Partie 17

— Tu veux parler ? demanda-t-elle soudain.

— Pardon ?

— Si tu es « délivrée » de la mauvaise magie qui te retenait, tu pourrais à nouveau parler, si tu le souhaite.

— Je ne sais pas, avouai-je.

J'étais tiraillée entre l'envie d'accepter pour pouvoir communiquer plus librement avec Gilda et les autres et celle de me protéger, nous protéger.

« Honnêtement je ne sais pas non plus. » répondit Ulrich à ma question muette. « Le fait de pouvoir parler nous rendrait à la fois plus fort mais plus menaçant aussi. N'oublions pas que certains ont prononcé des prénoms devant nous en pensant que nous ne pourrions pas les répéter ou les utiliser. »

— Tu t'inquiètes de la méfiance des gens, devina la magicienne.

— Et des noms que j'ai entendu, répondis-je.

— Ah... Peut être puis-je assurer les concernés que tu ne pourras pas utiliser leurs noms.

Je relevai les yeux sur elle et elle m'apaisa aussitôt d'un sourire.

— Je ne te ferais rien, de toute manière, je doute qu'un sort de ma part puisse te contenir très longtemps quand tu sauras maîtriser ta magie. Mais je peux toujours créer l'illusion devant ceux qui se sentiront concernés.

— Et ils avaleront ça aussi ?

— Oh oui, ils peuvent être infiniment stupide, si tu savais, rit-elle.

Elle passa une main dans mes cheveux avant de me redemander :

— Alors ?

— Oui. Oui, je veux pouvoir parler, décidai-je.

— Très bien, approuva la Dame Blanche.

Soudain, une bulle éclata dans un coin de mon esprit et j'entendis tambouriner à la porte.

— Ils vont pouvoir rentrer maintenant, m'informa la magicienne. Me fais-tu confiance ?

Je fixai mes yeux droit dans les siens et hochai la tête.

— Alors laisse-moi faire, tout va bien se passer, chuchota-t-elle à mon oreille.

Une étrange sensation m'envahît, à la fois chaude et froide, effrayante et rassurante. Je me sentis glisser au second plan dans ma propre conscience et un sentiment de panique m'envahit.

— Tout va bien, laisse-moi faire, souffla la Dame Blanche. Il vaut mieux que je prenne le contrôle pour l'instant... Et que tu ne gardes pas de souvenirs trop nets de ce qui va suivre.

Le reste de la journée passa comme si j'avais la tête enroulée dans une énorme balle de coton. Je les entendus s'indigner, puis chuchoter. Ils me touchaient, me sentais avec leur magie tandis que mon corps se déplaçais de lui-même, réagissait sans ma permission. Ulrich restait à mes côtés, présence silencieuse et stable qui m'empêchait de trop me concentrer sur ce que me faisait subir les magiciens.

La bulle où je me trouvai éclata et j'ouvris les yeux dans un lit. Presque aussitôt, le visage de Gilda apparu dans mon champ de vision.

— Bonjour toi, souffla-t-elle.

— Salut, murmurai-je.

La surprise de ma réponse glissa sur son visage, vite remplacée par un immense sourire.

— Alors c'est vrai que tu parles.

— Oui.

La tristesse s'empara soudain de son regard et son sourire s'éteignît.

— J'aurais dû faire plus attention... J'aurais dû voir que...

Un noeud se forma dans mon estomac quand je vis sa culpabilité. J'avais envie de lui hurler la vérité.

« Tu sais bien que tu ne peux pas. »

« Mais c'est dur pour elle ! Elle se reproche la mort de ces gens. Ça pourrait même avoir des conséquences sur sa vie ici, elle risque de passer pour une incapable. »

« Je ferais confiance à notre magicienne préférée concernant le dernier point. »

« C'est injuste pour elle. »

« Je sais. Mais on ne peut rien y faire. »

J'attrapai la main de Gilda et l'amenai sur ma poitrine.

— T'aurais... affirmai-je.

Prise d'une quinte de toux, je ne terminai pas ma phrase. Ma tutrice prit aussitôt un verre et me le fit boire.

— De quoi te souviens-tu, exactement ? interrogea Gilda.

Je la regardai sans comprendre et elle précisa :

— De ton séjour ici, de l'explosion et... De ce qu'il s'est passé hier.

— Je me souviens de tout jusqu'à la pause de la matinée de mon premier jour de cours, mentis-je. Après... plus rien jusqu'à ce que j'ouvre les yeux ici.

— Je suppose que le reste n'est pas vraiment important, murmura la jeune femme. Tu sais qui je suis alors ?

J'hochai la tête. Elle me sourit et je lui répondis avant de soupirer en fermant les yeux. J'étais très fatiguée d'un seul coup, et je pris connaissance de mon estomac qui grognait.

— Je vais t'apporter à manger et tu te reposeras ensuite, tu as eu des moments difficiles.

— Qu'est ce qu'il va m'arriver ? demandai-je comme elle quittait la pièce.

— Rien de grave, tu vas te reposer et quand tu iras mieux, nous reprendrons les choses là où on les avait laissées, avec quelques changements concernant tes cours.

Je n'eu pas le courage de l'interroger sur ces modifications. J'étais exténuée et n'aspirait qu'à manger et dormir.

Quand je rouvris les yeux, les rayons du soleil qui pénétraient par la fenêtre m'indiquèrent qu'il était tard. L'environnement inconnu m'intrigua quand je me redressai. La veille, j'avais supposé qu'on m'avait ramené dans ma chambre mais cette pièce était plus grande, plus luxueuse aussi. Une grande bibliothèque presque vide et une petite table avec deux fauteuil s'était rajouté dans un coin. La fenêtre donnait également sur un balcon qui, au vu des tâches de verdure que j'apercevais, devait donner sur les jardins, pour l'instant enneigés.

La neige... je me levai et m'approchai de la fenêtre. Une fine mais persistante couche blanche recouvrai les buissons, arbres et parterres et les flocons continuaient de tomber sans bruit, enveloppant l'Abbaye dans un cocon.

— Plus agréable à regarder de l'intérieur, hm ?

Je pivotai pour découvrir la Dame blanche appuyée au chambranle de la porte. De la deuxième porte réalisai-je avec un temps de retard. Et emmitouflée dans un... peignoir ?

« Eh bien, répond, tu parles maintenant, tu sais. » ricana Ulrich.

— Effectivement, répondis-je.

Elle sourit et me rejoignit. Par la porte, j'aperçus le décor familier de la pièce où elle m'avait donné ma première leçon de magie. Quand je reposai les yeux sur elle, je soufflai :

— Je suppose que cela fait partie des changements que Gilda a mentionné.

— Ah, j'espère que tu n'y vois pas d'inconvénients, s'inquiéta la magicienne. Mais ça fait en effet parti des choses qui vont changer à partir de maintenant.

— En fait... Ça ne me dérange pas vraiment c'est juste... Je ne veux pas vous gêner.

— Mais tu ne me dérangeras pas. De plus, maintenant que tu as fait une démonstration de tes talents, mes chers subalternes sont plus que ravis que je te prenne en charge.

— Une démonstration... murmurai-je pensivement.

— Arrête, m'ordonna-t-elle.

Elle glissa les doigts sous mon menton et me fit la regarder.

— Ce n'était pas de ta faute, d'accord ? Rien de tout ça n'était de ta faute. Si quelqu'un doit être accusé de ce qui est arrivé, ce serait plutôt moi.

— Mais c'est moi qui...

Elle posa un doigt sur mes lèvres et je me tue.

— Non, c'est ma négligence qui t'a amené à provoquer cela. Tu n'y es pour rien.

Je soupirai et posai ma tête sur son épaule.Elle enroula aussitôt un bras autour de ma taille et je me détendis aussitôt.J'ignorai toujours si elle usait de magie sur moi, mais la sérénité quej'expérimentai auprès d'elle me faisait un bien incroyable.

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