Partie 13
Cette hypothèse secoua mes certitudes. Avant que je puisse m'appesantir sur le sujet, on frappa à la porte, nous faisant sursauter toutes les deux. J'ouvris les yeux et vit la déception dans les yeux de la femme. Elle se détacha de moi et quand elle fut debout, je vis soudain le masque qu'elle avait enfilé. Le bruit à la porte se répéta et elle me désigna le fauteuil du menton. Les jambes flageolantes, je m'assit et elle ouvrit la porte d'un mouvement de poignet. Un homme, que je connaissais de vue et que Gilda m'avait décrit comme le bras droit de la Dame blanche, entra dans la pièce. Il ferma la porte du même geste et mit un instant à noter ma présence.
— Je vous pensais en train de méditer, dit-il.
— Je vous pensais occupé à terminer l'inventaire de nos réserves pour l'hiver, répondit-elle.
— Hm. Il vaut mieux continuer cette conversation loin des oreilles indiscrètes.
Il posa son regard sur moi et je sentis aussitôt sa désapprobation.
— Si vous voulez bien patienter un instant, je vous rejoindrais dans mon bureau dès que nous aurons fini.
L'homme ouvrit la bouche, prêt à protester mais se ravisa, s'inclina et repartit en refermant la porte plus fort que nécessaire.
— Tu sauras retrouver Gilda ? m'interrogea la magicienne.
Je hochai la tête et me levai. J'avais toujours les jambes faiblardes, mais j'avais déjà subit bien pire. Elle me raccompagna à la porte et m'embrassa sur le front avant de me laisser aller.
La bibliothèque étant l'endroit le plus proche où ma tutrice pouvait se trouver, je m'y rendit à pas prudents. La bibliothécaire me vit entrer et m'indiqua que la jeune femme était installée à notre place habituelle. Je naviguai entre les rayonnages jusqu'à la rejoindre et me laissai tomber sur la chaise voisine.
— Te revoilà enfin, chuchota-t-elle. Je commençais à m'inquiéter. Tout va bien ?
« Fatiguée » écrivis-je.
— Je m'attendais à ça, c'est quoi ce parchemin ?
« Exercices. »
Gilda leva les sourcils, surprise.
— Elle t'as déjà donné des exercices à faire sans surveillance ? C'est... inhabituel. Je peux ?
Je lui tendit la feuille qu'elle parcourut du regard avant de relever les yeux sur moi.
— Tu es certaine qu'elle ne s'est pas trompée de document ?
« Non, écri devant moi. »
La jeune femme me contempla un instant, pensive.
— Il faut croire que tu es aussi douée que tu es puissante. Généralement les débutants comme toi ne pratique pas ces exercices avant deux ou trois semaines. La magie n'est pas une chose qui s'apprend facilement.
Je la regardai, inquiète, mais elle secoua la tête et me rendit mes consignes.
— Je suppose que la Dame blanche sait ce qu'elle fait.
Avec cette phrase, la conversation fut terminée. Gilda redirigea mon attention sur le livre qu'elle lisait qui expliquais l'essentiel de ce que je devais savoir sur l'Église, la Déesse et son histoire.
— Un peu de connaissances théoriques ne te fera pas de mal. Puisque tôt ou tard tu vas devoir t'intéresser de près à tout ça, autant débroussailler le terrain maintenant. Même si tu as déjà entendu parler de certaines choses, les enseignements de l'Église sont toujours différents de la croyance populaire même si les changements restent souvent minimes.
« Erk... »
« Ça devait arriver à un moment. »
« Ouais je sais bien, mais bon ça ne me rend pas plus heureuse de devoir apprendre ça. »
« Peut être qu'on trouvera des informations sur nous... »
« Sur le fait que tu habites dans ma tête ? Ça m'étonnerait assez. »
« Quand on sera un peu plus libre d'aller et venir, on devrait revenir ici. Et dans la section interdite. »
« J'ai une très mauvaise influence sur toi. »
« Peut être, ou peut être pas. »
« De nouveaux souvenirs ? »
« Nous parlerons de ça ce soir. »
Gilda ferma le livre et le plaça sur une pile d'autres ouvrages. Nous fîmes un arrêt auprès de la bibliothécaire pour noter les emprunts. Les livres dans les bras, nous montâmes jusqu'à nos chambres pour les déposer avant de nous diriger vers la serre. Nous y restâmes jusqu'au repas du soir à entretenir les différents arbres fruitiers. Enfin, surtout Gilda, puisque je manquais de tomber, dans les deux sens du terme, dans les pommes après avoir essayé de soulever un arrosoir.
Le repas du soir passa en un éclair. Je me retrouvai allongée sur mon lit, fatiguée physiquement mais l'esprit occupé à discuter avec mon colocataire, assis en tailleur à l'extrémité.
« Alors ? »
« Les symboles sur les perles du bracelet représentent les différentes forces de la magie. Feu, eau, terre, air, lumière, obscurité et esprit. Je me souviens que les magiciens étaient classés selon les différentes forces qu'ils maîtrisaient. Si la Dame blanche t'as demandé de choisir, c'est pour savoir avec laquelle tu avais le plus d'affinités. »
« Ça j'aurais fini par l'apprendre, je suppose. Et sur toi ? »
« Je me souviens de cours de ce genre. Je ne sais pas en revanche si j'ai pratiqué la magie ou si ce n'était que théorique. »
« Donc tu as reçu une éducation, tu n'es certainement pas le premier clampin venu. »
« Tu en doutais ? »
« Je sais pas moi ! Tu étais peut être le derniers des fous enfermé au fond d'un couvent quelconque et tellement atteint que tu m'as contaminée au passage ! »
« Je vais partir à la recherche de mon ego, je pense. »
« Roh ça va, soit pas vexé. »
« Sinon, j'ai souvenir de m'être introduit d'une bibliothèque pour y dérober des livres. Mais j'étais jeune je pense. Et je me suis fait attraper. »
« Eh bah voilà, délinquant ! »
« Ts. »
« Sinon c'est un peu vague comme souvenir. »
« Je fais ce que je peux. »
« En résumé, on est pas beaucoup plus avancé hein ? »
« Non pas pour l'instant. »
Je baillai à me décrocher la mâchoire et il secoua la tête.
« Va donc te coucher. Tu as une importante journée demain. »
« Ouais... »
Il ne me fallut pas longtemps pour me changer et me glisser entre les draps. Malgré la fatigue, l'appréhension continuait de maintenir mes yeux grands ouverts. Je manquais de sursauter quand une tête se posa au niveau de la mienne. Il s'était assis à la tête du lit et m'observait.
« Ça ne m'aide pas tu sais. »
« Hm, ça sera mieux peut-être. »
Un son grave sortit de sa gorge. Il me fallut un moment pour comprendre qu'il chantonnait, bouche close. D'abord intriguée, je finis par me laisser bercer.
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