~13~ La vérité sur Jean

Juin 1950

Plusieurs jours se sont écoulés depuis le retour de mon frère.

Moi et Eren ne nous sommes pas reparlés du baiser que nous avons échangé à la rivière, comme s'il n'avait pas eu lieu, comme s'il ne c'était passé que dans ma tête. Je remarque cependant les petits regards différents qu'il me lance par moment, comme s'il hésitait à faire quelque chose. Je ne sais pas quoi en penser... j'ai beaucoup aimé l'embrasser, mais je n'ai jamais été en relation avec un homme avant. Quand je vois tout ce que les gens disent au sujet de Mike et Erwin, je doute que ce soit une bonne idée. Peut-être devrais-je en glisser un mot à mon cousin? Eren me plait, mais pour l'instant, ce n'est que de l'attirance.

Le village entier a été mis au courant du surprenant retour mon frère. Une fête a été organisée en son nom et là-bas, la foule était monstrueuse. Tout le monde semble heureux de voir Jean. Il se fait parler, on l'invite à danser. C'est le phénomène du siècle pour les gens du coin qui voient un mort revenir à la vie. Seule Ymir ne semble pas très heureuse par sa présence. Elle a dû remarquer que Marco est toujours collé à lui et même s'ils tentent d'être subtils, c'est loin de l'être.

Une cigarette au coin de la bouche, j'apporte le courrier à la maison. Il y a quelques papiers sans intérêts qui sont tous adressés à monsieur Smith, mais une lettre au nom de Jean attire mon attention. Elle provient de l'Angleterre? Je m'avance vers mon frère qui jusqu'à maintenant regarde le journal dans le fauteuil de mon oncle, puis lui laisse tomber sur les genoux.

-C'est une lettre pour toi, déclarai-je.

Jean descend son journal pour regarder la petite enveloppe, fonçant les sourcils. Il semble hésiter, puis ne tarde pas à l'agripper pour l'ouvrir. Ses yeux parcourent ce qui semble être un texte court, puis je vois son visage pâlir. Vient-il juste d'apprendre quelque chose d'affreux? Je m'inquiète un peu, mais il grave un sourire tout sauf sincère sur ses lèvres.

-Ça provenait de mes amis anglais... dit, est-ce que tu as un crayon et du papier? Je dois vite répondre avant... bref, c'est important.

-Va chercher ce qu'il te faut dans ma chambre. J'ai tout sur mon bureau.

-Merci.

Toujours aussi pâle, Jean se lève pour monter à ma chambre, laissant sa lettre ouverte sur le fauteuil. J'imagine qu'il croit que personne ne sait lire l'anglais? Il se trompe, car je parle très bien cette langue. Mon oncle Kenny m'a forcé à l'apprendre puisque nous devions souvent interagir avec des compagnies américaines. Je regarde ce court texte, curieux de savoir ce qui a bien pu mettre mon frère dans cet état.

Voyant qu'il ne revient pas, je laisse ma curiosité me guider, puis j'agrippe le papier que j'apporte devant mes yeux. Ça ne me ressemble pas de fouiller dans les affaires des autres, mais Jean est un gros mystère depuis son retour.

Cher Jean,

Je sais que tu crois que je t'ai laissé avec ce mot, mais ce n'était pas mon intention. Je savais que tu ne retournerais pas chez toi tant que je serais là. J'ai pris du temps pour régler toutes mes dettes, puis j'ai trouvé l'argent nécessaire pour te rejoindre (Ne t'inquiète pas, je l'ai fait de façon légale cette fois... ou pas). Je viens bientôt te rejoindre.

PS: Je t'aime et suis impatient de revoir ta sale tête.

Je dois avoir mal lu. Jean aurait une petite amie en Angleterre? Est-ce que ça pourrait être pour cette raison qu'il a mis tant de temps à rentrer à la maison? J'avoue que je me sens perdu. Si c'est le cas, pourquoi est-ce qu'il panique? Quand j'entends les pas de mon frère revenir, je remets la lettre là où je l'ai prise. J'aimerais lui demander une explication, mais ne veux pas sembler avoir fouillé dans ses affaires.

-Je ne trouve pas d'enveloppe, déclare-t-il sombrement.

-Je crois qu'oncle Smith les range dans l'armoire près du divan... je peux te poser une question, Jean?

-Ça dépend de ce que c'est. Pose là.

-Depuis combien de temps tu pouvais rentrer à la maison et pourquoi tu as décidé de rester là-bas sans donner de nouvelles.

Jean semble surpris par ma question, ouvrant la bouche sans qu'aucun son n'en sorte. Je vois que j'ai visé juste. Son regard se pose sur la lettre toujours ouverte, puis il grimace.

-Tu as lu cette lettre, pas vraie? Soupire-t-il.

-Oui, je sais lire en anglais. J'avais des doutes sur ta sincérité, donc je me suis permis de jeter un coup d'œil. Donc tu es resté là-bas parce que tu avais une petite amie? Je peux comprendre ça, mais tu aurais dû donner un signe de vie! Tu imagines ce pauvre Marco qui s'est empêché d'aimer depuis ton départ?

-Je le sais et c'est pourquoi je ne voulais pas en parler! Moi et Floch, c'est terminé et je ne comprends pas pourquoi cet idiot veut venir ici. Je vais lui écrire pour lui dire de rester chez lui. De toute façon, il n'a pas l'adresse de la maison... je n'ai jamais oublié Marco, mais ne lui en parle pas s'il te plait. Il pourrait ne pas comprendre.

L'air désemparé, Jean se laisse tomber dans le fauteuil où se trouve la lettre. Il la regarde, l'air mal en point. J'ai envie d'en apprendre un peu plus sur ce qu'il a vécu pendant ces dix années, sur les raisons qui l'ont poussé à continuer de faire le mort.

-Je ne vous ai pas menti, affirme Jean, j'ai simplement caché certains détails.

-Je suis prêt à écouter. T'inquiètes, je ne vais pas te couper dans ton histoire.

Les bras croisés, j'attends pour écouter son récit. Mon frère hésite d'abord, puis il débute :

-Comme j'ai dit, je me suis fait retrouver par un couple de jeunes mariés, Marlowe et Hitch. Ils m'ont ramené chez eux et m'ont soignée. La première année, j'avais des trous de mémoire et du mal à marcher, mais j'ai décidé de donner un coup de main au bar qu'il tenait. Je ne pouvais pas envoyer de lettre tant que la guerre n'était pas terminée de toute façon... je pensais repartir dès que le calme arriverait, mais il y a eu un imprévu... j'ai surpris un voleur en train de voler dans les réserves du bar. Puisque Marlowe est trop gentil, il a décidé de lui faire payer sa dette en le forçant à travailler pour nous. C'est moi qui le surveillais et je ne pensais pas en tomber amoureux à la base.

-Attend, c'était il y a combien de temps ça?

-Il y a six ans. Si j'ai décidé de revenir, c'est parce que je me suis réveillé un matin avec un mot de sa part me disant que c'était fini et que je pouvais maintenant rentrer chez moi. Je n'ai eu aucune nouvelle pendant deux semaines avant que je me décide à venir!

Jean passe les mains dans ses cheveux en soupirant avant de se lever. Je ne sais pas quoi lui dire à la fois choqué et surpris. Le frère que j'ai cru mort pendant dix ans se la coulait douce en Angleterre avec un garçon. Il mériterait une bonne gifle, mais je ne le fais pas et me contente de sortir de la maison. Quelqu'un d'autre va le faire à ma place de toute façon. Ce n'est qu'une question de temps avant que son secret soit révélé.

***

En après-midi, j'embarque dans la voiture d'Erwin pour monter en ville. Mike aussi nous accompagne, tout comme Eren qui s'est invité, assis près de moi sur la banquette arrière. Je me sens embarrassé d'être avec lui, songeant toujours à ce délicieux baiser. J'aimerais recommencer. Chaque fois que je le regarde, mes yeux baissent instinctivement vers ses jolies lèvres. Je déteste cette sensation.

Puisque le mariage d'Armin arrive bientôt, j'ai décidé de payer à mon cousin et Mike des habits propres. J'ai vu celles qu'ils comptaient mettre à la base et c'est absolument immonde. Comme ils n'ont pas les moyens et que trouver quelques choses à leur taille est difficile, ils ont dû se contenter de costumes mal cousus et trop petits. Je les amène donc à Québec chez le tailleur qui a fait la mienne. Même si Erwin refusait à la base ce cadeau, il n'a pas le choix de l'accepter.

-C'est vachement cher pour un morceau de tissus, s'étonne Eren en regardant une veste, j'espère au moins qu'il y a un distributeur de limonade intégré à ce prix.

-C'est le prix à payer pour un habit fait sur mesure, répliquai-je, au moins, ils vont les garder longtemps.

Je tourne mon regard vers le petit tabouret sur lequel se tient Mike. Deux femmes s'occupent de prendre ses mesures d'un air sérieux, alors que Erwin regarde la scène d'un mauvais œil. Eren glousse en s'approchant de lui, puis se penche à son oreille :

-Fais pas ton jaloux Erwin, elles ne vont pas te le voler ton Mickey!

Mon cousin lance un regard méchant au beau brun qui sourit. Je crois qu'il est très protecteur envers l'homme qu'il aime. J'espère seulement que sa jalousie ne l'étouffe pas par moment, car ce serait une mauvaise chose.

Une fois que les femmes ont terminé de prendre les mesures des deux hommes costauds, nous repartons et je ne paie que la moitié pour l'instant. Mon cousin ne cesse de me remercier et je crois que Mike fait de même.

-Ce n'était pas nécessaire, tu sais, ajoute Erwin une fois derrière le volant.

-Je sais, mais Armin va être heureux de vous voir bien habillé pour son mariage. Tu es un garçon d'honneur, donc tu ne peux pas te permettre de porter un costume trop court?

Mon cousin n'ajoute rien puis se contente d'entamer le chemin jusqu'au village. En route, je sens la main d'Eren effleurer doucement la sienne. Quand je me retourne vers lui, il se contente de me sourire en resserrant l'étreinte. J'ai l'impression que mon cœur va sortir de ma poitrine tant il bat rapidement tout à coup...

Notre échange de regards est interrompu lorsque la voiture freine brusquement. Mon front frappe le siège avant, me faisant grogner de douleur. Qu'est-ce qui se passe? Le blond a oublié comment conduire?

-Il y a quelqu'un, déclare Erwin, je me demande ce qu'il veut.

Je lève la tête vers le côté de la voiture où se tient un garçon de taille moyenne, une minuscule valise dans les mains. Il est facile à voir puisqu'il manque une portière à cet endroit. Avec des cheveux platine coiffés étrangement, il s'avance en souriant.

-Désolé moi, est-ce que vous, connaitre village of... euh...

Il regarde sa main sur laquelle est inscrit l'endroit qu'il cherche. Son accent anglais est si prononcé que j'ai de la difficulté à comprendre ce qu'il dit.

-Of St-Gédéon, termine-t-il, je chercher partout et on m'avoir montrer cette direction.

Pourquoi ce garçon veut venir à notre village?

Vous n'êtes pas trop choqué par Jean?

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