Folie
Le lendemain
Toute la nuit fut un calvaire. Je fus contrainte de faire une nuit blanche. Ne pas pouvoir fermer l'œil de la nuit car on avait tellement peur de revivre une scène épouvantable.
L'être humain avait de nombreux atouts tels que pouvoir ressentir une émotion mais il était également doté d'inconvénients comme la folie, la méchanceté et la peur. Parfois, être un animal devait être tellement plus simple ! L'animal ne connaissait pas la fatigue, il me semblait. Contrairement à moi, qui étais incroyablement exténuée.
J'avais déjà fait des nuits blanches mais pas aussi insupportables. Comment se concentrer sur les cours si notre souhait le plus cher était de dormir en paix ? Impossible. J'étais néanmoins obligée d'aller au lycée. À maintes reprises, je m'assoupis sous les yeux perçants des professeurs. Cependant, je me réveillais toujours cinq minutes plus tard par peur de le revoir apparaître.
Je ne me sentais pas en sécurité au lycée, ni chez moi. Mais il s'agissait des seuls lieux que je devais fréquenter tous les jours donc je n'allais pas prétexter mon sentiment d'insécurité devant mes parents ou mes professeurs, ce serait incrédule.
La journée passa lentement, très lentement. Même un escargot était plus rapide ! Je n'y pouvais rien et cela m'énervait. Quand les cours s'achevèrent, je me réjouis à l'idée de me reposer à la maison.
Alors que je marchais le long des rues peuplées de petits platanes, sous une chaleur à en couper le souffle, le même sentiment de danger que la veille en classe réapparut. Le sentiment d'être observée, espionnée, suivie. Ce devait être la fatigue mais cela ne m'empêchait point de douter mais surtout de paniquer.
Je ne voulais pas que cela recommence. Non, je ne supportais plus ces hallucinations. Je ne demandais qu'à mener une vie ordinaire.
Le sentiment se transforma en sensation de léger courant d'air frais. Les feuilles des platanes restaient pourtant immobiles. Serait-ce qu'une simple impression ? Des frissons me parcoururent l'échine et une sueur froide glissa sur mon front. Le tournis ne tarda pas à se présenter lui aussi.
Je stoppai ma marche, fermai les yeux et respirai un bon coup. Une ombre passa dans mon dos. J'ouvris les yeux et me retournai. Malgré les répétitions incessantes des événements, je fus toujours consternée.
Il était là. Face à moi, le regard dépourvu de sens, de vie. Mes paupières se fermèrent un quart de seconde mais cela lui suffit pour se volatiliser comme s'il n'avait jamais été présent ; uniquement dans mon imagination.
Je devenais folle certainement. Jamais une personne normale et saine d'esprit n'aurait vu apparaître un jeune homme tout droit sorti des années vingt mais dépourvu de vie, d'émotions. Non, cela se déroulait dans mon esprit et cela signifiait que je n'allais pas bien.
Ce matin, Rachel m'avait demandé pourquoi j'avais l'air aussi fatiguée. Après lui avoir tout expliqué dans les moindres détails, je n'avais pas été étonnée de constater qu'elle me prenait pour une folle. Ce que j'étais en train de devenir. Elle n'avait même pas pris la peine de me répondre et avait préféré changer de sujet.
Son regard avait affiché une incompréhension similaire à celle de mes parents la veille. Ils allaient demander à ce que je vois un psychologue pour améliorer mon état. Cependant, leur en avoir parlé ainsi qu'à Rachel, soi-disant ma meilleure amie qui me comprenait parfaitement dans chacune des situations de ma vie, m'avait, au contraire, fait regretter.
Une seule solution s'offrait à moi : m'isoler de mes proches. Du moins temporairement, le temps que ces illusions disparaissent pour de bon.
Le week-end je n'irais plus en ville ; après les cours je rentrerais directement à la maison ; le soir je ne parlerais à mes parents qu'au dîner et j'éviterais le plus possible de leur demander quoi que ce soit. Au lycée, je n'engagerais jamais la conversation avec Rachel, ni avec des professeurs ou d'autres élèves. Je m'isolerais complètement.
Cela pouvait paraître fou mais je voulais être sûre de ne causer aucun mal à mon entourage. Je voudrais que tout cela cesse.
Bien qu'il ait disparu et que je sois rentrée chez moi, le sentiment persistait. Il allait probablement s'évanouir dans quelques minutes. Je me trompais ; quelques heures plus tard il demeurait bel et bien présent. La fatigue m'emporta tout de même dans un profond sommeil et me permit de rattraper les heures de fatigue perdues.
Au réveil, je me sentais toujours aussi visée. La journée commençait bien. Une boule au ventre s'installa alors. Et ce, toute la journée. La nuit suivante également. Pourtant, il ne réapparaissait plus. Au fil des jours, ce sentiment évoluait en une peur constante, un effroi permanent. Chaque endroit me semblait aussi mystérieux et dangereux que le précédent. Je fréquentais pourtant ces lieux depuis toujours. Chaque moment paraissait menaçant, redoutable, silencieux. Ma vie se transformait petit à petit en enfer. Je sentais sa présence partout, où que j'aillais, quoi que je faisais.
Au bout de trois jours, j'eus l'impression qu'il se cachait toujours dans l'ombre, à m'observer, et que je l'avais vu. Je ne l'apercevais pas plus d'une seconde qu'il s'évaporait en un clin d'œil ! Je le croisais partout, tout le temps mais chaque fois il ne restait pas plus longtemps qu'une étoile filante.
L'angoisse n'était rien à côté de ce que je vivais sans arrêt depuis environ deux semaines. Je ne connaissais plus la signification du verbe dormir ou même se reposer. En revanche, la signification de nuit blanche m'était parfaitement familière. Je n'avais pas fermé l'œil depuis qu'il était apparu dans ma chambre et qu'il m'avait parlé. On ne pourrait me qualifier comme exténuée, ce serait beaucoup trop faible pour me décrire.
Je ne savais plus quoi faire. Quand ce cauchemar s'achèverait-il ? Cela n'en finissait plus. J'étais si dépourvue, si dévastée. C'était horrible. Je n'en pouvais plus...
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