Partie 20

Je me réveillai le nez plein d'une odeur familière. Rose et myrtille. La sensation d'une respiration calme dans mes cheveux et d'un bras autour de ma taille me parvinrent ensuite. J'étais blottie contre un corps chaud et accueillant.

J'inspirai et m'agitai, encore ensommeillée. Aussitôt le bras autour de ma taille se resserra et j'entendis une inspiration plus profonde.

— Bonjour, murmurai-je.

— Bonjour, répondit ma protectrice sur le même ton. Comment te sens-tu ?

— Ça va, j'ai l'impression d'être un peu engourdie.

— Tu as dormi profondément cette nuit, ça ne m'étonne pas trop. Si tu ressens quoi que ce soit d'autre, n'hésite pas à m'en parler.

J'entrouvris les yeux et jetai un œil par la fenêtre. Le soleil était déjà haut dans le ciel.

— Vous ne devriez pas être déjà levé depuis longtemps ?

— J'ai pris un jour de congé impromptu. Je devais veiller sur toi.

— Vous n'avez pas des choses importantes à faire ?

— Rien qui ne soit plus important que toi.

Je soufflai, gênée par l'attention qu'elle me portait.

— Je... je ne veux pas...

— Être un poids ? Me détourner de mon devoir ? M'empêcher d'accomplir mon devoir ou de vivre ma vie ? Tu n'es rien de tout ça...

— Astrid, chuchotai-je dans le creux de son oreille.

— Pardon ?

— C'est mon prénom.

— Tu... non, il ne faut pas...

— J'ai confiance en toi.

— C'est une responsabilité importante que tu me confies. Tu sais que les magiciens peuvent utiliser ce nom contre toi ?

— Bien sûr, je sais. Mais Gilda le connaît et... je me sens encore plus proche de toi que d'elle.

Elle resserra son étreinte sur moi et je la sentis soupirer dans mes cheveux.

— Astrid... murmura-t-elle.

Je frissonnai entre ses bras. Je ne me souvenais plus de la dernière fois qu'on avait prononcé mon prénom avec autant d'affection.

— Tu sais que je suis bien plus puissante que Gilda.

— Je sais.

— Personne ne m'a jamais confié son prénom. Pas volontairement en tout cas.

Je me blottie plus étroitement contre elle. Sa main monta dans mes cheveux qu'elle commença à cajoler. Nous restâmes un moment en silence.

— Je m'appelle Wendy, fit-elle au bout d'un moment.

— Quoi ? sursautai-je.

Je me redressai sur un bras, incrédule. Elle me regarda avec un sourire confiant. Ses cheveux étalés autour de sa tête comme une auréole.

— Puisque tu m'as confié le tiens, il me semblait légitime que tu connaisses le miens.

— Mais... mais c'est... Je... Vous ne pouvez pas... !

— Je peux et je veux. Tu me fais confiance et je te fais confiance. Et je sais que tu garderas le secret.

— C'est... non. D'accord.

Je me rallongeai à son côté et elle remonta les couvertures sur nous.

— Ça doit faire une éternité que je n'ai pas traîné au lit comme cela, confia Wendy.

— Tu ne peux pas être si vieille que ça, me moquai-je.

— Non sans doute pas, mais parfois c'est tout comme.

Un grognement d'estomac se fit entendre et je levai les sourcils quand je m'aperçus que ce n'était pas le mien.

— Je crois qu'on ferais mieux de passer directement à la case « petit-déjeuner », ricanai-je.

— Es-tu en train de te moquer ?

— Je n'oserai jamais, rétorquai-je.

Elle me bouscula affectueusement avant de se lever. La seconde d'après, je fut aveuglée par ce que je découvris être une robe de chambre.

— Eh ! m'exclamai-je.

Elle me jeta un sourire joueur avant de s'emballer dans un vêtement semblable et disparaître dans la pièce voisine.

Je m'extirpai des draps, m'enroulai dans la robe bien trop grande pour moi et la suivit. Je me glissai sur une chaise et l'écoutai ordonner notre repas depuis la porte. Quand elle revint, je vis au pli soucieux de son front et à son regard vague que quelque chose n'allait pas.

— Qui a-t-il ?

— Rien...

— Wendy ?

Elle sursauta et son attention revint sur moi.

— Je... On viens de m'informer du fait que l'état de santé du cardinal décline. Et que certains de mes conseillers et subordonnés veulent organiser une réunion rapidement pour réagir.

— Mais... il n'est pas encore mort, c'est immonde ! protestai-je.

— Je sais, ça me donne aussi peu envie que toi mais c'est malheureusement nécessaire.

— Quand dois-tu assister ? me résignai-je.

— D'ici deux heures et ça me prendra sans doute une grande partie de la journée.

— C'est injuste, tu prends un jour de congé pour te retrouver coincée dans une réunion.

Elle s'approcha et posa un baiser sur mon front.

— Pas de repos pour les braves, me chuchota-t-elle.

Je grommelai pour la forme mais je savais qu'elle avait raison.

— Ça nous laisse quand même un peu de temps ensemble, me consola-t-elle. Et Gilda pourra veiller sur toi cet après-midi.

— Je sais, je sais, soufflai-je.

Nous primes un copieux petit-déjeuner et passèrent le temps qu'il nous restait assises devant la cheminée à discuter de rien, moi nichée sur ses genoux. La pendule sonna et elle se leva pour se préparer. Je la suivit dans la chambre et m'assit sur le lit, l'observant s'habiller et coiffer ses longs cheveux.

— Quel sort m'as-tu jeté pour que je sois aussi bien avec toi ? demandai-je.

La question n'était pas vraiment sérieuse et je n'attendais pas vraiment une réponse mais elle se figea dans son mouvement, se tourna vers moi et fixa ses yeux dans les miens par le truchement du miroir.

— Tu sais que je ne ferais pas ça, n'est-ce pas ? Je n'emploierai pas ce genre de méthode avec toi, ce n'est pas... Si c'est la chanson c'est juste...

— Je sais ! l'interrompis-je. Je sais. Ce n'était pas... C'était une plaisanterie.

Elle soupira et posa la brosse que sa coiffeuse.

— Je t'en prie, c'est un sujet sérieux. Ce genre de sorts est une abomination. Influencer les gens, les soumettre comme ça...

Elle émit un bruit de dégoût au lieu de terminer sa phrase. Je me levai et posai les mains sur ses épaules.

— J'ai compris. Pardon.

Elle posa une main sur la mienne.

— Ne t'excuse pas de ton ignorance, il y a juste certains sujets qu'il ne vaut mieux aborder qu'une fois que tu es complètement renseignée dessus.

Je hochai la tête et elle me repoussa gentiment pour poursuivre ses préparatifs.

— Pourquoi la chanson si ce n'était pas pour me charmer ?

— Ah... la chanson.

Elle s'interrompît à nouveau, prit le temps de réfléchir.

— Disons qu'elle ressemble à la mélodie des sirènes. Certains ne l'entendent pas, certains ne supportent pas de l'entendre, certains n'y prêtent pas attention et d'autres, comme toi, sont capables d'y répondre.

— C'était un test alors ?

— Que tu as brillamment réussi, je dois l'avouer. Maintenant, laisse-moi me préparer, je vais être en retard.

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