Prologue :
— Lumi ?
Sur le seuil de la chambre, une mère de foyer tente d'interpeller sa fille, mais cette dernière ne l'a pas remarqué, beaucoup trop obnubilée par son jeu vidéo du moment. Assise en tailleur, l'adolescente se trouve en face d'un écran cathodique posé par terre, éclairée faiblement par sa lumière artificielle. Le casque audio l'empêche d'entendre quoique ce soit autour d'elle et Lumi, très concentrée sur sa partie en cours, use frénétiquement de sa manette.Sa mère soupire, combien de fois lui a-t-elle dit de baisser un peu le volume de sa musique ? Bien trop de fois pour qu'elle veuille se répéter. Elle inspecte alors la chambre du regard. Ça croule sous le désordre ; une odeur discutable plane et beaucoup de boîtes de nourritures coréennes traînent par terre, tout comme les vêtements de sa fille qui s'empilent dans un coin de la pièce, attendant qu'une âme charitable vienne les mettre à leur place ou les laver. D'ailleurs, pour la énième fois, la table recouverte de matériel de dessin et de papiers n'avait pas été nettoyée depuis plusieurs mois maintenant, peut-être même des années.
— Lumi ? reprend-t-elle.
Encore une fois, son interlocutrice ne l'entend pas. Alors pour attirer son attention, sa mère appuie sur l'interrupteur. Ce qui fonctionne, car aussitôt la lumière allumée, Lumi sursaute avant de poser son casque autour de son cou et regarde vers la porte. La jeune fille se trouve rassurée de voir qu'il s'agissait de sa mère et non d'un fantôme. Une fois son attention acquise, la quadragénaire tapote son bureau désordonné avec une expression insatisfaite.
— Lumi, tu ne devais pas ranger cette table depuis le temps ?
— Oui, oui, je le ferai, je le ferai, j'attends vraiment le bon moment pour ça.
Sa mère veut rétorquer avant de se raviser. Il est inutile de discuter avec Lumi, que ce soit avec la menace, la négociation ou l'indulgence, le résultat finit toujours par être le même, car sa fille fait les choses à son rythme et uniquement à son rythme. Alors elle se dirige vers la fenêtre.
— S'il te plaît, alors range ta chambre, pourquoi tu n'aères pas la pièce ? continue-t-elle.
— Je veux pas faire entrer les moustiques.
— Alors tire les rideaux, surtout au milieu de la nuit.
— Oui, mais ma télé est super vieille, du coup, quand il y a un peu de lumière, on n'y voit plus rien.
La quadragénaire entre dans la chambre pour dégager les rideaux devant la fenêtre, laissant entrer la lumière lunaire qui chasse l'obscurité dans laquelle Lumi était plongée. Cette dernière chouine en voyant les reflets envahir son écran, elle sauvegarde par réflexe et met son jeu en pause. Elle reprendra sa partie dès que possible. Sa mère finit par ouvrir la fenêtre afin de rafraîchir cette pièce chauffée par les machines et de faire partir les mauvaises odeurs. En s'interrogeant à ce sujet, la femme se retourne pour inspecter les cheveux secs de sa fille, perplexe.
— Tu exagères vraiment Lumi, s'agace sa mère. Tu vis en ermite depuis le début de tes vacances. C'est quand la dernière fois que tu t'es lavée ?
— Oh. Je sais pas, la semaine dernière peut-être ? Je sais plus trop.Son interlocutrice secoue la tête, insatisfaite.
— Va te laver maintenant et tu iras te coucher ensuite.
— Oh, super cool, je vais y aller alors.
Sans attendre, Lumi ouvre son armoire pour choisir des vêtements, après quelques moments de réflexion, elle sélectionne des motifs qui arbore les motifs de raton laveur. Quant à sa mère, elle passe rapidement ranger la chambre, de plus en plus inquiète. Sa fille a toujours été désordonnée, mais depuis la fin de son année scolaire, cette dernière ne fait plus le moindre effort, passant trop de temps devant un écran. D'ailleurs, elle devrait interdire l'utilisation de sa carte bancaire, car sa fille commence à acheter n'importe quoi sur Internet, de base elle devait l'utiliser pour du matériel de dessin, mais aujourd'hui la femme au foyer se retrouve avec des babioles, des plaids et une tente de camping alors que Lumi n'en fait jamais. Lorsque cette dernière arrive au seuil de la porte, sa mère l'interpelle, l'arrêtant dans son élan.
— Minute papillon.
— Oui, je ferai vite dans la salle de bain, promis.
— Non, ce n'est pas ça. Je te laisse faire ce que tu veux pour tes vacances d'été, mais n'oublie pas que fin août, tu vas aller chercher une place d'apprentissage pour l'année prochaine.
— Mais je sais ! Laisse moi juste profiter des vacances, j'irais en chercher après, je te jure.
— Je le sais, c'est pour ça que je te préviens juste.
— Oui, oui, conclut Lumi en reprenant sa route avec ses vêtements.
— Je n'ai pas fini !
— Oui ? s'arrête-elle de nouveau, montrant un peu plus son agacement.
— Je trouve que tu es beaucoup restée à la maison ces temps-ci. Prévois une sortie pour ces prochains jours, ta peau a besoin de voir la lumière du soleil, pas celle de la télé.
— Mais maman, tu m'as dit que tu me laissais faire ce que je voulais pour ces vacances.
— Je n'ai rien dit pour tes heures de sommeil, je n'ai rien dit pour tes heures devant les écrans, je n'ai rien dit pour ton alimentation douteuse, je n'ai rien dit pour ces babioles que t'achètes sur Internet, énumère-t-elle avec ses doigts. Je pense que j'ai le droit de te demander de sortir de temps en temps, non ?
— Tu sais bien que j'ai pas d'ami en plus. Je sortirais pour quoi ? Pour regarder les pigeons ?
L'adolescente rouspète, en tapant légèrement des pieds. Elle sait très bien que sa mère lui demande ça pour son bien, mais c'est difficile de se résoudre à sortir dehors quand il n'y a rien à faire. C'est pour ça qu'elle reste la majeure partie du temps dans sa chambre puisqu'elle y trouve tout son bonheur. Mais sa mère soupire pour une énième fois, elle n'a jamais trop bousculé sa fille, mais parfois, elle se demande si ça a été une bonne idée d'avoir été aussi laxiste. Les limites commencent à apparaître aujourd'hui et la mère en ressent des remords.
— Il y a plein de choses à faire, tu n'as pas une de tes conventions de manga dans deux semaines ? Tu pourrais inviter un ami d'Internet.
— Ils habitent tous en France, ils vont pas faire huit heures de chemin juste pour ça et j'ai pas envie de faire une convention toute seule.
— Alors tu vas te trouver une occupation dehors. Je suis sûre que ça t'aidera énormément pour tes livres, réplique-t-elle avant de pincer les joues de sa fille.
— D'accord, d'accord, je sortirais quelques fois ces prochains jours alors.
— Merci Lumi, vas-y, file et tarde pas trop.
— Oui.
La jeune fille disparaît, en descendant des escaliers de manière bruyante. Sa mère ne peut s'empêcher de sourire, avec le temps, sa fille n'a pas changé, mais elle ignore si ça doit l'amuser ou l'inquiéter. La quadragénaire retourne ramasser les derniers déchets de la chambre avant de remarquer une peluche au pied du lit. Elle le saisit pour se rendre compte que c'est le raton laveur en peluche favori de Lumi, celui qu'elle a eu quand elle était toute petite. Un sourire triste se dessine sur le visage de la jeune femme, elle pose le petit raton laveur sur le lit avant de quitter la chambre et de refermer la porte derrière elle.
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