Chapitre 15 : Simon




Contrairement à ce que j'avais craint, Simon me donne des nouvelles, et nous convenons de nous retrouver le vendredi soir, comme d'habitude. J'ai mis Olivier au courant, et s'il a toujours du mal à se faire à l'idée, il ne proteste pas.

— J'aimerais bien le rencontrer, me dit-il la veille, le jeudi soir.

— Pardon ?

— Pas demain, je sais que tu tiens à le voir seule à seul, mais... je ne sais pas, je crois que ce serait plus facile pour moi si je le connaissais ; c'est vrai après tout, à part quelques photos, je ne l'ai jamais vu. Tu pourrais lui proposer de venir dîner un soir, puisqu'il est seul ici.

— Je crois qu'il va prendre ça pour un piège.

Olivier éclate de rire. Ce beau rire franc, sincère, que j'aime tant.

— Promis, ce n'est pas le cas. Vraiment, Juliette, je me dis juste que s'il est si important pour toi, c'est qu'il doit valoir le coup. Et le rencontrer, désacraliser son image m'aiderait certainement à accepter vos mystérieux rendez-vous.

— Je ne sais pas trop... je ne crois pas que ce soit l'idée du siècle.

Imaginer de me retrouver à table, entre ces deux hommes avec qui je couche ou ai couché ne me met pas particulièrement mal à l'aise. Des tas de gens sont amis avec leurs ex, ça arrive sans arrêt, ce type de situation, mais je ne sais pas si j'ai envie que ça m'arrive à moi. Et je les vois déjà évoquer mes défauts, se moquer de mes manies, ligués contre moi, ça me plaît encore moins.

Olivier perçoit ma retenue et hausse les épaules.

— Ecoute, c'est comme tu veux. Si ça te gêne, je comprends, c'était juste une possibilité. C'est toi qui vois.

L'idée me trotte néanmoins dans la tête toute la journée. Une part de moi se dit que nos réunions bimensuelles me feraient moins culpabiliser si Olivier et Simon se connaissaient, et s'appréciaient. Car c'est sûr qu'ils s'apprécieraient. Je vais peut-être le lui proposer.

J'oublie directement quand je le retrouve dans la brasserie où nous avons rendez-vous. Il est déjà là, installé au fond de la salle, et comme à son habitude, il m'a laissé la meilleure place, face à la salle. Pourtant, tout de suite, je le sens tendu, ailleurs. Il me salue d'un air absent, son regard me fuit, ses doigts aux ongles rongés jouent avec tout ce qu'ils trouvent, la base de son verre, le sous bock de sa bière, son téléphone posé sur la table.

— Simon... ça ne va pas ?

— Si, si. Ça va.

— Je vois bien que non. J'ai fait quelque chose qui t'a contrarié ?

— Tout ne tourne pas toujours autour de toi, Juliette, réplique-t-il sèchement.

Son ton me fait l'impression d'une gifle.

— Excuse-moi, je pensais... je croyais...

Il relève les yeux et pour la première fois, plonge son regard clair dans le mien.

— Pardon, je n'aurais pas dû te parler sur ce ton. Tu n'y es pour rien, soupire-t-il. Ce qu'il y a, c'est que ma fille est tombée de cheval mercredi après-midi. Elle s'est cassée le bras, et je n'étais pas là, tu comprends ? Pas là pour l'emmener aux urgences, attendre le diagnostic du médecin, la consoler. Elle avait besoin de moi, et je n'étais pas là pour elle.

Immédiatement, je pense à Marc. Mais je ne peux pas laisser Simon croire que c'est comparable.

— Tu es là pour elle, Simon. Peut-être pas physiquement, mais tu l'as appelée, n'est-ce pas ?

— Qu'est-ce qu'un coup de téléphone, à côté d'un câlin ? Le fait est qu'en emménageant ici, je prive mes enfants de leur père au quotidien.

Je reste silencieuse cette fois. Il a raison.

— Tu te souviens, de la fois où tu as sous-entendu que Delphine aimait tout contrôler ? reprend-il.

— Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit, mais je m'en souviens, oui. Tu n'avais pas apprécié, ça je m'en souviens aussi.

— En effet. Probablement parce que c'est vrai. Depuis que nous sommes en couple, elle décide de tout pour nous, et notamment de mes fréquentations, puisqu'elle a toujours refusé que je te voie. Je ne dis pas que c'était forcément source de conflits entre nous, au final, c'est assez reposant de vivre avec quelqu'un qui sait ce qu'elle veut. Honnêtement, pendant des années je n'ai pas vraiment eu à m'en plaindre.

— Même par rapport à moi ? l'interromps-je, un peu amère.

Il me considère un instant, et baisse les yeux.

— Oui, mais j'y reviendrai tout à l'heure. C'est certes un défaut, mais pour le reste, Delphine était vraiment une belle personne, une maman formidable, une compagne très agréable.

Je tique sur le choix de l'adjectif. Je ne sais pas si je serais flattée que pour définir mon rôle dans notre couple, Olivier me qualifie de « agréable ». Mais une fois encore, je garde cette réflexion pour moi, et l'interroge sur le fond, plutôt que sur la forme, même si les deux sont nécessairement liés selon moi.

— Pourquoi es-tu parti alors ?

— Parce que ça a évolué au fil des ans, et en particulier après la naissance des enfants, jusqu'à devenir parfois invivable, et cette histoire de boulot en est une belle illustration. Je crois qu'en partant pour la Lorraine, je cherchais juste à reprendre le contrôle de ma vie, à lui montrer que je pouvais aussi prendre les décisions qui régissent mon quotidien, et sans doute aussi, la faire payer pour ces années où elle avait la mainmise sur notre couple. Le problème, c'est qu'au final, ceux qui payent le plus cher, ce sont nos enfants.

Il se tait, mâchoires serrées, regard toujours fixé sur la table. D'un geste sec, il termine sa bière, et pose le verre un peu brusquement. Malgré moi, un petit sourire naît sur mes lèvres. Simon, c'était lui aussi. Pas uniquement la douceur, la sensibilité dont il fait preuve à mon égard depuis nos retrouvailles, hormis le premier soir, après ma question malheureuse sur notre séparation. Simon, c'est aussi le mauvais caractère, le tempérament de feu, les mouvements d'humeur quand on n'était pas d'accord. Quelque part, ça me rassure, j'ai la sensation de le retrouver complètement. Il n'a pas changé.

— Que vas-tu faire ? questionné-je enfin, pour le faire sortir du silence où il s'est enfermé.

— J'en sais rien... Je ne me vois vraiment pas tout laisser tomber ici, si vite. Je n'ai pas envie de retourner à Lyon. Mais en même temps, Delphine ne sera jamais d'accord pour vivre à Metz. Elle ne voulait déjà pas quand on était ensemble, alors séparés, ce n'est même pas la peine d'imaginer la convaincre. Si je veux profiter davantage de mes enfants, ne pas les laisser grandir en ne voyant leur père que deux jours sur quinze, je n'ai pas le choix.

— C'est compliqué, murmuré-je.

Rien d'autre ne me vient. Thanks, Captain Obvious. Simon doit penser la même chose, car il lève un regard lourd sur moi.

— Tu ferais quoi, toi, à ma place ?

— Franchement ?

— Oui.

— Je ne suis pas sûre que cela te plaise.

— Tant pis.

— Ok. Alors moi, je ne serai jamais partie. Je ne juge pas Simon, et je ne te jette pas la pierre, mais jamais je n'aurais pu partir si loin de mes enfants.

— Metz, ce n'est pas l'Australie, raille-t-il.

— Non, mais la distance empêche la garde alternée. C'est déjà trop. Pour moi.

Il lève les mains, dans un geste de fatalité. 

— Qu'est-ce que je dois faire, à ton avis ?

— Je ne peux savoir pour toi, mais si être loin de tes enfants te rend malheureux, peut-être que tu dois les rejoindre. En as-tu parlé avec eux ?

Simon secoue la tête, toujours sombre.

— Alors, c'est peut-être par là qu'il faut commencer, savoir comment eux vivent la distance, je poursuis doucement.

— Tu as raison... Allez, assez parlé de moi. On commande, et tu me racontes ton entrevue entre ton père et ta famille ?

— Simon... on parle toujours de mes problèmes. Pour une fois que...

Mais il me coupe d'un mouvement de la main gauche, tandis qu'il appelle le serveur de la droite, en claquant des doigts, dans un geste à la limite de l'impolitesse. Je comprends qu'il soit contrarié, mais je n'aime pas son attitude. Pourtant, ce soir, c'est à mon tour d'être là pour lui, malgré sa mauvaise humeur. J'encaisse, sans moufter. L'homme arrive, et nous commandons une pièce de bœuf pour lui, des côtelettes de veau pour moi, avec des pommes de terre rôties, et une bouteille de Bordeaux puis il pose ses coudes sur la table, mains jointes.

— Raconte-moi.

Je lui rapporte alors notre entrevue avec Marc, en famille cette fois. La honte, l'agacement, ma colère lors de la scène de la cigarette, sans vouloir pourtant faire un scandale, le calme de mon mari, ferme malgré tout. Simon écoute attentivement, rebondit, pose des questions, s'agace. Mais je vois la mélancolie gagner ses yeux au fur et à mesure de mon récit, sans que je ne puisse pourtant l'interpréter. Je conclus par ma certitude, celle que Marc n'appellera pas.

— Je crois que tu as raison, murmure Simon, comme Olivier un peu plus tôt dans la semaine.

— En tout cas, depuis, je n'ai rien eu, même pas un sms pour me dire qu'il était content d'avoir rencontré les enfants, rien.

— Quelle enflure. Pardon, Juliette, mais franchement...

— Tu peux y aller. C'est ce qu'il est.

Le serveur dépose nos plats, fait goûter le vin à Simon qui donne son aval, et je suis soulagée de le voir plus courtois.

— Je laisserai un bon pourboire, marmonne-t-il quand il s'éloigne, comme s'il avait lu dans mes pensées. Je lui souris.

— Bonne idée.

Nous attaquons notre repas, en échangeant quelques banalités, ça va, elle est bonne ta viande, et alors t'es allé au ciné récemment, j'ai lu un roman super, si tu aimes les thrillers, je te le recommande. Puis, le repas achevé, il pose ses couverts et plonge son regard dans le mien, avec une telle intensité que je me trouble. 

— Alors ça y est, c'est fini ?

— Qu... quoi ?

— Avec ton père. Le bout du tunnel.

— Oui, c'est fini. Maintenant, il peut se passer n'importe quoi, je sais que je serai en paix. Merci, car c'est grâce à toi.

— Je n'y suis pour rien, tu as pris les décisions seule.

— Tu les as plus influencées que ce que tu crois.

— En tout cas, je suis content pour toi.

— Simon, ça va ? demandé-je, alarmée par son ton si différent de celui que je lui connais.

— Tu te souviens, il y a quinze jours, tu m'as dit que Delphine et Olivier étaient différents, que nos histoires n'avaient rien à voir ?

Je hoche la tête, la gorge sèche.

Nous sommes interrompus par le serveur qui débarrasse et nous propose la carte des desserts. Je saisis machinalement la mienne et la pose sur le coin de la table sans l'ouvrir, toujours aimanté par le regard de Simon.

— Je crois que ce n'est pas tout à fait cela. Je crois que c'est nous qui sommes différents. Et que Delphine a bien fait de se protéger, parce que si on s'était revus... je n'aurais pas pu... enfin, je ne sais pas comment te dire ça, Juliette, mais Delphine avait raison de se sentir menacée par toi.

Je baisse les yeux, la gorge nouée.

— Je ne suis qu'une ombre, un fantôme.

— Je ne sais pas, répond-il d'une voix altérée. Peut-être que je t'aimais plus que toi tu m'aimais, ou que je n'ai jamais digéré la fin brutale de notre relation... Je n'ai jamais été très doué pour exprimer mes sentiments, me livrer et je sais que quelque part, c'est une des raisons qui font que tu m'as quitté. Je ne peux pas t'en vouloir. C'est à moi que j'en veux, parce que ces quelques mois qu'on a vécu ensemble, tu m'avais transformé et j'ai fichu tout ça en l'air par mon attitude, sûrement que je pensais que tu m'étais acquise... quelle connerie. Mais je t'aimais, Juliette, tellement, à un tel point, tu ne peux pas t'imaginer... Alors te revoir, nous lier d'amitié, comme ça... Je ne t'ai jamais oubliée, et Delphine le savait. Je crois qu'elle savait très bien que le danger ne venait pas de toi, mais de moi. J'aurais nié de toutes mes forces, mais aujourd'hui, je suis bien obligé de reconnaître qu'elle avait raison.

Une larme que je ne peux retenir coule sur ma joue. J'ai la sensation que chaque mot que Simon prononce impacte mon cœur et qu'il risque de se briser d'un moment à l'autre.

— Si je te disais que je t'aime, Juliette, que je t'aime toujours, que je t'aime encore, tu dirais quoi ?

Je sors un mouchoir de mon sac à main, m'essuie discrètement les yeux pour ne pas faire baver mon mascara, et essaie de prendre la voix la plus ferme possible alors que j'ai la sensation que tout mon corps tremble.

— Je te dirais que tu te trompes.

— Et si je te disais que je suis sûr de moi ?

— Ne fais pas ça, Simon, s'il te plaît...

Je sanglote à présent. Tant pis pour le maquillage et les regards curieux des tables environnantes qui glissent sur nous.

— J'ai besoin de savoir Juliette, d'aller jusqu'au bout, pour ne rien regretter.

— Je... je te dirais que c'est trop tard... qu'une part de moi t'aimera toujours aussi, parce que tu as été le premier homme que j'ai aimé, le premier avec qui j'ai couché, le premier avec qui ça a été sérieux. Mais aujourd'hui, celui avec lequel j'ai envie de passer le reste de ma vie, c'est... c'est Olivier.

— Pourtant, c'est moi que tu as appelé. On a besoin l'un de l'autre, insiste-t-il.

— J'ai besoin de toi, mais c'est Olivier que j'aime. Je suis navrée Simon... j'aurais tellement aimé que ça se passe autrement, il y a vingt ans, ou aujourd'hui...

Il pose sa main sur la mienne et ce contact me fait sursauter. Je lève mes yeux de panda sur lui, mais il me sourit. Son visage est triste, mais doux.

— Ce n'est pas grave, Juliette. J'avais juste besoin de savoir, d'être sûr... de te l'entendre dire, une dernière fois. Tenter le tout pour le tout, et à présent tourner la page.

— Je suis désolée.

— Ne le sois pas, ce n'est pas ta faute. Tu as ta vie maintenant. Tu ne m'as jamais fait de fausses promesses, il est temps pour moi de l'accepter, et de cesser de regarder vers le passé, une bonne fois pour toute.

Nos doigts s'entrecroisent et il serre fort ma main.

— Tu sais, ça me brise le cœur de te dire cela, soufflé-je.

— Tant mieux... enfin, ce n'est pas ce que je voulais dire, mais c'est que je compte un peu pour toi. Allez, ne pleure pas. Un petit dessert nous fera du bien, je crois qu'on a bien besoin d'un fondant au chocolat.

J'éclate de rire malgré mes larmes et hoche la tête.

Il se retourne et appelle le serveur qui s'approche, craintivement. Il doit nous prendre pour deux beaux spécimens cyclothymiques. 

— Alors, nous allons prendre tous les desserts à base de chocolat de votre carte, s'il vous plaît, annonce Simon, avec un café et un allongé.

Il me jette un coup d'œil, j'acquiesce. 

— Voilà, merci beaucoup monsieur.

L'homme plisse les yeux un instant, et quand il comprend que ce n'est pas une blague, s'enfuit en vitesse vers la cuisine.

— Tu es fou, je ris, et Simon m'adresse un sourire craquant, en tout cas, un de ceux qui me faisaient craquer, avant.

Nous prenons le dessert dans une atmosphère plus gaie, et pourtant, ça sonne faux, quelque chose a changé. Comme un voile nuageux sur un ciel d'été. Nous picorons dans le fondant, les profiteroles, la glace, la mousse au chocolat, mais je sens Simon sur la retenue, anxieux. C'est normal, ce n'est pas rien ce qu'il m'a dit, ce que je lui ai répondu, il aurait aussi bien pu me planter là et s'en aller. Mais c'est Simon. Il est là pour moi, quoiqu'il pense, quoi qu'il ressente, alors je m'efforce de faire comme si je ne me rendais compte de rien.

Il se tend encore davantage lorsque le serveur pose nos cafés devant nous. Il le boit noir, court et sucré, au contraire de moi qui l'aime long et sans sucre. De l'eau chaude, se moquait-il les fois précédentes.

Mais ce soir il ne dit rien. Il tourne pensivement sa cuillère dans sa tasse, tout en tapotant sur l'écran de son téléphone de l'index et du majeur gauche.

Il soupire profondément, comme arrivé au bout d'une réflexion intérieure et lève les yeux vers moi.

— J'ai un service à te demander, Juliette.

— Je t'écoute, murmuré-je, inquiète.

Il boit son café d'une gorgée, et saisit son mobile, pianote dessus un instant, avant de le reposer.

— Je viens d'effacer ton numéro. Je voudrais que tu fasses la même chose. 

J'ouvre la bouche et le dévisage, sans comprendre.

— Mais... mais pourquoi ?

— Parce qu'on n'arrivera pas à passer à autre chose si on reste en contact. Je ne peux pas... être ton ami. Delphine avait raison. Je crois qu'il vaut mieux ne plus se revoir.

Je pleure en silence, incapable d'imaginer que je pourrais le perdre à nouveau.

C'est ce que je lui dis, mais il secoue la tête.

— Tu ne me perdras jamais, Juliette, mais on ne peut pas continuer à se voir. Ces dix-huit dernières années, j'ai bien vécu sans toi, mais depuis que tu es revenue dans ma vie... Je ne fais que penser à toi, à nous. Nous souvenirs viennent me hanter en permanence. Alors, puisqu'on n'a pas d'avenir ensemble, tu dois me rendre ma liberté, explique-t-il très doucement.

— Pas maintenant, j'ai encore besoin de toi, j'annone, presque désespérée, prête à tenter n'importe quoi pour le retenir, pour qu'il change d'avis.

— Non, c'est faux. C'est terminé, cette histoire avec ton père. Et si tu as besoin de quelqu'un, Olivier sera là pour toi. Tu peux t'appuyer sur lui. Et même, c'est sur lui que tu dois t'appuyer. Quant à moi, je dois réfléchir à mon avenir, à ce que je veux, et je n'y parviendrai pas avec toi dans ma vie.

— Mais pourquoi on doit couper les ponts ? On pourrait continuer comme avant, juste s'envoyer des messages de temps en temps.

— Non, Juliette, ça ne marchera pas. Parce que rien ne sera plus comme avant. Tu pourras toujours me contacter grâce à Yanis en cas de besoin, mais je te le répète, c'est vers ton mari que tu dois te tourner désormais. Il le mérite.

Je sèche mes larmes, pose quelques instants mon visage dans mes mains, le temps de recouvrer mes esprits, puis attrape mon téléphone, et efface son numéro, comme il me l'a demandé.

— Tu veux vérifier ?

— Non, je te fais confiance.

Un silence froid s'installe entre nous. Le pauvre serveur finit par nous apporter l'addition et j'insiste pour payer. Simon proteste un moment puis se tait, conscient que rien ne sert d'insister. Moi aussi, je peux avoir mauvais caractère, et là, je ne veux plus lui être redevable.

Nous sortons et marchons quelques minutes dans la rue, en direction du parking où je suis garée, toujours sans mot dire, jusqu'à ce que Simon m'arrête et me fasse face.

— Ne sois pas fâchée, Juliette. Je t'en prie.

— Je ne le suis pas. Je suis seulement triste.

— Moi aussi. Ce n'est pas parce que je te le demande que c'est plus facile pour moi, ou que je n'en souffre pas. C'est très dur, Juliette, de te demander de sortir de ma vie. Mais c'est la meilleure chose à faire, pour toi, et pour moi. Tu comprends ?

Je reste muette un moment et opine. Oui, je sais ce que c'est de prendre des décisions qui brisent le cœur, parce qu'on est certain que c'est la meilleure chose à faire.

— Oui, je comprends. Mais tu vas terriblement me manquer.

— Toi aussi, murmure-t-il avant de me serrer contre lui pour que je ne voie pas les larmes dans ses yeux. Toi aussi.

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