Partie 25
La matinée s'écoulait sans heurts quand je sentis une violente douleur dans ma poitrine.
« Ulrich ! » m'exclamai-je.
« Ils sont... il l'a... Merde Astrid ramène-toi ! »
Dans toute sa confusion, je perçut l'image de Wendy à terre, une main sur la poitrine. Être frappée par la foudre m'aurait fait moins d'effet. Au beau milieu d'une phrase de notre professeur, je me levai et détalai comme un lapin.
Salle de réunion. Salle de réunion... Merde, pardon, excusez-moi ! Je courus, dévalai un escalier, en grimpai un autre. Pardon, j'ai pas fait exprès ! Enfin le couloir, la porte. Je n'en ai pas conscience, mais je brisai plusieurs protections magiques importantes et ouvrai la porte avec fracas faisant sursauter tout le monde dans la pièce.
En un regard et l'appui d'Ulrich, je compris. Wendy, allongée au sol, était entourée de plusieurs personnes, bizarrement immobiles. Deux autres se trouvaient adossés contre le mur et un dernier se tenait entre la porte et moi.
— Écarte-toi, gamine, il lui faut de l'aide !
« Ne le laisse pas partir, il l'a ensorcelé ! Et les autres aussi. » m'avertit Ulrich.
« Et comment je fais ça sans tout foutre en l'air ou passer pour plus tarée que je ne suis ? »
Il passa soudain à l'avant de mon esprit et je vis mon poing se lever pour atterrir une première fois dans l'estomac de mon interlocuteur et une deuxième fois dans sa tempe quand il se plia sous le coup de la douleur. Il s'effondra au sol, inconscient. Mon corps bougea à nouveau de lui-même et en quelques secondes j'avais assommé les deux autres.
Dans un coin de mon esprit, Ulrich souffla tandis que mon oreille enregistrait le cri de souffrance de Wendy et les hoquets de surprise et de douleur des autres.
— Qu'est-ce qu'il se passe ici ? intervint une voix.
Devant la porte grande ouverte, quelques personnes s'étaient amassées, attirées par le bruit. Mais c'est Gilda qui était intervenue. Elle m'avait probablement suivie.
Tandis que les victimes hébétées tentaient d'expliquer la situation et de disperser la petite foule qui s'amassait, je n'avais d'yeux que pour celle qui venait d'apparaître dans la pièce. Une femme dans la trentaine, avec des cheveux bruns enroulés en nattes complexes, des yeux foncés et la peau claire, penchée avec un air inquiet sur le corps de Wendy.
« Aurore ? » projetai-je.
Elle bondit sur ses pieds et me transperça du regard.
« Tu me vois ? »
« Assez bien oui. » ricanai-je.
« Tu as un point commun avec l'affreux. » constata-t-elle devant mon humour sec.
« L'affreux t'emmerde Aurore. » se manifesta Ulrich à mon côté.
« Pas besoin d'être vulgaire. »
« Qu'est ce qu'il est arrivé à Wendy ? » demandai-je.
« J'avais vu ces trois-là, mais je ne savais pas si ils représentaient une menace ou pas. J'aurais dû l'avertir, mais je ne voulais pas nuire à ses plans. »
« Que lui ont-ils fait ? » répétai-je.
« Quelque chose que tu as interrompu avant que ça devienne grave, heureusement. Mais il lui faudra du repos et des soins. »
« Si tu partageais librement ta conscience avec elle au lieu de te terrer au fond de son âme, ça ne serait peut-être pas arrivé. » grogna mon colocataire.
« Laisse-moi mener ma réincarnation comme je le souhaite, Ulrich. Je refuse de m'imposer à elle comme ça. »
« Rassure-toi, elle s'habituera. »
« Au pire je pourrais lui donner des conseils. » renchérît-je.
Aurore me foudroya du regard avant de poser le même sur Ulrich, dont la mimique satisfaite me tira un sourire en coin.
« Tu as une détestable influence sur cette enfant. »
« Crois-moi, elle était pire avant. »
Aurore soupira avant de poser un regard sur Wendy qui s'agitait au sol.
« Veille sur elle, je ne peux pas faire. Pour l'instant. »
Elle disparut et je pris conscience de quelqu'un qui tirait sur ma manche avec insistance.
— Eh ! Eho ! Petite !
Je tournai la tête vers Gilda qui posa une main sur ma joue.
— Ça va ? chuchota-t-elle. Tu avais l'air... partie.
— Ça va, désolée, la rassurai-je.
Un tourbillon de mouvements, d'incompréhension, de protestation et d'explications plus tard, je me retrouvai l'oreille contre la porte communicante entre ma chambre et les appartements de la Dame Blanche, à attendre que tout le monde fiche le camp. Quand je n'entendis plus aucun bruit, je déverrouillai la porte, traversai le salon et la chambre sur la pointe des pieds et me glissai sous les draps à ses côtés. Elle frissonna à mon contact et balbutia quelques mots que je ne compris pas.
— Chut, c'est moi, murmurai-je.
Dans son état semi-conscient, sa main chercha la mienne. J'entrelaçai mes doigts aux siens et me blottit contre elle. Elle marmonna à nouveau avant de s'apaiser. Les autres avaient assuré qu'elle se remettrai, qu'il fallait qu'elle se réveille. Quand ils m'avaient questionné sur la façon dont j'avais su, j'avais prononcé quelques mots hésitant sur un instinct, une sensation qui m'avait guidé. Ils avaient été ravis de conclure pour moi que ma « possession » m'avait donné une sensibilité à la magie noire. J'étais donc passé d'un objet de crainte à un objet de crainte-admiration-curiosité. J'hésitai encore à qualifier ce changement de positif.
« Elle va survivre, Astrid. » m'assura Ulrich.
Il apparut au bout du lit, sonné.
« On a rien vu. »
« Ils ont préparé ça loin des yeux de tout le monde, je les considérais comme parfaitement ordinaires et inoffensifs. »
« Mais ça ne les a pas empêché d'essayer de la tuer ! »
« Ils n'ont pas réussi, c'est le plus important. »
« Je ne peux pas la perdre, Ulrich. »
« Tu ne la perdras pas, je vais tanner Aurore jusqu'à ce qu'elle accepte de l'aider ouvertement. Avec son don et ses talents plus ceux qu'elle possède déjà, elles seront à l'abri. »
Je soufflai, fermai les yeux. La tête posée sur sa poitrine, j'écoutais les battements paisibles du cœur de Wendy. Le bruit régulier me berçait et ajouté à la fatigue et l'émotion, je m'endormis.
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