Partie 6
Quand je sortis finalement de l'eau, elle avait prise une teinte grisâtre. J'observais mes mains, que j'avais rarement vu aussi propres et fripées.
— Eh bien, ça doit être plus agréable comme ça, non ? m'interrogea Gilda.
Nous étions toutes les deux emballées dans un vêtement appelé « peignoir ». La jeune femme venait de finir de démêler mes cheveux.
— Ils sont vraiment abîmés, ça te dérange si je les coupe ? continua-t-elle.
Je secouai la tête et elle s'empara d'une paire de ciseaux. Tandis qu'elle s'affairait, mes mèches brunes tombaient au sol à un rythme régulier. Le cliquetis régulier des lames marquait à chaque fois la chute d'une boucle humide.
Une heure plus tard, je me tenais debout devant un miroir, abasourdie par mon propre reflet. Mes cheveux, propres et coiffés, avaient été raccourcis juste sous ma mâchoire. Mes ongles aussi avait été coupés. J'étais habillée d'une courte tunique claire, un pantalon foncé serré aux chevilles et une paire de sandales. Les chaussures me faisaient mal aux pieds. Je n'en avait jamais porté et j'avais une furieuse envie de les enlever. Je me retenais uniquement pour sauvegarder les efforts que Gilda avait fait pour me rendre « présentable » selon le mot qu'elle avait employé. Mon reflet me regardait avec ses iris dissemblables, l'une marron, l'autre bleue. Ma mère aimait à raconter que je ne savais pas choisir, jusqu'à la couleur de mes yeux.
Je passais un long moment à m'observer. Je ne me souvenais plus de la dernière fois où j'avais pu me regarder comme ça.
— Ça doit te changer, s'amusa Gilda.
Je me tournai vers elle, assise sur un banc. Je restai incapable de dire si elle prenait autant soin de moi pour se faire bien voir ou si elle avait pris en affection la petite mendiante que j'étais. Nous attendions qu'on nous appelle pour notre entrevue avec la magicienne. Les gens d'ici se référaient à elle en l'appelant la Dame Blanche. Je ne comprenais pas pourquoi ce titre mais je me trouvais dans l'incapacité de poser des questions.
Un homme entra soudain par la double porte.
— Vous pouvez entrer, annonça-t-il.
Gilda se leva et m'entraîna avec elle. La pièce où nous entrâmes me laissa stupéfaite, un sentiment permanent depuis mon réveil. Il y avait un meuble où s'entassaient des dizaines de livres, deux confortables fauteuils et une petite table près d'une large cheminée pour l'instant éteinte et une table de travail couverte de papiers. La magicienne, assise dans un des deux fauteuils, nous accueillit d'un sourire. Ma compagne s'inclina aussitôt et je l'imitai maladroitement.
— Eh bien, te revoilà, me dit-elle. Je vois que Gilda a pris soin de toi.
J'hochai la tête avec énergie, lui tirant un petit rire.
— Laisse-nous, dit-elle à la jeune femme, qui s'inclina à nouveau et quitta la pièce.
— Viens, assieds-toi, m'invita la magicienne.
Je lançai un regard au siège en face du sien, revint sur elle. Elle m'encouragea d'un mouvement du menton. Je m'assis et retint un couinement quand l'assise s'affaissa sous mon poids.
— Il ne va pas te manger tu sais, tu peux t'installer confortablement.
Je finis par m'enfoncer dans le siège, les pieds à quelques centimètres du sol. La magicienne m'observa un moment et je lui rendit son regard avec curiosité.
« Ses cheveux sont blancs. »
J'écarquillai les yeux à cette réalisation. Les longs cheveux coiffés en chignon complexe étaient blancs. Son visage apparaissait comme celui d'une femme d'une trentaine, peut être quarantaine d'années. Mais ses mèches avaient la couleur de la neige fraîche.
— Je suis née comme ça, expliqua la magicienne.
Sa voix me tira de mes pensées et je me rendis compte que je la dévisageai. Par réflexe, je voulu replier mes genoux contre mon torse avant de me souvenir que je risquais de salir le fauteuil avec mes chaussures. Je leur lançais un regard qui provoqua un nouveau rire chez mon interlocutrice.
— Tu peux les enlever si elles te gênent tant, nous t'en trouverons d'autres, m'informa-t-elle.
Elle n'eut pas besoin de le répéter. En quelques secondes, les sandales échouèrent au sol et je m'assis les jambes croisées.
— C'est mieux ?
J'opinai avant de pencher la tête sur le côté, attentive à la suite de son discours.
— Est-ce que tu sais pourquoi tu es là et non pas pendue au bout d'une corde ? me demanda-t-elle soudain.
Je secouai la tête.
— Tard ou plutôt très tôt ce matin, les veilleurs ont senti une immense vague d'énergie. Ils leur a fallut un moment pour comprendre d'où elle pouvait venir. Quand ils ont localisé l'endroit, j'ai envoyé un grenolin à la prison. Ces animaux sont capables de sentir la magie dans les êtres vivants. Il a détecté ton potentiel et maintenant te voilà.
« Tu es responsable de cette 'vague d'énergie' ? »
« Oui. »
— La magie en toi est puissante, continua la magicienne. Ça m'étonne que nous ne l'ayons pas senti avant, mais elle dormait peut être en attendant un moment pour se manifester. Nous ne formons pas d'aspirant, mais l'hiver est là et il sera bientôt difficile de voyager. Tu pourras apprendre les bases ici avant d'aller continuer ton apprentissage dans une de nos écoles.
« Ils ont l'air assez certains que je vais obéir sans sourciller. »
« Qui regimberait à ça ? Une éducation tout frais payés, un toit, des vêtements et des repas chauds... »
« Et puis ça va dans ton sens, puisque tu voulais que nous allions à la Cathédrale... il y a une école là-bas. »
« Encore faudrait-il que tu fasses les efforts nécessaires pour pouvoir y rentrer. »
« Je ne vois toujours pas l'utilité. »
« Notre destin est là-bas. »
« Ne recommence pas à parler par énigmes ! »
« Tôt ou tard, nous devrons-y aller. Autant le faire de notre plein gré plutôt que d'y être forcé un jour. Crois-moi, défier la volonté de la Déesse n'est pas une bonne idée. »
« Alors quoi, je deviens une élève modèle et je donne tout pour pouvoir entrer là-bas ? »
« Tu auras évidemment tout mon soutien. »
« Facile ça. »
« Tu finiras par y prendre goût. »
« Je n'aime pas ces gens, ce qu'ils font, comment ils vivent, comment... »
« Je sais. Nous changerons ça. »
« Hein ? »
« Rien... Pour l'instant, occupons-nous de gagner la confiance de cette Dame Blanche et soyons obéissants. Je te rappelle que si ils nous jettent dehors, les gardes de la cité se feront un plaisir de te passer une corde autour du coup. »
« Vrai... »
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