Partie 4
Je me réveillai sur une surface moelleuse, bien au chaud, dans un endroit qui sentait anormalement bon. Tout ceci alarma mon esprit et je me redressai brutalement. Un vrai lit, d'épais rideaux à la fenêtre, un tapis au sol, tout ici respirait le luxe. Je me souvins des événements de la veille et soupirai. J'étais définitivement dans le pétrin.
« Je trouve que notre situation s'est grandement améliorée, au contraire. »
— Bien sûr, nous voilà entre les pattes de l'Église, mais tout va bien...
« Tu es vivante et capable de marcher, on va sans doute te donner à manger et te laver. Tu ne nieras pas que c'est plus agréable que la pendaison ! »
— Attends, tu es responsable de ça ? m'exclamai-je.
« Chut ! Tu es sensée ne pas savoir parler ! Réponds-moi en pensant, ça ira plus vite. »
« Je peux faire ça ? »
« Bien sûr que tu le peux ! Je suis dans ta tête, penses-tu vraiment que j'ai besoin de t'entendre prononcer des mots qui se forment avant dans ton esprit ? »
« Je n'avais jamais pensé à ça. »
« Si tu écoutais un peu ce que je disais de temps en temps, au lieu de passer ton temps à m'envoyer balader. » soupira la voix. « Ça t'éviteras aussi de passer pour une folle qui parle dans le vide. »
« Bon je peux essayer, mais ça ne m'explique toujours pas comment tu nous as sorti de la prison ! »
« Disons que j'ai un peu... titillé l'esprit des magiciens de la ville. »
« Le potentiel en moi dont ils n'arrêtent pas de parler, c'est toi ! »
« Oui et non. C'est compliqué, je suis magique mais toi aussi. Tu es magique parce que je suis magique. Nous sommes liés toi et moi. Je ne suis pas dans ton esprit pour rien. »
« Qui es-tu ? »
« Cela, je n'en sais absolument rien. »
« Nan mais je rêve, tu veux que j'écoute ce que tu dis, mais tu me donnes aucune réponse ! »
« Si je pouvais te le dire, je te le dirais mais figure-toi que mes souvenirs ont disparu. Quand je te dis que je ne sais pas, c'est que je ne sais pas ! »
« ... »
« Oui ? »
« Tu es amnésique mais tu sais jouer des tours aux magiciens et tu veux que nous allions au beau milieu du continent ? »
« Oui. »
« Tu es agaçant ! »
« Je sais, tu finiras par apprécier. En attendant, si nous explorions un peu ? »
« Ça, ça me plaît davantage. »
Il me sembla entendre un rire étouffé. La présence dans mon esprit ne s'effaça pas comme à son habitude. J'avais l'impression d'avoir quelqu'un qui regardait par dessus mon épaule. Au fond ça ne me dérangeait pas, mais pour une solitaire comme moi, l'expérience était déconcertante.
Je commençai par détailler la pièce où je me trouvais. En plus du lit et du tapis au sol, un coffre en bois et un petit meuble avec un miroir complétaient le mobilier. Je baissai les yeux pour m'apercevoir que je portais encore mes vêtements. Enfin, « vêtements » était un grand mot pour décrire ce que j'avais sur le dos. Le tissu avait subit tellement de mauvais traitements qu'on ne pouvait plus dire avec certitude la couleur d'origine et il était usé jusqu'à la corde. J'ouvris le coffre pour m'apercevoir qu'il était vide. Peu intéressée par le miroir, je me rendis jusqu'à la porte, tournai la poignée sans grand espoir et restait surprise quand le battant pivota.
« Ils ne sont guère prudents. »
« Ils pensent qu'ils n'ont pas grand chose à craindre de moi. »
« Gardons-nous de les détromper... Pour l'instant. »
J'acquiesçai sans bruit et m'aventurai dans le couloir. J'étais visiblement à une des extrémités. Plusieurs portes semblables à la mienne s'ouvraient à intervalles réguliers sur les deux murs. La lumière provenait d'étranges pierres accrochées par des supports dorés.
« Un seul de ses trucs pourrait me rapporter gros. »
« Ne fais pas ça ! »
« Ça va, je ne suis pas stupide. Il faudrait que je le détache sans bruit et que je le sorte d'ici, impossible. »
Puisqu'il n'y avait personne en vue, je continuai mon chemin dans le couloir, le pas silencieux, à l'affût. Le silence ne me disait rien de bon. Le couloir débouchait sur un escalier descendant que j'empruntai. Il était plus large que n'importe lequel que j'avais déjà pu voir, tout en pierre, ou une matière ressemblante. J'arrivai un hall qui me sembla familier. Une seconde volée de marche se dressait à l'autre bout, et une arche se découpait de chaque côté. Je restais médusée devant la taille de la pièce. Comment pouvait-on perdre autant d'espace dans un bâtiment ? Tellement de gens pourraient loger dans cet endroit.
« Ils n'ont sans doute pas les mêmes standards que toi. »
« Et toi ? »
« Je me souviens d'un temps où cela m'impressionnait autant que toi. »
« Mais tu es amnésique... » ricanai-je.
« C'est flou mais certaines choses me reviennent parfois... »
Un son sourd résonna soudain dans mes oreilles et je bondit de surprise. Le son se répéta, vibra dans ma cage thoracique.
« Qu'est ce que c'est ? » paniquais-je
« Des cloches, tu sais, ce qui marque les heures dans les enceintes les plus hautes. » répondit la voix mi-compatissante, mi-amusée.
« Mais ça fait un bruit monstrueux ! »
« Elles doivent être juste au-dessus. »
« Et ça va être ça, toutes les heures ? Pourquoi on ne les a pas entendu cette nuit ? »
« Les chambres doivent être insonorisées, à moins que la magie de cette femme ne soit plus puissante que ce que je pensais. »
Il marqua une pause avant de reprendre :
« Je ne m'étonne pas que tu gargouilles avec la neuvième heure qui sonne. »
« Je propose qu'on se concentre sur la recherche de la probable immense cuisine de ce bâtiment... ou la réserve ou quoi que ce soit qui puisse remplir mon estomac. »
« Pour une fois, je suis d'accord. En plus le silence et l'absence de gens dans ce bâtiment commencent à m'inquiéter. »
« Gauche ou droite ? »
« Gauche. »
« Pourquoi ? »
« Parce que. »
Je levai les yeux au ciel mais me dirigeai vers l'arche choisie. Un nouveau couloir, plus large, plus haut, plein de décorations brillantes qui me figea sur place. Ce décor était tellement différent de celui dans lequel je vivais que mon cerveau peinait à analyser tout ce que je voyais.
Une étrange mélodie se fraya un chemin jusqu'à mon oreille et me sortit de ma stupéfaction. Avant de réfléchir, mes pieds suivaient la musique. Une femme chantait, l'écho de sa voix résonnait sur les murs.
J'eus soudain l'impression d'émerger d'un rêve. Je me retrouvai assise, jambes croisées, aux pieds de la femme de la veille. Elle me souriait et j'aurais tué n'importe qui aurait essayé d'assombrir son expression de bonté et de gentillesse pure.
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