Chapitre 24 :

De retour au bercail, les deux amies sont accueillies par une tente montée à la perfection, ainsi qu'une table avec leur sandwich et le paquet de marshmallow. Lumi s'enthousiasme et répète à quel point ça ressemble à ce qu'elle voit dans les séries, alors qu'Ambre reste en retrait. Tout semble bien se passer, un sentiment de paix qu'elle n'a pas ressenti depuis longtemps. À cet instant, elle se demande si elle est légitime de passer un aussi bon moment, mais elle préfère mettre toutes ces pensées obsessionnelles au placard, pour ne plus jamais les entendre le temps de cette soirée. Son amie la tire de ses réflexions et l'interpelle en lui montrant une drôle de boîte :

— Oh regarde Byby, on dirait un réchaud ! Et y a aussi une vieille lanterne, dit Lumi en l'inspectant. Ah... C'est électrique, mais j'aurai bien voulu que ce soit à l'huile pour l'immersion.

— Montre voir ?

Ambre rejoint son amie et inspecte le fameux réchaud. Il ne ressemble en rien de ce qu'elle a déjà vu, ça doit être jetable, certainement. À l'intérieur, se trouve des petites pierres blanches posés côte à côte avec une grille en bois posé dessus, la blondinette lit la notice en diagonale pour comprendre ce qu'il faut faire :

— Oh, je crois qu'il faut brûler les pierres pour que ça puisse prendre feu et que ça cuise.

— Hein ? Genre, c'est des pierres qui vont faire comme le bois de camps de feu là ?

— À priori.

— C'est trop stylé ! Je veux l'allumer, je veux essayer de l'allumer !

— Attends, je le fais moi pour éviter que tu te blesses.

— Oh... répond Lumi, déçue.

Ambre le fait surtout pour que son amie évite de brûler autre chose par inadvertance. Même si ça semble peu plausible, la blondinette préfère ne courir aucun risque. Alors elle sort une allumette et tente de la craquer une, puis deux fois, avant que la flamme prenne, et de la coller contre une pierre blanche. Elle manque de se brûler plusieurs fois, et doit prendre une nouvelle allumette, mais après deux paquets de ces dernières vidés, le réchaud s'active et les pierres commencent à brûler puis à émettre une forte chaleur.

— Oh, ça crépite comme un feu de cheminée, c'est ultra satisfaisant ! s'enthousiasme Lumi.

— Oui, je pense que le temps qu'on fasse brûler nos cierges, notre réchaud sera prêt.

— Super, la meilleure partie de la soirée ! On va faire brûler nos cierges, puis on va graille un sandwich et se faire décimer par un tueur en série dans la rue, car on aura décidé de se séparer.

— Ouais, peut-être pas les deux dernières étapes.

— Effectivement, ce serait bien. C'est bien de rester en vie même si ça n'a tué personne de mourir.

À ces mots, les deux amies sortent les deux paquets de cierges magiques de leur sac en plastique. Ambre prend son temps pour l'allumer, pendant que Lumi essaye d'en brûler deux en même temps. Au bout de quelques secondes, ses deux bâtons laissent jaillir une lumière étincelante rouge et jaune à leur extrémité. Émerveillée, la recluse agite ses deux baguettes dans l'obscurité.

— Regarde, regarde, t'as vu ? J'en ai deux ! Je pourrai indiquer aux avions comment se poser !

— Fais attention quand même, rétorque Ambre en s'éloignant un peu.

— T'inquiète, c'est pas dangereux, je risque pas de faire brûler tout le village comme ça.

— Heureusement...

Ambre observe son amie s'amuser avant qu'une fumée bleue ne se dégage de son bâton, suivie d'étincelles. Ça doit faire très longtemps qu'elle n'en a pas fait ; elle a oublié combien c'était amusant et joli à regarder. Dans ses souvenirs, lorsqu'elle habitait encore en Suisse, la jeune fille se contentait de regarder les feux d'artifice du 1er août avec son ancien groupe d'amis. Accompagnée de Chloé et Émilie, elles buvaient une canette de boisson sucrée et jouaient à Action ou Vérité en attendant de voir les feux d'artifice dans le ciel.

Elles discutaient de tout et de rien, râlaient sur les futurs examens, parlaient de leurs séries préférées et parlaient aussi de leur avenir. Elles étaient de simples ados qui profitaient d'un moment paisible comme celui-là. Même si Ambre n'est pas fière de son passé, elle regrette les simples et agréables souvenirs comme celui-là. C'est trop tard pour avoir des regrets, mais elle se demande où elle en serait aujourd'hui si elle avait pris de meilleures décisions.

— Byby', c'est quoi cette tête, t'es triste de pas avoir eu une belle couleur ?

— Hein ?

— T'avais l'air triste, comme si le bleu t'avait déprimé.

— Ah mince, je crois que j'étais juste ailleurs, s'excuse Ambre pendant que la cierge s'éteint avec le temps.

— Il faut être ici ! On ne vivra qu'une seule fois cette nuit ! réprimande la recluse. Avant l'heure, c'est pas l'heure, après l'heure, c'est plus l'heure.

— C'est quoi cette citation ? demande son amie avec un petit rire.

— J'avoue, la citation est éclatée, mais c'est le seul truc un peu stylé que j'avais en tête...

Les deux amies s'esclaffent et reprennent leur petit moment d'artifice. Lumi a raison, Ambre doit saisir chaque instant de cette soirée, car elle ne pourra plus la vivre à l'avenir. Alors elle revient au moment présent et contemple les petites lumières des feux de Bengale pendant que son amie cherche à tout prix la fameuse lumière rare.

— J'espère que j'aurai le truc diamant là.

— C'est pas très grave si tu l'as pas, rétorque Ambre en haussant les épaules. C'est juste une idée marketing pour faire vendre leur produit.

— Je sais pas, je voudrai bien avoir la couleur blanche quand même. J'aurais l'impression d'être spéciale et d'avoir un truc que personne a eu. Enfin, je m'en donnerais l'illusion.

— C'est très honnête ça, dit la blondinette en arquant le sourcil.

— Pas vrai ? répond Lumi avec un petit sourire.

Pendant ce moment, les deux amies discutent des étoiles et de la lune. Diverses lumières jaillissent à chaque baguette qu'elles font brûler, Lumi s'enthousiasme pour la couleur jaune, car il s'agit de sa couleur préférée et la montre au ciel pour avoir l'impression de voir une petite pluie d'étoile filante avant de vite baissée, par peur que les étincelles touchent son visage. Elles ne se rendent pas compte du temps qui passe jusqu'à ce qu'elles terminent avec un dernier bâton chacune. La recluse avale sa salive.

— C'est le moment où jamais, y a peut-être mon diamant là-dedans. Il faut y croiver.

— Peut-être, au pire, c'est pas grave, rassure Ambre.

— J'ai toujours une superstition dans la tête. Dans le style : si j'ai tel truc, mon année va être extraordinaire. Alors si j'ai la lumière blanche, mon année sera extraordinaire.

— C'est un peu faible de baser tout ton année sur un cierge... Il se passe quoi si tu l'as pas ?

— Je pleure dans ma baignoire à minuit, avec mon poing dans la bouche.

— Pardon ?

— Haha, non, je plaisante, reprend Lumi avec un visage impassible. T'inquiète.

— Ok...

Les deux adolescentes tiennent un bâton chacune, la recluse avale sa salive avant d'utiliser le briquet et allume les deux cierges positionnés face à face. D'un coup, deux lumières de couleurs différentes jaillissent en même temps, la couleur verte pour Ambre et la couleur blanche pour Lumi. Cette dernière montre une telle surprise sur son visage, à croire qu'elle n'y croyait pas vraiment et s'attendait plutôt à être déçue. La recluse se met à s'agiter et sautille partout, avant de se rappeler de ne pas faire trop de bruit sous peine de réveiller ses voisins.

— Oh j'y crois pas ! J'y crois pas comme mon avenir, d'ailleurs, cale-t-elle avant de s'exciter à nouveau. J'ai eu la couleur rare, j'ai eu la couleur diamant ! Je pleure, car je suis, premier degré, trop contente de l'avoir eu.

La noiraude sautille avec son cierge rare et Ambre reste ainsi, en regardant son amie s'agiter pour exprimer sa joie. Elle sourit, peut-être amusée, peut-être attendrie, mais attristée. Lumi semble briller dans le noir, elle lui procure un sentiment très étrange : celui de la curiosité, mais également, malgré d'elle, d'un certain dédain au début, bien qu'elle essayait de s'enlever cette idée. Son amie est indéchiffrable, difficile à savoir si c'est volontaire ou involontaire de sa part. Mais elle montre une étrange lumière qui donne de la force à tous ceux qui la regardent. Une lumière très mystérieuse, à croire qu'il y a peut-être quelque chose de mystique dans tout ça. Lumi finit par la rejoindre avec ce sourire qui semble davantage briller avec ce cierge magique.

— Bybybybyby' ! Il faut prendre une résolution maintenant.

— Hein ? Mais on a pas déjà fait ça avec la plante dans la convention d'avant ?

— Oui mais, on va dire que c'est différent cette fois, faisons un vœu, faisons un vœu, essaye de convaincre Lumi en s'agitant. Il faut en faire une avant que les lumières s'éteignent, vite !

Ambre émet un sourire amusé. Elle cogite pendant que son interlocutrice semble avoir déjà choisi son vœu. Dans les derniers instants, la parisienne fait un souhait, celui de pouvoir se pardonner à l'avenir et de pouvoir enfin avancer. Les cierges s'estompent, plongeant les deux filles dans l'obscurité.

— On va essayer de faire nos résolutions, ok ? C'est un nouveau départ aujourd'hui, alors on va travailler pour devenir un dragon légendaire ! s'enthousiasme Lumi.

— Oui, faisons de notre mieux.

Le ventre de Lumi se met à grogner, cassant un peu l'émotion de leur discours, et cette dernière se montre gênée. Elle se tourne vers la table et s'y dirige en se grattant la tête.

— Bon euh... C'est pas tout, mais on va aller graille, ça aussi c'est important hein.

Ambre sourit et rejoint son amie à table. Elle sort les bouteilles de thé froid du sac, pour pouvoir s'hydrater, mais Lumi a une autre envie en tête. Cette dernière ouvre le paquet de marshmallow et sent les friandises.

— Oh, ça sent pas grand-chose, dit la recluse. Viens, on goûte un marshmallow maintenant pour voir ?

— Hein ? On devrait pas manger les sandwichs d'abord ? questionne Ambre.

— J'sais, mais j'suis trop impatiente. Je veux savoir quel goût ça a un chamallow.

Le paquet ouvert, Lumi saisit une guimauve pour l'appuyer entre ses doigts. C'est mou, presque humide. Sans trop savoir comment s'y prendre, elle pose le marshmallow sur le grillage en bois et attend qu'il cuise. Ambre décide de la suivre, puisqu'elle est autant curieuse qu'elle. Les deux guimauves grillent, sous les crépitements des pierres brûlantes, ce qui est plutôt agréable à l'écoute. Au bout de quelques minutes, le marshmallow prend une jolie teinte dorée.

— Oh regarde, c'est trop beau, on dirait un peu du caramel.

— Peut-être que ça en a le goût, rétorque Ambre avant de prendre une bouchée.

Lumi souffle plusieurs fois sur son marshmallow, elle l'inspecte encore de tous les côtés avant de prendre une petite bouchée, puis une plus grande. Elle mâche longuement pour profiter du goût.

— Oh, ça a pas le goût que j'imaginais, c'est bizarre.

— Tu pensais que ça aurait quel goût ?

— Un goût comme les nuages.

— T'as déjà mangé des nuages ? demande Ambre perplexe.

— Pas vraiment, mais j'aimerai bien essayer, ça a peut-être un goût les nuages ? Personne a essayé, alors je veux tester, répond-elle avec des étoiles dans les yeux. Je suis sûre qu'un nuage ça peut être très bon.

— Je suis sûre que ça a un goût d'eau, cogite la blondinette.

— Ou de barbapapa.

Les deux jeunes filles referment le paquet. Peut-être qu'elles en reprendront plus tard, mais maintenant, elles ont envie de manger le plat principal. Elles déballent leur sandwich de l'aluminium et n'attendent pas pour croquer dedans. Ambre savoure cette ambiance si particulière, illuminée faiblement par une lampe torche posée sur la table pendant qu'elles prennent leur repas dehors, au milieu de la nuit.

— L'ambiance est tellement jolie, fait remarquer Ambre.

— Ouais, c'est génial hein ? demande Lumi avec un grand sourire.

— Oui, ça me rend presque triste de devoir rentrer chez moi, demain.

— "Chez-moi"... répète Lumi à voix basse.

— Hm ?

— Non rien, je me disais que la lune était jolie ce soir. Si seulement on pouvait vivre et revivre ça éternellement, pas vrai ?

— Je pense que le fait qu'on vive ça qu'une fois rend ce souvenir très précieux.

Ambre ne le perçoit pas, mais son amie arbore un sourire presque amer qu'elle masque en croquant de nouveau dans son sandwich. Le silence, l'ambiance, l'air, tout semble mélancolique. Peut-être que Lumi n'aime pas tout ce qui est beau, car ça lui fait mal, car ça lui rappelle une époque révolue à chaque fois qu'elle le ressent. Cette dernière soupire intérieurement. Seul le crépitement du feu brise un peu le silence, la blondinette se remémore ces dernières journées, surtout un moment en particulier.

— Au final, j'ai toujours du mal à comprendre cette pièce, dit Ambre sur un ton pensif.

— De quoi ?

— Ah. Tu te souviens de Rashomon, la pièce de théâtre qu'on a regardé à la convention y a deux jours ?

— Ah oui, la contrefaçon Pokémon avec Caraboule, là, se remémore Lumi.

— Oui, rit gentiment Ambre. J'y repense juste maintenant. La moralité m'avait dérangée à la fin, car je n'ai pas compris ce que l'auteur voulait expliquer.

— La moralité ? C'était quoi la moralité ?

— Hum... "L'Homme est le seul menteur sur terre. Il peut être bon, mauvais, laid, beau. Mais 

menteur, ils le sont tous." Quelque chose comme ça. J'avais l'impression de comprendre un peu le sens, mais au final, j'ai du mal, ça m'a l'air compliqué.

— Est-ce que ça l'est vraiment...?

— Hm ?

— Rien, je n'ai pas vraiment vu la pièce de théâtre, du coup, je sais même pas c'est quoi le contexte ou le bail. C'est vraiment pas ma tasse de thé, réplique Lumi gênée en se grattant les cheveux.

— C'est vrai que c'est une pièce de théâtre très spéciale. Je devrai m'y intéresser et voir ce qu'il se fait chez les japonais.

— Oui, tu me diras si t'as trouvé un truc cool.

Le reste du repas se passe en silence, certainement à cause de la fatigue. Après avoir mis les déchets dans la poubelle puis fermé le sac, les deux amies se changent à l'intérieur de la maison et se brossent les dents avant de s'installer dans la tente. Par surprise, la peluche de Lumi s'y trouve, comme si elle les attendait patiemment ici. Elles s'installent confortablement et tirent la fine couverture pour pouvoir se couvrir. Le toit est ouvert, donc elles peuvent observer les timides étoiles briller dans le ciel, à travers un filtre en plastique. Ambre a pu dormir dans des lits plus confortables, mais elle ignore pourquoi elle se sent beaucoup plus à l'aise dans cette simple tente.

— C'est la première fois que je dors dans une tente, c'est très bizarre, explique Ambre nerveusement. C'est vraiment une expérience à part.

— C'est vrai, je trouve ça cool. Je me demande comment c'est de le faire au milieu de nulle part. Je pense que c'est comme ça que commencent tous les films d'horreur.

— Je pense pas que j'irai jusqu'à dormir au milieu de nulle part, je préfère ne pas finir dans un reportage de crime et disparition.

— Héhé, ça serait le plus gros coup d'adrénaline de notre vie, s'esclaffe Lumi avec sa peluche dans ses bras.

La journée a été longue et Lumi fatigue. Ça fait bien longtemps qu'elle ne s'est pas autant dépensée comme ça et, pourtant, c'était une petite boule d'énergie auparavant. Elle regarde les étoiles dans le ciel, elles sont plutôt discrètes, il faut vraiment prêter attention pour les remarquer. Elle perd petit à petit son sourire.

— Dis-moi, Ambre.

— Oui ? répond son amie les yeux fermés.

— Tu voudrais pas rester ici ? Après tout, tu es née ici. Ce serait cool qu'on puisse se revoir tous les jours. Tu as toi-même dit que tu t'amusais beaucoup et que tu vis des moments inédits, non ?

Malheureusement, la blondinette secoue la tête et décline poliment.

— Je ne peux pas, je me suis faite à ma vie à Paris et ma meilleure amie m'attend là-bas. Je pense que mon temps ici est révolu et que j'ai d'autres choses à faire ailleurs.

Le regard de Lumi s'assombrit. Quelle utilité d'avoir posé cette question alors qu'elle connaissait parfaitement la réponse ? Ou plutôt, depuis le début de leur rencontre, elle savait comment ça se finirait. Pourtant, son cœur fait mal, quand bien même elle s'était attendue à cette finalité, son cœur donne l'impression d'être transpercé par des aiguilles douloureuses. La recluse se maudit, pourquoi a-t-elle recommencé à espérer alors qu'elle s'est promise d'arrêter ? Un rire s'échappe de sa bouche, un rire brisé qui interpelle son amie.

— Je vois.

— Lumi ? réplique Ambre en ouvrant les yeux, surprise. Tu vas bien ?

— Je vais bien... Je pense. Ça me passera, j'ai juste perdu l'habitude de traîner seule. Je pensais même que je préférais plus m'isoler que de traîner avec les autres. Mais je me demande si je ne me voilais pas la face, répond Lumi avec une voix calme. Je m'y ferai de nouveau après quelque jours, ça reviendra vite.

À ces mots, Lumi se tient le cœur, froisse son pyjama et essaie d'anesthésier cette douleur si amère. À cet instant, elle maudit la meilleure amie d'Ambre, comme si son existence lui posait un problème. Elle la hait, car Ambre la préfère certainement plus qu'à elle, alors que c'est bien logique puisqu'elles se connaissent depuis bien plus longtemps ; Lumi ne voudrait pas se faire empoisonner par cette envie envahissante, mais elle n'y peut rien. Elle maudit la meilleure amie d'Ambre. Peut-être même qu'elle déteste tous ceux qui possèdent tout ce qui lui manque. Peut-être même qu'elle déteste n'importe qui qui ne serait pas elle.

— Je ne t'abandonne pas Lumi, répond doucement Ambre en se tournant vers elle. Je reviendrai pendant les vacances.

Lumi ne la regarde pas, elle se contente de montrer un sourire triste, presque dépité. Qu'est-ce qu'elle se trouve bête. Est-ce qu'elle a bien fait d'avoir accepté d'aller rencontrer Ambre ? Elle avait accepté juste parce qu'elle était contente de voir une personne qui était intéressée par ce qu'elle faisait, même si elle savait que c'était merdique. Lumi était sûre qu'elle ne s'attacherait pas plus que ça, que ce serait un bon moyen de tuer le temps et de faire plaisir à sa mère. Mais sans s'en apercevoir, elle s'est mise à espérer, alors que l'espoir est un poison.

— Lumi ? interpelle Ambre, inquiète.

— Ne t'en fais pas, je suis juste fatiguée, ça m'arrive d'être de mauvais poil comme ça, rassure son interlocutrice.

— Tu es sûre ?

— Ne t'inquiète pas, je te dis. Regarde là-haut plutôt, tu as vu ces étoiles ?

— Hein ?

— Regarde les étoiles, elles sont un peu cachées, mais tu peux voir à quel point elles sont nombreuses, insiste Lumi en la guidant du regard. C'est si joli. Pourtant, je me demande si elles n'ont pas une vie triste, en réalité.

— Pourquoi ça... ?

— Car il y en a tellement que personne ne s'apercevrait si jamais il y en a une qui se met à disparaître. L'étoile n'existe juste pour être en groupe. C'est pour ça que sa vie est aussi belle qu'insignifiante.

Lumi tend sa main pour se donner l'illusion de toucher les étoiles alors qu'une distance inimaginable la sépare de ce qu'elle voit à l'œil nu. Ces groupes d'étoiles ne diffèrent en rien de l'humanité. Il faut des gens qui réussissent et pour que ces gens réussissent, il faut des gens qui ratent, se convainc la recluse. L'un ne peut pas exister sans l'autre. Il s'agit peut-être du cycle de la vie. Pourtant, Ambre saisit le dos de la main de son amie.

— Il y a peut-être plusieurs étoiles qui disparaissent sans qu'on s'en rende compte. Mais je fais attention à certaines étoiles qui me sont chères. Je ne les perdrai pas de vue comme ça.

Ambre voit son amie tourner le regard vers elle. En voyant son visage de plus près, la blondinette n'avait jamais remarqué à quel point les cernes de son amie étaient à ce point creusées, étant donné que son sourire masquait toujours ses traits fatigués. La blondinette laisse un moment de silence, est-ce que c'est ça que ressent vraiment Lumi ? Est-ce que c'est ça que cachait son enthousiasme et sa positivité exacerbée ? Son amie jouait réellement une pièce de théâtre durant tout ce temps ?

— C'est très joli ce que tu dis, sourit la noiraude.

Les yeux de Lumi brillent, on dirait qu'elle reflète les étoiles dans le ciel, même si elle reflète plutôt de la tristesse dans son cœur.

— Pardon, j'ai l'air super déprimée comme ça, mais c'est vraiment la fatigue, s'explique Lumi en fermant les yeux, pessimiste. Je crois que j'ai juste très peur de revenir dans mon quotidien ou d'affronter certaines choses. L'avenir fait peur, surtout quand j'ai l'impression que je vais la rater.

— Je pense que tu as les capacités pour accomplir plus de choses que tu le crois.

— Ambre est une étoile très gentille, rit tristement Lumi.

— Je ne sais pas être gentille, Lumi.

Ambre secoue la tête, elle n'a jamais su réconforter les gens, mais elle ne peut pas laisser son amie autant s'isoler dans ses pensées qui ont l'air plus noires que les siennes. La blondinette entre dans la confidence, alors qu'elle n'est pas une personne très émotionnelle :

— Tu m'as apprécié alors que je ne m'aimais pas. Tu m'as trouvé des qualités alors que je ne me voyais que des défauts. Tu m'as ouvert les yeux sur des choses que je n'arrivais pas à voir, énumère-t-elle.

La blondinette serre la main de Lumi, posée sur sa peluche. Elle se remémore ces derniers jours passés en Suisse, riche en émotions. Ambre ne pensait pas qu'en si peu de temps, Lumi ferait partie des personnes importantes dans sa vie. Son enthousiasme à vouloir l'aider dans sa quête de rédemption l'a grandement aidé, alors c'est l'heure de renvoyer l'ascenseur.

— Alors tu ne seras pas seule. Je t'aiderai à trouver ton avenir moins effrayant, je t'aiderai à trouver une belle sortie à ton labyrinthe, je t'aiderai peu importe pour quoi. Même si je ne suis pas là. Même si je suis à des kilomètres en France. Ça ne veut pas dire que je t'abandonnerai. Je resterai à tes côtés... Car on s'est promises de devenir des dragons.

Son interlocutrice écarquille légèrement des yeux avant de laisser échapper un petit rire.

— Ambre est vraiment cool, elle pourrait vraiment être l'héroïne d'un livre, réplique faiblement son interlocutrice.

— Lumi aussi, on serait deux grandes héroïnes, sourit Ambre en retour.

Lumi ferme les yeux, en entendant ces mots. Un sourire se dessine sur son visage, elle se sent étrangement soulagée. Ce ne sont que des simples mots, mais même des simples mots qui peuvent être emplis de mensonge lui font du bien. Ses pensées noires se dissipent petit à petit, anesthésiée par la fatigue, la plongeant dans son sommeil. En observant sa respiration paisible, Ambre retire doucement sa main et enlace son oreiller pour se préparer à dormir correctement. La fatigue l'envahit aussi, c'était une sacrée journée et de sacrées vacances. Petit à petit, les deux jeunes filles ressentent un calme les envelopper et s'enfoncent dans un sommeil lourd.


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