Partie 18
Après un moment de silence, je soufflai :
— Qu'est ce qui va changer d'autre ?
— Eh bien, pour commencer tu auras des cours particuliers. Plus de classes communes, Gilda assurera ton éducation. Pour la magie, tu auras tes leçons avec moi. Et pour les tâches que tu effectuais jusqu'ici avec ta tutrice, tu continueras comme avant.
— Pourquoi me loger ici ?
— Officiellement, pour pouvoir intervenir si jamais ta magie devait glisser hors de ton contrôle. Officieusement... Pour te protéger, et parce que j'ai envie de te savoir près de moi.
— Uh...
— La porte ferme à clé de ton côté uniquement, si tu veux un peu d'intimité.
— Comme si une porte close allait vous arrêter...
Elle pouffa et je levai les yeux sur elle.
— C'est vrai. Mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas comprendre le signal d'une porte verrouillée, me sourit-elle.
C'était un vrai sourire, un qui illuminait le fond de ses yeux et je me surpris à y répondre avec autant de sincérité.
— Tu sais, ça me fait vraiment plaisir que tu parles. Je me suis toujours doutée qu'il y avait un esprit vif derrière ce joli minois.
— Hm, c'est le problème avec tous ces enfants de bourges, ils sont ramollis jusqu'au ciboulot.
Elle rit franchement cette fois-ci.
— À la longue on finit par en trouver qui sont plus malins que les autres et qui ont du potentiel.
— Gilda ?
— Elle et certains de ses amis que tu as probablement déjà rencontré.
— Dois-je comprendre que leur petite bande est de votre fait ?
— Oh je n'ai rien forcé entre eux. J'ai simplement veillé à ce qu'ils soient nommés en poste ici à l'Abbaye et qu'ils se rencontrent.
— Contre qui jouez-vous ?
Elle me regarda, un éclair de surprise dans ses yeux clairs qui laissa vite la place à de la compréhension et une pointe de fierté.
— Sais-tu combien il y a d'Abbaye comme celle-ci à travers le continent ?
Je fouillai ma mémoire et me remémorai le livre que Gilda m'avait conseillé.
— Douze, répondis-je.
— Exact. Douze abbayes et douze abbés et abbesse qui les dirigent. C'est contre eux que je joue. Tu ne le sais peut être pas, mais le cardinal se fait vieux, il est malade et ne dirigera plus l'Eglise longtemps.
— Alors l'objectif est de devenir le prochain cardinal.
— Oui.
« Voilà qui est plus qu'intéressant. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ? »
« Réfléchis deux minutes. Le cardinal est en poste à la Cathédrale. C'est le point central du pouvoir. C'est aussi là où se trouve la plus grande des écoles de magie. Endroit dans lequel nous devons nous rendre. »
« Autrement dit, il serait intéressant de la soutenir car l'aider pourrait nous amener plus près de notre objectif. »
« Avoir la future dirigeante de ce continent dans la poche pourrait nous être plus qu'utile. »
« Tu m'étonnes, même sans toi dans ma tête ce serait plus qu'intéressant. »
« Nous sommes d'accord. »
— Et quel rôle je joue dans tout ça ? interrogeai-je.
— Aucun. Pour l'instant.
Je m'apprêtai à protester, mais l'ajout des derniers mots me fit lever les yeux sur les siens. Elle croisa mon regard et me sourit, un sourire en coin que j'ignorai qu'elle possédait.
— Bien évidemment, nous n'avons jamais eu cette conversation.
— Quelle conversation ?
Elle passa une main dans mes cheveux et m'embrassa sur le front.
— En attendant que nous conquérions le monde, que dirais-tu d'un goûter ?
Je pris conscience que mon estomac grognait et hochai la tête avec enthousiasme.
Après une généreuse collation, je retrouvais Gilda qui fut ravie de me serrer dans ses bras et de s'assurer que je n'avais rien perdue de ce qu'elle m'avait enseigné. La leçon fut brève, puisque j'avais pour ordre de me reposer jusqu'à ce que les guérisseurs me jugent en forme.
Trois jours plus tard, il fut assuré que j'étais complètement exorcisée et remise des potentiels effets secondaires. Commença alors pour moi une nouvelle routine. Les matinées étaient réservées aux tâches communes, les après-midi aux leçons de ma tutrice. Mes fins d'après-midi étaient consacrées à la magie.
La Dame Blanche me consacrait du temps tous les deux ou trois jours. Le reste du temps, j'avais des exercices à pratiquer. Je n'avais pas l'impression de progresser rapidement, pourtant Gilda ne cessait de me répéter que je brûlais les étapes. Selon elle, j'accomplissais en quelques jours ce que certains mettaient des mois à apprendre.
— Tu es simplement plus douée que les autres. Et sans vouloir me vanter, tu as une excellente enseignante, répondit la Dame Blanche quand je l'interrogeai sur le sujet.
— Mais ce n'est pas vraiment normal, n'est ce pas ? Je veux dire... Quand Gilda a vu que j'allumai des flammes sur toute la longueur de mon bras, j'ai cru qu'elle allait faire une syncope.
— Tu apprends effectivement beaucoup plus vite que les autres. Tu as une compréhension de la magie qui est bien plus avancé que certaines personnes. C'est souvent le cas pour les magiciens sauvages comme toi et moi. Et puisque je te tire vers le haut et non vers le bas...
« Il y a des jours où je me dis que sa vie n'a pas dû être facile, même après qu'elle soit reconnue comme magique. » murmura Ulrich.
Pendant les leçons mon colocataire se faisait en général discret. Il profitait de sa nouvelle liberté. Depuis quelques jours il pouvait aller et venir librement dans un rayon d'une centaine de mètres autour de moi, sans compter qu'il interagissait désormais avec le monde physique. Enfin surtout avec moi. Sa nouvelle activité préférée consistait à m'ébouriffer les cheveux dès que nous étions seuls. Néanmoins il gardait toujours une oreille et un œil attentifs à ce que je faisais.
« Je pense que ça n'a pas dû être facile d'être une mage sauvage, surtout vu l'opinion que la plupart des gens ont à notre sujet. »
« J'ai vu ses cicatrices. On ne se demande pas pourquoi elle est si protectrice envers toi. »
« Quelles cicatrices ? »
Une succession rapide d'images dans ma tête impliquant la Dame Blanche et un bain et... Je repoussai les souvenirs.
« Pervers ! » m'exclamai-je
« Eh j'ai pas fait exprès ! Comment je suis sensé savoir qu'elle a une salle de bain privée. »
« T'es immonde, te rincer l'œil comme ça ! »
« Si ça peut te rassurer, je ne l'ai vu que de dos et au-dessus de la taille. Mais c'était largement suffisant pour constater les dégâts. »
— Serais-tu un peu distraite aujourd'hui ?
La voix de la Dame Blanche me tira de mon échange mental.
— J'ai... eu beaucoup de choses sur lesquelles réfléchir ces derniers temps. Entre ce que je lis, ce que j'apprends avec Gilda et ce que je déduis, répondis-je vaguement.
— Hm je peux presque voir les engrenages de ton esprit tourner à pleine vitesse, s'amusa la magicienne. Dis-moi ce qui te préoccupe.
Je soupirai, passai une main dans mes cheveux et cherchai son regard. Assise dans son fauteuil, un livre sur les genoux, elle affichait le visage détendu que je commençai à connaître.
— Ils vous ont fait du mal, la plupart d'entre eux sont pourris jusqu'à la moelle et le système entier de l'Eglise est... malsain. Alors pourquoi vouloir les diriger ?
— Pour changer les choses, évidemment.
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