dire des mots tendres? J'imagine que oui, mais il ne semble pas choqué par ça, uniquement par l'état de Mike.

-Papa... C'est Nile Dok qui a fait ça... il m'avait dit qu'il le ferait, mais je pensais que ce n'était que des paroles en l'air.

-Je vois. Ça ne me surprend pas de ce connard de Dok. Comment va Mike?

-C'est surtout superficiel, j'ai l'impression... Pourquoi tu ne dis rien? Je sais que tu as vu.

Mr Smith hausse l'un de ses sourcils fournis en regardant son garçon.

-Et tu voudrais que je dise quoi? Demande-t-il doucement.

-Je n'en sais rien! Tu devrais être choqué, tu devrais avoir honte.

Un faible sourire s'installe sur les lèvres de mon oncle quand il s'avance vers son fils avant de déposer ses imposantes mains sur ses épaules.

-Écoute, Erwin. Quand tu étais jeune, tu me rendais triste, parce que j'avais l'impression que les gens qui t'entouraient t'importaient peu. Je vais être honnête, je croyais que tu passerais ta vie seul et ça me détruisait... Tu crois que je suis un si mauvais père pour ne pas avoir remarqué la manière dont vous vous regardez, toi et Mike? Tu es moins renfermé depuis qu'il est là, plus heureux aussi, je le vois. L'amour c'est quelque chose de trop beau pour que des imbéciles t'empêchent de le vivre et je ne suis pas un imbécile. Tu es mon fils, je suis fier de toi et je ne laisserai jamais personne dire du mal de vous.

-Merci, papa.

Mon cousin étreint rapidement son père avant de rediriger son attention vers le blessé. Armin, qui est le plus délicat de nous tous, s'occupe de désinfecter les blessures. Je sens que c'est moi qui vais devoir le remplacer sur la ferme le temps qu'il aille mieux. Si cela peut aider, alors je vais faire mon possible.

Une fois Mike soignée, je prends Erwin à l'écart pour lui parler.

-Est-ce que tu vas me dire qui est ce Nile Dok? M'enquis-je.

Le blond grimace avant de soupirer.

-Si tu insistes... Quand ma mère est morte, mon père pensait vendre la ferme à ce salopard. C'était une bonne affaire pour lui, mais je m'y suis opposé en engageant Mike. Nile ne l'a pas pris et il s'est mis à faire des menaces. C'est surtout par sa faute que Mike ne sort pas souvent... il doit croire qu'il va prendre peur et retourner chez lui, mais il se trompe. Son seul but c'est d'avoir nos terres et ça, il en est hors de question. Je compte mourir ici et la léguer aux enfants qu'aura Armin.

-Je vois le genre. N'oublie jamais que tu peux compter sur mon aide dans n'importe quoi. Financièrement, ou autre.

Erwin me sourit dans un petit signe de tête me remerciant. Ici, ce sont ma famille et je compte ne laisser personne s'en prendre à eux.

Aimez-vous que je développe les couples secondaires de l'histoire?^^ si oui, est-ce qu'ils vous plaisent?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top