Partie 10

Je portai la main à ma poitrine. Une étrange chaleur continuait de danser sous mes côtes. Elle posa sa main sur la mienne.

— C'est normal, ta magie s'éveille au contact de la mienne. Nous pourrons attaquer les choses sérieuses la prochaine fois.

Elle m'embrassa dans les cheveux avant de me repousser en douceur. Je me levai et lui fit face, les jambes flageolantes. Elle me caressa la joue du bout des doigts. Quelque chose dans ses yeux m'apparaissait à la fois familier et inconnu. La tendresse dans ces gestes et sa voix me rappelait ma mère, il y a longtemps, quand elle souriait encore.

— Je ne sais pas quelle étrange tour du destin t'a amenée jusque ici, petite sœur, mais tu seras en sûreté auprès de moi, souffla la femme.

« Ah mais bien sûr. »

J'eus un mouvement de recul qui me mit hors de sa portée et me détournai de son regard céruléen qui m'hypnotisait. D'un seul coup, plus rien n'allait. Mon cœur pulsait dans ma poitrine, mes muscles se tendirent. Toutes les alarmes de mon esprit sonnaient.

« Doucement, tout va bien, ne panique pas. »

— Ah, excuse-moi, souffla la magicienne. Ce n'est qu'une bénédiction qui vient de chez moi. Il ne faut pas avoir peur.

« Qu'est ce que... Je ne comprends pas. »

« Reste calme, nous parlerons de ça après. Respire. »

Je fit un effort considérable pour ne pas me laisser envahir par la panique. Les yeux clos, j'inspirai à fond et obligeai mes muscles à se relâcher. J'entendais la voix murmurer des paroles de réconfort dans ma tête.

— Tout va bien, murmura la Dame.

Elle se leva et posa une main sur mon épaule. J'hésitai entre reculer jusqu'à la porte et me blottir dans ses bras. J'optai pour la deuxième solution et respirai profondément.

— Je suis désolée, je ne pensais pas que cela te bouleverserais à ce point, s'excusa la magicienne. Je n'ai plus de temps à te consacrer pour le moment, mais je te promets que nous reparlerons de tout cela très vite.

Je levai les yeux vers elle et elle m'embrassa sur le front.

— Je vois tes questions et ton inquiétude, mais je t'en prie, patiente un peu.

Des coups à la porte mirent fin à notre étreinte. Un homme entra et s'inclina :

— Je suis désolée de vous interrompre, ma Dame, mais le conte est arrivé et il s'impatiente.

— Très bien, je vais le recevoir dans la petite salle d'audience. Que Gilda récupère la petite.

Le changement dans sa voix me surprit. La voix douce et tendre qu'elle employait avec moi s'était aiguisée pour devenir tranchante et autoritaire. Je la regardai sortir avant que Gilda ne rentre par une autre porte et me prenne la main.

— Ça va ? m'interrogea ma tutrice.

Je secouai la tête et elle me sourit.

— Ça va passer, c'est tout à fait normal que tu te sentes bizarre. Viens, je pense qu'on va modifier notre emploi du temps de cette après-midi, tu as besoin d'un peu de calme.

Je la suivis sans la contredire. Nous passâmes par l'intendance qui échangèrent sans trop de difficultés notre corvée de cuisine pour celle de jardinage. Je me retrouvai donc à tailler les arbustes fruitiers dans l'ambiance apaisante de la serre, à ressentir cette nouvelle énergie picoter près de mon cœur.

Le reste de l'après-midi se perdit dans la brume. C'est seulement de retour dans ma chambre, après le repas, que le choc de voir quelqu'un assis au pied de mon lit me fit bondir.

— N'aie pas peur, petite.

Le son me rassura aussitôt.

— Tu es... la voix ?

L'homme hocha la tête et se leva. Il était grand, deux bonnes têtes de plus que moi. Il devait mesurer près de deux mètres. Sa large carrure rajoutait à son imposante présence. Ses vêtements, identiques aux miens, laissaient deviner des muscles ciselés par des heures d'entraînement. Une chevelure ébouriffée, noire comme la nuit et des yeux tout aussi sombres adoucissaient un visage aux traits durs. Il aurait pu être terrifiant mais il provoquait chez moi l'effet inverse. Après tout, il me connaissait par cœur.

« Qu'est ce que tu fais ici ? » interrogeai-je

« Il semblerait que plus ta magie se manifeste, plus je deviens 'tangible'. »

« Tu ne vis pas dans ma tête alors ? »

« Il n'y a que toi qui puisse me voir. J'ai tentée de faire réagir tous les gens qui sont passés dans la serre sans succès. »

Je le vis s'agiter en tout sens entre les parterres et pouffai.

« Je ne t'ai pas vu. »

« Tu étais un peu à l'ouest. »

« Hm. »

Le souvenir de mon entrevue avec la Dame blanche me revint et je secouai la tête.

« Je... Tout était tranquille et d'un seul coup, elle a dit quelque chose et... »

« Elle a parlé une autre langue. Une très vieille langue. »

« Mais... J'ai compris ce qu'elle a dit ! »

« Parce que je parle cette langue aussi. »

« Je ne comprends pas. »

« Le fait que je sois présent dans ta tête fait que certaines de mes connaissances sont inscrites dans ton esprit sans que tu en sois consciente. Le fait qu'elle ait parlé cette langue devant toi a en quelque sorte ramener ce savoir à l'avant de tes pensées. C'est un processus étrange et je ne sais pas ce que tu as pu 'hériter' d'autre de moi. »

« Tu as l'air d'en savoir long sur notre situation. »

« Je déduis beaucoup de choses au fur et à mesure que mes souvenirs se font plus nets. »

« Tu as retrouvé ton nom alors ? »

Il secoua la tête, une soudaine tristesse dans le regard. Je soufflai et attrapai la longue chemise qui attendait au bout de mon lit avant de m'immobiliser.

« Tu peux... »

« Quoi ? »

« Te retourner ou disparaître ou... je sais pas, quelque chose. »

« Pourquoi ? »

« Parce que j'aimerais me changer ! »

« Ça te gênait pas avant ! »

« Arrête de faire l'abruti ! »

« D'accord, d'accord... »

Il s'évapora et je soupirai. Il avait changé depuis notre rencontre.

« Tu as une mauvaise influence sur moi. »

Le grognement exaspéré qui sortit de ma gorge le fit disparaître de ma conscience. Je me changeai avant de vite me glisser sous les draps.

« Il faut qu'on parle sérieusement. » m'annonça-t-il.

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