Chapitre 9 :

Dans un grand bal somptueux, Lumi se tient à l'écart de la foule bien habillée avec leur masque cachant la partie haute du visage. Adossée contre le mur avec Nouki qui mange un apéritif qu'il a pu chiper quelque part, la jeune fille ressent un ennui sans limite en voyant ces adultes discuter de politique ou d'un autre sujet à dormir debout. Pour un rêve complexe, c'est l'un de ceux qu'elle déteste le plus : être obligée de rester dans un coin sans trop attirer l'attention, sans aucune activité stimulante à faire. La jeune fille bâille et remarque maintenant que sa tenue vestimentaire a changé d'une simple robe blanche pour une robe noire un peu plus étoffée, elle se décide d'engager une conversation avec sa création pour s'occuper.

— Tu me vois comme ces adultes à boire du vin rouge, en parlant de truc de géopolitique, en faisant genre que je connais le sujet alors que pas du tout ?

— Tu crois que tu vas grandir comme ça ? Vu que tu veux jamais sortir de ta maison, je pense pas que tu finiras dans une soirée de richards comme ça. Déjà que les seuls sujets que tu connaisses bien concernent que les jeux vidéo.

— Bof, c'est plus intéressant de parler jeu vidéo que de politique. Et puis, figure-toi que je suis sortie hier.

— Sortir les poubelles compte pas pour une sortie, déso'.

— Non, j'ai pas sorti ta maison espèce de sale sac. Je suis allée voir une fille d'Internet.

— D'où elle sort, elle ? Tu devrais me sortir un mensonge plus crédible que de me faire croire que t'as rencontré une fille que tu m'as jamais mentionné.

— Bah si, je te l'ai mentionnée. C'est Shadowhite.

— Oh seigneur, j'aurais voulu croire que c'était un bot plutôt que de me dire qu'il y a un pauvre fou dans ce bas monde qui apprécie ces deux livres... marmonne Nouki.

— Je t'entends.

— Je n'ai pas voulu être discret.

Lumi envoie un coup de pied dans le postérieur de son ami qui s'esclaffe avec un rire narquois. Comment un jeune enfant avec une si belle bouille peut être aussi espiègle ? La jeune fille l'ignore, de toute façon, elle préfère se chamailler avec sa création que de perdre son temps à contempler ces PNJ qui doivent avoir une vie triste. En jetant un bref regard par la fenêtre, la recluse remarque la fine pluie dehors et une table de jardin en bois. Elle a oublié de fermer la fenêtre de sa chambre, mais ce n'est pas plus mal que ça.

— Du coup, la Shadowhite c'est pas Roger ?

— Non, c'est pas Roger. Elle s'appelle Ambre et elle doit être plus jeune que moi, je crois, car elle est smoll¹.

— J'y crois pas... soupire Nouki. Ouais bon, il en faut pour tous les goûts, tu me diras. Y a bien des gens qui trouvent que 50 nuisances de Gris, c'est bien.

— Tu sous-entends que mon livre est aussi nul que 50 nuisances de Gris ? rétorque Lumi avec un regard noir.

— Je sous-entends rien du tout. Mais c'est bien, t'es sortie une fois dehors. Ça veut dire que tu fais un pas dans le monde incroyable des riches qui discutent de politique en buvant des rosés. Félicitation, clap clap clap, félicite Nouki sur un ton très monotone en applaudissant.

— Non, j'ai pas envie de devenir ça moi. Je veux devenir célèbre avec mes livres.

— Ah, bah alors je vais être très honnête avec toi. En l'état, avec ces deux livres en particulier, même avec la meilleure volonté du monde, tu ne finiras pas dans cette soirée mondaine, mais sous l'arbre dans le jardin derrière comme une sdf.

— Je savais que t'étais un rageux.

— Au fond de toi, tu sais que tes livres ne sont pas fous.

— Non, j'ai confiance en mes livres comme en l'âme de mes cartes.

L'enfant hausse les sourcils, sa créatrice est une vraie tête de mule. Quand bien même il a promis de changer dans sa manière de faire les choses, il n'a jamais accepté de mentir pour un objectif insensé. Dans son costard miniature, Nouki soupire.

— Lumi, tu voudrais pas essayer de devenir développeuse ?

— Développeuse de jeux vidéo ?

— Oui, si tu veux te lancer dans la création artistique, essaye développeuse, car je trouve que c'est une voie un peu plus sécurisée qu'être écrivaine, surtout avec la concurrence dantesque dans le milieu littéraire.

Lumi tire la moue, en froissant sa robe.

— Mais je dois faire des études pour ça...

— Bah oui, comment tu veux apprendre à coder, si tu n'apprends pas à coder. Faut bien commencer quelque part.

— J'suis nulle en étude Nouki, j'arriverai pas à faire développeuse.

Son interlocuteur ouvre la bouche pour rétorquer avant de ravaler son sarcasme. Il sait qu'il y a des raisons pour lesquelles sa créatrice peine à faire des choses, alors il se fait violence pour se montrer bien plus conciliant qu'avant. De nouveau adossé au mur, il se contente de hausser les épaules pour mettre fin à cette conversation qui n'ira nulle part. Un acte qui rend perplexe Lumi, ça ne ressemble pas trop à Nouki d'abandonner aussi vite, sans péter un câble ou attraper le premier PNJ venu pour la frapper avec.

— Pourquoi tu m'engueules pas comme tu le fais d'habitude ?

— J'ai fait une promesse, tu t'en souviens plus ?

— Ui, mais je crois pas qu'une personne change aussi vite.

https://youtu.be/Dx2IVqdxrqM

Le garçonnet ne répond rien. Il se contente de regarder la foule commencer à se mettre par deux pour entamer une valse. La mélodie change progressivement pour un air plus étrange et sérieux. Lumi s'aperçoit un peu plus tard de ce nouvel évènement, plutôt occupée à attendre une réponse de son interlocuteur. Ce dernier baisse le regard et se contente de finir son dernier biscuit.

— Pendant un long moment, j'avais l'habitude de gérer les choses moi-même, avec ou contre ton gré. Ça m'a mené à avoir un mauvais comportement. Mais je pense qu'il est vraiment l'heure pour moi que je te laisse beaucoup plus d'initiative et d'espace, au lieu de te prendre par la main partout. Je crois que c'est une manière plus saine de t'aider.

— Hein ? Comment ça ? De quoi tu parles ? On dirait que tu veux rompre avec moi alors qu'on sort pas ensemble.

— T'aimes vraiment pas être sérieuse toi, rétorque Nouki dépité.

— Bien sûr que j'aime pas être trop sérieuse. Être sérieux, c'est être déprimé. En plus, tu sais que j'aime pas qu'on me presse...

— Je ne te presse pas, Lumi. La balle est dans ton camp, à toi de voir ce que tu voudras entreprendre, maintenant.

Lumi ne rétorque pas, elle préfère faire des boucles de sa mèche, en regardant vaguement les multitudes de danse en face d'elle pendant que son interlocuteur s'éloigne d'elle pour piquer un autre biscuit dans le buffet. La jeune fille ignore quoi penser et quoi entreprendre. De nouveau, elle jette un coup d'œil par la fenêtre pour voir la fine pluie et cette fois, un pot de tournesol blanc fait son apparition sur la table du jardin. Lumi se colle presque à la fenêtre pour contempler cette jolie fleur et réfléchit de nouveau à la question de son ami : que souhaite-elle vraiment faire dès à présent ?

***

https://youtu.be/nFukANTgbug

Ambre patiente sur le banc, observant le soleil qui commence à s'éclipser derrière les montagnes. Elle sent l'odeur du pétrichor, il a plu hier, mais pas suffisamment pour que la terre soit boueuse. Perdue dans ses pensées, dans les mêmes questions qui la hantent depuis trois ans, la jeune fille est interpellée par des bruits de pas au loin. À la sortie de l'allée, elle aperçoit Lumi en train de la saluer en agitant amplement ses bras. Cette dernière la rejoint en évitant de marcher sur les lignes des pavés en granite. Une fois devant la blondinette, la recluse fait un salut militaire avec un large sourire, le baume au cœur.

— Hello Ambrette, t'as bien dormi ?

— Bonjour, oui, oui, je crois que j'ai plutôt bien dormi, et toi ?

— Moi ça va. J'ai fait un rêve ultra compliqué d'un rêve de gosse. Je pensais qu'il valait mieux essayer de s'y lancer, mais c'est un rêve de gosse et c'est pas un truc qui m'intéresse de masse aujourd'hui, donc je pense que ça vaut pas la peine, explique Lumi chaotiquement en s'asseyant sur le banc légèrement humide.

— Ah bon, tu voulais faire quoi ?

— Oh, je voulais être développeuse de jeux vidéo, car j'aimais bien Pokémon. C'est bête hein ?

— Non, il n'y a rien de bête, c'est un beau rêve, répond Ambre en secouant la tête. Mais il y a une raison pour laquelle ce n'est plus ton rêve aujourd'hui ?

— En fait, j'avais juste oublié que je voulais être développeuse de jeux vidéo. Après j'ai voulu faire de la peinture, mais j'ai abandonné. Puis après j'ai voulu faire d'autres trucs, mais j'ai abandonné. Mais maintenant, je veux m'essayer à l'écriture.

— Je vois... Tu aurais fait quoi comme jeux vidéo si tu pouvais en faire ?

Lumi ne cogite pas bien longtemps à cette question, elle répond du tac-au-tac comme si ça coulait de source :

— Franchement, des jeux narratifs, à choix si possible. J'adore ça, surtout avec une histoire ultra symbolique. Je faisais beaucoup ça avant, maintenant moins, car y en a plus trop que j'ai pas fait. Si je pouvais faire un jeu vidéo, ce serait du style d'Aspromauro !

— Aspromauro ? répète Ambre perplexe.

— Oui, Aspromauro, c'est un jeu narratif et psychologique pas très connu en occident, mais il a sa petite popularité au Japon ! C'est l'histoire de deux jeunes filles, Sia et Bianca, elles sont pas liées, mais chez les Aprofans, on a fait canon le fait qu'elles soient sœurs jumelles, car elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau même s'il y a plein de théorie sur ce qu'elles symbolisent. Bref, c'est l'histoire de Sia et Bianca qui vivent dans un lieu qui ressemble à un purgatoire ou à un post-guerre. Elles vivent une vie tranquille et le but c'est de prendre des choix pour qu'elles puissent être toutes les deux heureuses. Je trouve les dessins ultra simples, mais ça n'atténue pas l'impact de l'histoire qui reste incroyable. Y a tellement de théories sur ce que le monde où elles habitent pourrait symboliser, les thématiques abordées et tout ça !
Ambre se montre surprise, elle avait lancé cette question à l'apparence banale, pensant avoir une réponse courte. Mais ça semble être un sujet qui passionne tellement Lumi, qu'elle en a oublié de respirer entre les phrases tellement elle était excitée d'en parler. À tel point que la parisienne n'est pas sûre d'avoir tout saisi avec ce déferlement d'informations d'un coup.

Pendant tout ce monologue, elle s'est contentée d'acquiescer en essayant de comprendre du mieux qu'elle pouvait, mais le petit problème d'élocution de Lumi et le fait qu'elle se perde parfois dans ses explications n'ont pas vraiment aidé à la compréhension. Ceci dit, Ambre n'a pas besoin d'alimenter le sujet de discussion puisque Lumi sort tout de suite son téléphone.

— Attends, attends, je te montre le jeu. Tu vas voir, la DA est incroyable je trouve et elle coûte que dix balles, je trouve ça tellement peu pour sa qualité.

Le téléphone de Lumi dans ses mains, Ambre peut avoir un aperçu du jeu sur Steam. La première chose qu'elle remarque est la multitude de fenêtres ouvertes sur sa page Internet, mais elle se concentre aussitôt sur les dessins du jeu et le synopsis qui va l'aider à comprendre ce qui s'y passe. Aspromauro semble avoir beaucoup de dialogues et plusieurs fins selon la décision du joueur, à en voir les photos, et la direction artistique s'avère intéressante avec deux personnages très mignons dans un décor lugubre et presque vide.

En lisant en diagonale le résumé du jeu, la parisienne ne pensait pas être intriguée par ce nouveau concept. Plutôt étonnant, car Ambre ne s'intéresse pas aux jeux vidéo ; elle ne déteste pas, mais ce n'est juste pas sa tasse de thé. Sa seule connaissance, c'est les soirées Smash Bros ou Mario Kart avec sa meilleure amie et son petit-frère et le moins qu'on puisse dire c'est que ce n'était pas du tout rare qu'elle finisse dernière. Pourtant, l'existence des jeux narratifs se rapproche davantage de ce qu'elle pourrait apprécier, surtout avec les deux phrases qui occupent toute la première image de la présentation du jeu. "Qu'est-ce que le mal ? Qu'est-ce que le bien ?"

— Oh, ça a l'air intéressant, admet-elle en continuant de lire en diagonale, tu as eu combien de fin ?

— Oh, oh, réplique Lumi en applaudissant avec ses phalanges. Sur les sept fins qu'il y a, moi j'ai eu deux mauvaises fins.

— C'était quoi ?

— Une où Sia a trop l'ascendant, Bianca flétrit et finit par terminer dans l'ombre et perdre ce qui faisait sa candeur. Et quand j'ai donné trop d'importance à Bianca, c'est Sia qui finit par perdre de sa personnalité, commencer à être très nerveuse et puis devenir folle.

— Je vois.

En se renseignant rapidement sur les deux protagonistes d'Aspromauro, elle tombe sur les deux chara-designs en pixel art. Les quelques phrases de description suffisent à comprendre que Bianca est une fille douce et candide, à l'inverse de Sia un peu plus autoritaire et terre à terre. Elle apprécie bien le design de Sia : une simple robe noire avec une rose de la même couleur sur ses cheveux blancs. Sa prétendue sœur jumelle arbore le même design, mais avec les couleurs opposées.

— Tu n'as pas essayé de leur donner une importance égale ? demande Ambre lorsqu'elle a fait le tour des descriptions.

— J'ai essayé plusieurs fois, mais j'ai jamais réussi. J'avais toujours les mêmes mauvaises fins. J'ai voulu trouver un tuto pour avoir, au moins, un happy ending, mais le jeu est pas du tout connu chez les francophones et les seules vidéos que j'ai sont toutes en japonais, c'est nul. Mais il y aurait une théorie sur le pourquoi la bonne fin est difficile à obtenir.

— C'est quoi ?

— L'univers d'Aspromauro est très sombre si on se renseigne sur le lore. Si la bonne fin est si difficile à avoir, c'est une question de symbolisme sur la cruauté de ce purgatoire. Il y aurait un bail comme quoi, c'est plusieurs dimensions de plusieurs Sia et Bianca qui font nos choix... En fait c'est trop compliqué à expliquer, mais t'as capté l'idée.

Ambre semble pourtant avoir compris l'idée en général, c'est assez intriguant. Elle connaissait si peu l'univers vidéoludique qu'elle ne savait pas que ce genre de jeu existait, un genre de jeu qui l'intéresse beaucoup plus que les parties de Smash Bros qu'elle faisait.

— Hum... Je pourrai essayer de faire le jeu pour voir comment c'est.

— Hein, t'es sérieuse ? demande Lumi surprise.

— Enfin, quand je rentrerai en France, car j'ai pas mon ordi ici, précise-t-elle.

— Vraiment-vraiment ? Tu acceptes de plonger dans le purgatoire avec les Aprofans ? s'extasie la recluse en agitant ses poings.

— Euh, oui, j'aimerai essayer pour voir de quoi ça parle. Je vois dans la description qu'il y a une inspiration des Fleurs du Mal.

— Oh, c'est tellement génial, j'ai une autre personne avec qui en parler ! Tu es officiellement la future seconde fan d'Aspromauro France ! Attends, je dois te montrer les fanarts de Sia et Bianca, car elles sont masterclass.

Lumi récupère son téléphone mobile et se rend sur un site japonais. En quelques secondes, des centaines de dessins défilent avec les deux jeunes protagonistes du jeu : Bianca et Sia. Les artistes japonais dépeignent leur opposition au niveau du caractère et de leur tenue, chacun avec leur patte. Ça peut être très abstrait avec un dessin qui semble faire référence à Van Gogh ou de manière très poétique avec les deux jumelles qui dorment paisiblement côte à côte. Par-dessus l'épaule de la recluse, Ambre regarde les dessins qui défilent de bas en haut. En contemplant ces fanarts du même jeu, la parisienne ressent de la nostalgie pour un jeu qu'elle n'a jamais touché. Comme si par les traits, les artistes exprimaient leur amour pour
Aspromauro.

— Celle-là, c'est ma préférée. J'aime beaucoup Bianca et là, je trouve qu'on a bien fait son côté ultra-innocent et gentil.

Bianca, dans sa robe blanche, montre un visage beaucoup plus enfantin ; elle doit certainement être plus jeune. Les autres artistes, à cause de l'absence d'information sur les âges des protagonistes, les ont représentées dans leur adolescence. Ce dessin est le seul où Bianca est représentée en tant qu'enfant, avec des fleurs jaunes dans ses mains. Sans s'en rendre compte, Ambre se surprend à sourire devant le fanart, comme si la douceur l'avait adouci.

— Ça a été mon fond d'écran téléphone pendant très longtemps.

— C'est très joli, admet Ambre. Il y a des dessins de ce genre de Sia ?

— L'artiste a fait d'autres dessins d'Aspromauro, mais avec les deux jumelles. Mais je peux te les montrer.

En sélectionnant le profil, Lumi montre les deux-trois autres dessins inspirés de cet univers. Les deux jeunes filles sont représentées dans leur forme miniature, se tenant les mains, et une autre où elles tiennent une fleur du mal, une plante très commune dans le purgatoire d'après la description du jeu, qui plane dans l'air. Ambre se demande si l'utilisation de la "fleur de mal" est une référence à Baudelaire ou s'il s'agit d'une traduction approximative ? Une réponse qu'elle aimerait bien connaître vu qu'elle a lu le recueil en question.

Dans chacun de ces dessins, les traits du visage de Sia se montrent toujours plus sévères que ceux de Bianca. Sans s'en rendre compte, Ambre se laisse emporter dans cet univers semblable à un doux purgatoire pendant que sa camarade lui explique certains détails du lore en montrant des dessins qui lui plaisent ou encore des memes de la communauté japonaise assez rigolos. La blondinette se surprend à sourire à certaines blagues.

— J'aime beaucoup Aspromauro, je pense qu'il est numéro 1 dans ma liste de truc préféré. Y a plein de gens qui disent que c'est un jeu qui les ont beaucoup aidé dans une période compliqué de leur vie. Moi j'en fais partie ! Je le refaisais en boucle même, car ça me remontait le moral... Puis j'ai découvert l'univers du K-pop, termine-t-elle en se grattant la tête avec un sourire coupable. Mais même si j'y rejoue moins, je me le refais au moins une fois toutes les quatre mois pour le plaisir.

— Y a un passage qui t'as plu ou touché ?

— Hm... Oui. Y a un passage qui m'a beaucoup touché et j'arrêtais pas d'avoir les larmes à chaque fois que je le lis. C'est dans une des mauvaises fins, Bianca commence à s'affaiblir et se sent de plus en plus fatiguée même si elle ne dit rien à sa sœur. Une nuit, alors qu'elle tient plus, Sia lui promet que quoiqu'il se passerait, elle la sauvera et elles iront de nouveau se balader dans les champs de fleurs. Malheureusement, Bianca disparait, laissant juste sa rose blanche derrière elle. Sia finit seule et erre pour les restants de ses jours.

— Disparaît... ?

— Ouais, disparaît. Les gens pensent que dans ce purgatoire, les gens ne meurent pas, ils disparaissent. J'ai beaucoup pleuré en lisant pour la première fois cette fin, car c'était tellement beau le discours qu'avait fait Sia et je trouvais Bianca vraiment très courageuse de sourire alors qu'elle n'avait plus la force, elle était juste goatesque et je crois que c'est là qui a fait que c'était ma perso préférée. J'avais acheté un porte-clef personnalisé avec son artwork du jeu et j'ai même fait une fanfic avec une fin alternative où Bianca ne disparait plus ! Je l'ai mise en non-répertorié, car j'écrivais ultra mal.

Lumi émet un petit rire. Alors que les ombres la protègent des rayons du soleil de moins en moins présents, la jeune fille montre dans son regard un éclat d'émotion pour un jeu qui semble symboliser beaucoup pour elle. Elle s'étire avant de regarder un ciel teint d'un orange assez chaleureux.

— Je refais le jeu, car je suis persuadée que je trouverai une fin magnifique où Sia et Bianca peuvent vivre heureuses à la fin de leur vie, explique-t-elle. Même si elles sont au fond du trou, elles sont là, l'une pour l'autre, pour se soutenir. Dans ce cas, même le plus terrible des purgatoires devient un cocon douillet, ensemble.

Dans ces simples explications touchantes, Ambre décèle une pointe de tristesse, même une pointe de regret dans les paroles de son interlocutrice. Même si cette dernière sourit, son regard reflète quelque chose de triste. La blondinette n'en fait pas la remarque, ne voulant pas empiéter sur quelque chose qui ne la regarde pas. De plus, elle n'a jamais été douée pour réconforter qui que ce soit, du moins pas correctement, bien qu'elle fasse le minimum de manière à ne pas paraître trop fausse ou insensible. Dans cette fin de discussion, accentuée d'un silence mélancolique, sur ce banc, Ambre reste au côté de Lumi, dans le silence, espérant lui transmettre un certain réconfort rien qu'avec présence. De nouveau, le soleil disparait derrière la montagne, réveillant Lumi de ses pensées.

— Hein, il va bientôt faire nuit ? J'ai pas vu le temps passer, j'ai fait que parler.

— Non c'est rien, j'ai trouvé cette discussion très intéressante. J'ai beaucoup apprécié même, acquiesce Ambre avec un sourire poli.

— Oh, vraiment ? Trop cool alors ! D'habitude, j'essaye de pas trop parler, car j'ai peur qu'on pense que je sois barbante.

Lumi devrait se lever, souhaiter une bonne nuit à Ambre et rentrer chez elle pour reprendre sa routine habituelle. Pourtant, cette belle soirée lui donne envie de la revoir demain soir également, mais elle s'en sent gênée, alors qu'elle n'est pas de nature timide, appréhendant un potentiel refus. La noiraude froisse le bas de son T-shirt.

— Euh... On pourrait mettre ça à demain ? Enfin, si tu veux bien sûr, je force rien, demande Lumi en parlant de moins en moins fort.

— Oui, bien sûr, j'aimerai bien.

— Vraiment ?

— Oui, ça ne me dérange pas. J'ai pas grand-chose à faire ici, explique-t-elle.

— Super, alors rendez-vous demain, à la même heure ici ! s'exclame Lumi en se levant d'un bond, les poings serrés.

Son interlocutrice acquiesce, puis les jeunes filles font leur dernier au revoir avant de se quitter. Ambre retourne chez ses grands-parents pendant que Lumi rentre dans cette allée un peu plus sombre puisque le soleil s'est déjà caché. Mais elle se montre excitée d'aller rentrer chez elle et se préparer pour la soirée de demain.

-----------------------------------------------------


Smoll : Du mot anglais "small", il s'agit d'une version argotisée.

Goatesque : Une francisation du terme "goat" qui désigne une personne douée ou incroyable.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top