Partie 7

Notre conversation n'avait duré qu'une poignée de secondes, mais assez pour alerter la magicienne qui me regardait.

— Cela n'a pas l'air de t'enchanter.

Je reportai mon attention sur elle. Comment lui faire comprendre que tout ceci me laissait abasourdie ? Je soupirai et massai mes tempes des doigts.

— J'imagine que cela doit te faire beaucoup de changements d'un seul coup. Tu ne devrais pas avoir trop de mal à t'y faire je pense. Quelque chose me dit que tu es plus résiliente que beaucoup d'entre nous.

Je me contentai de la regarder en réponse.

— Il te sera plus facile de communiquer une fois que tu sauras écrire, sourit la femme.

Le silence se prolongea après mon hochement de tête. La magicienne semblait réfléchir, les yeux perdue dans le vague. Quand ses yeux revinrent dans le présent, elle m'annonça :

— Si ça te convient, Gilda continuera de s'occuper de toi. Elle est attachée à mon service habituellement mais je suppose que je peux me passer d'elle quelques temps. Elle et toi semblez bien vous entendre, non ?

J'opinai timidement. Je ne savais pas si je m'entendais si bien que ça avec la jeune femme, mais à vu de nez, elle ne représentait aucune menace pour moi.

— Je vais donner des ordres pour que la chambre voisine de la sienne te soit assignée, m'informa la magicienne. Elle ne dort pas dans la même aile que celle où tu t'es réveillée ce matin.

Elle claqua des doigts et le même homme qui m'avait introduit entra. La Dame blanche lui assigna une liste de tâches. Elle claqua à nouveau des doigts et Gilda apparu par une autre porte pour recevoir d'autres consignes. Je me demandai si ce simple geste pouvait contenir une quelconque magie.

« Tu ne peux pas encore le percevoir mais elle les invoque par leurs noms. »

« Erk. »

« Dans ces conditions, il n'y a rien de répréhensible. C'est juste un appel léger, elle ne les force à rien. »

La magicienne se leva et je fit de même. À nouveau, elle m'embrassa sur le front et me congédia. C'est uniquement dans le couloir que je m'aperçus que j'avais laissé mes sandales au pied du fauteuil et que j'allais pieds nus. Je m'immobilisai au milieu du couloir et déclenchai le rire de Gilda.

— Tu n'aimais vraiment pas ces sandales, hein ? Je te trouverais autre chose, ce n'est pas bien grave. Je t'ai fait demander des vêtements plus chauds également et tu auras tout ce qu'il te faut ce soir au plus tard. Il nous reste une petite heure avant le service de midi, autant commencer nos leçons sans perdre de temps.

Elle me saisit la main et m'entraîna dans une nouvelle série de couloirs. La pièce où nous entrâmes avait des dimensions bien plus modestes que celles que j'avais déjà vu. Quelques bancs et tables face à un étrange rectangle noir accroché au mur un bureau dans un coin et une bibliothèque pleine de livres dans un autre complétaient le mobilier.

J'appris assez vite ce qu'était un tableau et sa version miniature, une ardoise. Gilda ne souhaitait pas perdre de temps. Une heure plus tard, je connaissais les cinq premières lettres de l'alphabet. J'avais encore étonné ma professeur en me servant de mes deux mains pour tenir la craie sans montrer de préférence pour l'une ou l'autre.

Toujours accrochée à la main de Gilda, je reconnus le chemin de la cantine. Cette fois-ci, l'endroit était rempli de monde. Je m'immobilisai, effrayée par la présence d'autant de monde. Les bruits et les odeurs assaillirent mes sens.

— Eh, ça va aller ? m'interrogea la jeune femme.

J'aggrippai sa main et secouai la tête. Trop de menaces potentielles, trop d'inconnus que je ne comprenais pas.

— Uh, d'accord. On va essayer autre chose.

Elle me conduisit dans un couloir parallèle et soudain nous étions dehors. Enfin presque puisque un plafond en verre nous séparait de l'extérieur. L'endroit, spacieux, comportait plusieurs chaises et tables. Il y avait des gens, mais bien moins nombreux et le bruit restait à un niveau acceptable. Mon absence de réaction indiqua à Gilda que cela me convenait et elle me conduisit jusqu'à une table dans un coin.

— Je reviens, d'accord ? Je vais nous chercher de quoi manger.

J'opinai et la laissai s'éloigner. J'en profitai pour mieux observer la pièce. Il y avait plusieurs fontaine et des plantes fleuries, une aberration au début de l'hiver. Le bruit de fond de la cantine me parvenait étouffé malgré cela, l'espace respirait le calme. Je soufflai et m'installai au fond de ma chaise.

« Détends-toi, tout va bien. »

« J'essaye, mais tout ici me fait paniquer. Il y a trop de gens, trop de choses que je ne connais pas, trop de dangers. »

« Ils ne te feront r... »

— Eh, toi !

Je sursautai et observai deux personnes s'installer face à moi, deux hommes, plus âgés que moi, un an ou deux de plus que Gilda, peut être. Ils portaient le même genre de tenue que ma tutrice, comme elle aimait à se présenter. Une longue tunique blanche, une ceinture colorée, un bandeau semblable autour de la tête.

Mon regard passa de l'un à l'autre.

— C'est toi qui a provoqué tout ce remue-ménage, hier soir ? m'interrogea le premier.

— C'est forcément elle, regarde sa tête de paumée, ricana le second.

— Qu'est-ce que t'as de si spécial, hm ?

— J'en sais rien, mais la Dame Blanche l'a déjà reçu deux fois.
— Il m'a fallu deux ans ici pour arriver au même résultat et c'était des audiences publiques.

Il ne m'avait pas fallu plus de deux phrases pour comprendre leur petit jeu. Ils voulaient m'intimider. Dans ce cas, mon prétendu mutisme m'aidait. Ne pas répondre m'éviterai des ennuis.

« Je dirais même qu'avoir l'air un peu effrayé serait un atout. »

« Erk, pourquoi ça ? »

« La petite mendiante apeurée qui a besoin de protection c'est un meilleur rôle que la salle gosse mal élevée qu'on a tiré du caniveau. »

« T'es difficile. »

« Je dis ça dans ton intérêt. »

« Hm. »

— Eh petite salope, tu vas répondre !

Ah, ma conversation avec la voix m'avait fait manqué une partie du jeu.

Je pris mon regard le plus innocent et le plus effrayé possible pour regarder mon adversaire.

— Elle doit être attardée, ricana son comparse.

— Tu vas devoir apprendre qu'ici, tu dois le respect jusqu'au dernier des aides de cuisines, grogna le premier. Tu n'es rien ici !

Il m'attrapa par le col et me souleva de la chaise. Mon premier réflexe fut de lui envoyer un coup à l'entrejambe pour qu'il me lâche mais mes muscles refusèrent d'obéir.

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