Partie 21
J'acquiesçai et retournai dans le salon, morose malgré tout. Je tournai mon attention vers les livres abandonnés durant l'incident de la veille. J'en pris un avant de me diriger dans ma chambre et d'enfiler une tenue moins négligée. Je n'avais pas l'intention de mettre le nez hors de ma chambre, mais si Gilda venait me voir, le pyjama ne me paraissait pas adapté.
Je passai un coup de brosse dans mes cheveux et jetai un œil dans le miroir. L'enfant des rues avait complètement disparue. Celle qui me regardait dans le miroir avait les joues pleines, les cheveux brillants et propres, des vêtements chauds et des yeux plus sereins que depuis longtemps.
« Je peux affirmer que je te préfère comme ça. » commenta Ulrich en apparaissant sur mon lit.
« Hm... Il y a certaines choses auxquelles je ne suis toujours pas habituées. » grognai-je en me positionnant de profil.
Non seulement j'avais pris trois ou quatre centimètres depuis mon arrivée, mais certaines courbes de ma silhouette s'étaient accentuées, notamment au niveau de la poitrine et des hanches.
« Ce genre de chose arrive à ton âge. Tu deviens mignonne en plus. C'est rien d'inquiétant. »
« Le simple fait que nous ayons ce genre de conversation m'inquiète ! »
« Écoute, tu sais que je ne... enfin tout ces commentaires que je fais sur les femmes que tu fréquentes... J'avoue que j'aime bien me rincer l'œil, mais je ne leur ferais jamais de mal... sans leur consentement. »
« Ulrich ! » protestai-je.
« Je t'en prie Astrid, tu as vécu dans la rue, toi et moi savons très bien ce qu'il se passe quand... bref. Je m'égare. Ce que j'essaye de t'expliquer c'est que, aussi bizarre que ça puisse paraître, je te considère un peu comme ma fille et qu'il ne me viendrait pas à l'esprit d'avoir ce genre de pensée à propos de toi. Je ne veux pas que tu te sentes menacée par ma présence, même si tu deviens plus... euh... Si tu grandis. »
Je restai à l'observer un moment, il passa une main dans ses cheveux, évita mon regard.
« Tu ne veux pas dire quelque chose ? »
« Je te laisserai bien t'enfoncer dans ta non-subtilité. Mais c'est plutôt la première partie qui m'intéresse. Ta fille, hm ? »
« Euh... la différence d'âge fait que c'est la relation la plus évidente à laquelle j'ai pensé. Mais je peux être ton oncle ou... »
« Ulrich... »
« Quoi ? »
« Ça me dérange pas. Que tu te considères de ma famille, ça me fait beaucoup de bien. »
« Oh... »
Il me sourit avant de se lever pour m'ébouriffer les cheveux.
« Eh ! Je viens de les coiffer ! »
« C'est le meilleur dans l'histoire. »
Je le repoussai avant d'entendre frapper à la porte, que j'avais repoussée. Je l'entrouvrit pour découvrir la Dame Blanche en grande tenue officielle, robe, ceinture, diadème, bijoux et cape. L'ensemble me paraissait tellement lointain de la personne que je connaissais que je ne pus m'empêcher d'avoir un mouvement de recul. Son air peiné me fit aussitôt ouvrir la porte et prendre une de ses mains.
— Pardon, j'ai été surprise, m'excusai-je.
— J'ai presque l'habitude de ce genre de réaction, tu sais, me confia-t-elle.
— C'est juste qu'on dirait quelqu'un d'autre. La Wendy que je connais et... et l'Abbesse sont deux personnes différentes.
Elle me sourit, serra mes mains entre les siennes.
— Je reviens dès que possible, tâche de te reposer, m'ordonna-t-elle avant de s'éclipser.
« Elle a l'air d'une reine comme ça. »
« T'en a déjà vu ? »
« Peut-être bien. »
« Tes souvenirs, ça donne quoi au fait ? » demandai-je.
Je refermai la porte et m'installai sur le lit pour reprendre ma lecture.
« En fait depuis que nous avons rencontré la squatteuse de Wendy, j'ai l'impression qu'ils sont presque à ma portée. »
« Squatteuse ? »
« J'aurais bien dit 'colocataire' comme tu te plais à m'appeler, mais puisque notre magicienne n'a pas l'air au courant de sa présence... »
« J'aimerais en savoir plus sur la chanson et cette langue bizarre. »
« Moi aussi, mais en dehors de la facette maternelle et protectrice qu'elle nous montre, elle est très secrète. Je pense que nous sommes les personnes les plus proches d'elle. Les seules qu'elle autorise à être un peu plus familière avec elle sont Gilda et ses amis. »
« Et si tu la suivais ? »
« C'est à dire ? »
« Je veux en savoir plus sur elle. Je l'apprécie énormément. Mais si on doit s'engager dans une espèce de guerre, si elles sont comme nous... Je veux savoir dans quoi on s'engage. Je ne veux plus courir à l'aveugle sans savoir ou je vais ou vivre au jour le jour. »
« Fin de la phase passive, début de la phase d'action, alors. »
« C'est ça. Fini d'essayer de flotter entre deux eaux. Maintenant, on va nager dans le courant. »
« On risque de rencontrer de gros poissons. »
« Peut-être mais on a l'avantage du nombre. »
« Très bien. Je te laisse à ta lecture alors, je m'en vais jouer les espions. »
J'hochai la tête et il disparu. Sa présence se fit discrète dans ma tête mais je savais qu'il veillait toujours sur moi. Je posai enfin les yeux sur mon livre. Il traitait des récits et légendes transmis par l'Église. Je l'avais à peine entamé la veille, la première partie racontant la bénédiction de la Déesse sur la terre qui avait aboutit à la naissance des hommes. Rien de très nouveau pour moi, même le plus humble des religieux des bas quartiers racontait cette histoire aux fidèles.
La partie suivante m'intéressait beaucoup plus. Elle s'intitulait : Récits de la guerre des ombres. La grande guerre contre les forces de l'obscurité qui avait aboutit à la création de l'Eglise, à l'élévation des sept Héros et à toutes les légendes qui courraient sur eux, notamment le plus célèbre de tous, le Cavalier Rouge. Je me posais beaucoup de question sur cette période. Notamment sur la nature des « forces obscures » et de la véracité de ce que l'on racontait sur les Héros.
« Quand la Déesse sentit l'obscurité se lever,
Sept héros, elle choisi pour la dominer.
Justes, braves, bons et loyaux elle les créa,
Et sa force divine elle leur insuffla.
Des montagnes occidentales vint la magicienne.
Elle apprivoisa le vent, l'eau, le feu et la terre.
Même la lumière et la noirceur elle fit siennes.
Et l'arrivé des autres elle murmura dans l'air.
Du désert septentrional vint le protecteur.
Endurcit par le souffle glacés des steppes grises,
Il savait son devoir de protéger les cœurs
Mais aussi de laisser manœuvrer les autres à leur guise.
Du bout de l'océan oriental vint la voyante.
Plus jeune de tous mais celle qui les unit.
Elle les chercha dans les rêves, patiente,
Et prédit les mouvements de l'ennemi.
Des collines méridionales vinrent les guerriers.
Ils dansaient avec la mort et ses innombrables enfants
Jumeaux inséparables et destructeurs d'armées.
Généraux de la lumière aux inégalables talents.
Des îles tropicales vint l'enchanteur,
Ami des créatures magiques et des animaux.
Il éleva une wyverne et conquit son cœur.
Gagnant la liberté de s'élever toujours plus haut.
Du cœur de la capitale vint le cavalier,
Enfant des rues bagarreur et orphelin.
À travers le continent il chercha sa destinée.
Ses étrangers si familiers il fit siens.
Ensemble ils s'unirent contre le mal,
Avec à leur tête l'homme sur son cheval.
Suivit de la plus grande de toute les armées
Ils marchèrent contre les légions des damnés.
Leur mission finalement accomplie,
Et le monde reconstruit.
Leurs exploits notés pour la postérité
Et l'Eglise veillant sur les peuples encore hébétés.
Les Sept Héros, un par un s'en allèrent,
Pour un repos mérité mais éphémère.
Car ils avaient promis de revenir,
Si d'aventure une nouvelle menace devait surgir. »
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