Chapitre 16 :

Dans le hall de la gare, Lumi patiente sur son banc, balançant ses jambes frénétiquement, pendant qu'Ambre cherche des collations pour avoir de quoi grignoter cette après-midi. La recluse reste le dos droit comme un i, essayant d'éviter le regard de nombreux passants qui fréquentent cette gare. Le brouhaha résonne en écho, en ce vaste lieu, cassant le rythme de la musique des oreilles de la jeune fille Ses yeux se baladent partout, surtout sur le corridor où devrait sortir Ambre quand elle aura terminé ses achats. Après, ce qui lui semble une éternité, Lumi aperçoit sa camarade arriver avec un sac en carton, elle lâche un gros soupir de soulagement et part à sa rencontre, sans attendre. La blondinette la voit arriver de loin et l'accueille avec un paquet de croissants.

— J'ai pris ce que j'ai trouvé de meilleur. Il y a même des bouteilles de jus d'orange dans le sac.

— Super, on va pouvoir manger dehors !

— Tu ne veux pas qu'on mange par ici ?

— Nah, y a trop de monde et trop de bruit, c'est horrible quand les appareils captent tout, j'entends plus rien au bout d'un moment.

— Ah ok, c'est compréhensible, acquiesce Ambre surprise. Alors on va trouver un banc dehors.

Les deux jeunes filles quittent la grande gare et s'installent sur un banc non loin. Lumi se détend davantage et commence à grignoter le plus gros croissant du sachet. Quant à Ambre, elle se contente de remettre son chapeau de paille et ses lunettes de soleil en place. Après ça, cette dernière regarde sur son téléphone pour trouver des boutiques de vêtements sympa à proximité. Elle ne trouve plus certaines enseignes qui ont dû faire faillite, comme quoi, tout peut changer en trois ans.

— Du coup, on va où ? questionne Lumi après avoir fini son troisième croissant.

— Il y a une boutique sympa, pas très loin, il faudra juste prendre le métro pour arriver là-bas.

— Waah, je pourrai te relooker aussi ?

— Hein ?

Une chose qui n'était pas prévu, pourtant, Lumi gigote sur place à l'idée de choisir des vêtements pour sa camarade.

— Je trouverai ça drôle, explique-t-elle, c'est un peu comme un jeu vidéo de mode, mais dans la vraie vie.

— Bon ok, pourquoi pas.

Ambre se convainc qu'au final, ça n'a rien de méchant. Après cette pause casse-croûte, les deux camarades entament le trajet. À l'aide du GPS de son téléphone, Ambre suit le chemin indiqué après être sortie du métro. Lumi ne la dérange pas, se contentant juste de regarder partout et de gigoter constamment. Après s'être perdues deux-trois fois, elles finissent enfin par arriver à destination : le centre-commercial. Lorsque la noiraude se rend compte que c'est là qu'elles doivent entrer, elle fronce les sourcils, perplexe.

— C'est un peu bondé là, non ?

— Oui, mais il y a une boutique assez calme dedans. J'ai pas pu en trouver un autre, car celles que je connaissais ont fermé entre-temps...

— Ah bah merde alors, je te suis.

Convaincue, Lumi fait confiance à sa camarade et, après avoir emprunté la porte tambour, entrent dans ce centre commercial avec trois étages et un sous-terrain. Par chance, elles tombent sur un bon jour, ce n'est pas aussi envahi que le laisser supposer l'extérieur. Pourtant Ambre a des sueurs froides, alors qu'elle fraye un chemin pour Lumi et elle, tout en regardant de gauche à droite, elle prie pour ne pas tomber sur la mauvaise personne. Il y a très peu de chance que ce soit le cas, mais le risque zéro n'existe pas. En descendant des escalators, elles arrivent dans un lieu calme, avec des boutiques à disposition, en particulier une enseigne de vêtement qui semble montrer des prix abordables. Une vendeuse les accueille poliment dans ce lieu peu fréquenté.

— C'est ici, je faisais parfois les boutiques avec mes amies de l'époque, explique-t-elle mal à l'aise.

— Wah, c'est hyper joli ! Y a plein de bijoux, des sacs avec des animaux et- Oh des racoons !Après s'être exclamée, Lumi se jette sur une girouette avec des T-shirts à motif animal. Elle semble déjà surexcitée à l'idée de choisir des vêtements comme dans ses jeux. Ambre, avec moins d'enthousiasme, cherche des vêtements qui pourraient aller à la recluse. Ce lieu n'a pas beaucoup changé, c'est étrange de voir tout à la même place. Dieu sait à quel point elle claquait de l'argent sans réfléchir dans tous les magasins qu'elle visitait avec ses amies. C'en est presque honteux de se rappeler à quel point elles étaient si peu soucieuses de leur entourage.

— Oh regarde, Byby', y a pleins de sacs avec des têtes d'animaux ! l'interpelle Lumi en lui montrant les accessoires accrochées au mur. Celui-là ressemble à un gros racoon !

— Ah ? On dirait plutôt un chat.

Lumi marque un moment de silence avant de scruter le sac en question avec les yeux plissés.

— C'est un chat qui a des problèmes dans sa vie alors, un chat après Tchernobyl, alors c'est mieux de dire que c'est un gros racoon !

À y regarder de plus près, c'est vrai que le sac chat n'est pas très bien fait. Aussitôt, l'attention de Lumi est portée sur d'autres accessoires et elle se dépêche de les rejoindre aussitôt. Ambre esquisse un petit sourire, sa camarade aussi peut être sans-gêne, mais d'une manière qui ne la met pas mal à l'aise. D'une manière dont elle n'aura pas honte après quelques années, si elle devait repenser à ces vacances-là. La blondinette reprend aussitôt sa sélection de vêtement et, après une demi-heure, les deux camarades se retrouvent pour se changer.

— Tu... Tu as pris beaucoup de vêtements non ?

— Ouais, un peu ? répond Lumi en regardant sa grosse pile de vêtements dans ses bras. J'avoue j'ai p't-être abusé.

— Je les essayerai pas tous hein, je vais faire quelques tenues... Je dois porter quels ensembles ?

— Un ensemble ?

Un ange passe, Lumi montre un sourire particulier, celui d'une personne qui n'a pas compris l'exercice. Ambre comprend facilement qu'il n'y a aucune tenue préparée et que sa camarade a juste pris ce qui lui plaisait. Elle trouve rapidement une solution en saisissant toute la pile que porte Lumi.

— Oh, après je peux faire mes tenues moi-même, il n'y a pas de souci.

— Ouais, ce sera comme un jeu vidéo ! s'exclame Lumi en sautillant.Ambre pose la pile de vêtement encombrante sur une chaise, puis revient vers sa camarade avec ses deux ensembles séparés.

— Je t'ai fait ces deux tenues, tu les portes dans l'ordre que tu veux.

— Oki-doki !

La recluse prend les deux tenues en question avant d'aller dans une cabine d'essayage. Ambre tire les rideaux et fouille dans les vêtements sélectionnés par Lumi, ils ont un point commun : ils ont tous un motif de raton laveur ou qui font penser à cet animal. Ambre ne se doutait pas que sa camarade était à ce point fan de cet animal, elle n'a certainement jamais vu quelqu'un d'aussi gaga d'un animal, même chez ceux qui adorent les chiens. Mais ce n'est pas difficile de trouver des ensembles, il suffit de porter le jean noir avec n'importe quel haut qu'elle a à sa disposition. En fouillant la pile, elle se rend compte qu'il y a même des bonnets ratons laveur et des gants pattounes. Totalement gaga, c'est certain.

Par hasard, les deux filles sortent en même temps de leur cabine d'essayage et elles sont toutes les deux surprises, mais pas pour les mêmes raisons. Lumi s'enjaille à la vue de son abonnée portant un T-shirt ample avec une magnifique tête de raton laveur dessus et témoigne son excitation en sautillant vivement sur place, pendant qu'Ambre, qui ne s'imaginait pas du tout que sa tenue transformerait autant sa camarade, est sous le choc. Cette dernière paraît comme une adolescente de son âge, ce qui est perturbant puisque la parisienne avait tendance à la voir bien plus jeune, bien qu'elle sache que ce n'est pas le cas.

— Oh, les racoons te vont trop bien ! J'adore ce T-shirt, il est trop beau !

— Ah, la tenue te va bien aussi, admet Ambre.

— J'suis contente, car on dirait deux amies qui font des trucs ultra amies !

— Ultra amies ? répète Ambre perplexe.

— J'aimais pas trop cette idée de relooking, mais c'est beaucoup plus fun à deux ! s'explique Lumi avant de retourner à la cabine. Je vais aller porter la deuxième tenue.

La recluse referme le rideau derrière elle, ne laissant pas le temps à Ambre de rajouter quoi que ce soit. Cette dernière hausse juste les épaules et retourne dans sa cabine qui ressemble plus à un champ avec ces dizaines de vêtements éparpillés partout. Elle finit par retirer ses lunettes pour de bon, inutile de les remettre à chaque fois, il n'y a personne par ici de toute manière. Ambre choisit des vêtements par hasard et enfile le bonnet raton laveur avant de sortir en avance, elle souhaite ranger le lieu au plus vite sinon elles vont mettre des plombes. Sa camarade sort et, de nouveau, elle ressemble à une adolescente ordinaire, Ambre peinerait à croire qu'il s'agit de Lumi. Cette dernière s'excite toujours autant sur les motifs animaux.

— Le bonnet est trop pipou ! s'exclame Lumi avec des étoiles dans les yeux.

— Cette tenue te donne un air mature.

— Ah bon ? Comme y a pas de racoon, je trouve ça bof.

— Le pantalon évasé avec le haut sophistiqué, ça te va très bien, explique son interlocutrice.

— Oh, oki, oki, si tu le dis.

Lumi gigote, se balançant de droite à gauche, tout en regardant sa tenue qu'elle trouve banale. Mais comme Ambre l'apprécie bien, elle accepte de se laisser tenter.

— Ok, ok, j'achète les deux tenues que tu m'as choisies !

— Hein ? Les deux ? Ça te plaît ? rétorque Ambre, persuadée qu'elle ne les appréciait pas tant.

— J'sais pas trop, mais comme c'est toi qui les as choisi, ça me touche !

— O-Oh... Alors je... J'achète aussi la tenue que j'ai.

— Ah bah, en passant, j'te pique des vêtements que j't'ai passé pour acheter, car je les trouve trop beaux.

Sans attendre, Lumi attrape un grand paquet de vêtements chez Ambre et s'empresse de les prendre pour elle. En un passage, la cabine de la blondinette parait beaucoup plus vide tout à coup. Cette dernière n'en est pas moins satisfaite, il n'y a plus rien à nettoyer maintenant. Sans se changer, les deux camarades passent à la caisse pour payer leur montagne de vêtements – surtout du côté de Lumi. La vendeuse se montre surprise, mais s'affaire à accomplir son travail. En attendant que les articles soient scannés, avec plusieurs bip qui retentissent, la recluse bouge comme à son habitude, en regardant ailleurs, comme le plafond, bien qu'il n'y ait rien à voir.

— Tu as acheté beaucoup d'accessoires pour cheveux, fait remarquer Ambre.

— Oui ! Ils étaient trop pipou, alors je les achète en espérant m'en servir un jour !

— Tu ne mets pas d'accessoires sur tes cheveux ?

Ambre se montre surprise, il y a de quoi faire, surtout avec la masse de cheveux qu'a Lumi, mais cette dernière se montre gênée et tourne du pied.

— Ouais, mais j'ai vraiment l'impression que c'est ultra-moche comment je les fais. Du coup j'empaquette tout dans une boîte à bijou ultra bondée pour le jour où je me ferai des trucs.

— Si tu veux, je peux te faire des trucs pour les cheveux ?

— Oh, vraiment ? rétorque Lumi surprise. Ça te dérange pas ?

— Non, au contraire, j'aime beaucoup faire ça, rassure son interlocutrice avec un sourire sincère.

La conversation prend fin lorsque la vendeuse termine de scanner tous les articles et Lumi paye pour tous les vêtements, y compris ceux de sa camarade. Ambre voulait refuser, mais ce serait bien plus long s'il fallait séparer leur achat. Elle espère juste que ce n'était pas aussi cher bien que ça ne reste rien à côté des achats de Lumi. Dehors, pendant que la parisienne enfonce les vêtements dans les sacs pour faire un maximum de place, Lumi cogite. Elle se rappelle d'un bref souvenir, Ambre s'était vaguement attardé sur la raison pour laquelle elle s'était coupée les cheveux, mais Lumi se demande pourquoi ce choix puisqu'elle semble aimer coiffer et mettre des accessoires. Un détail risible, peut-être sans importance, mais la recluse ne peut s'empêcher de vouloir connaître la réponse. Alors par curiosité, une fois les escalators montés, Lumi interpelle Ambre :

— Dis, t'as coupé tes cheveux pour le style ou pas ?

— Ah, mes cheveux ? rétorque Ambre perplexe.

— Ouais, j'me souviens même plus ce que t'avais dit dessus.
Ambre met un moment à se rappeler que son interlocutrice lui avait effectivement posé des questions sur ses cheveux. Elle a dû donner une réponse vague, difficile de s'en souvenir, la blondinette décide d'offrir une meilleure réponse :

— Oh... En fait-

— Ambre ? s'exclame une voix derrière elle.

Ambre s'interrompt dans sa réponse et se fige sur place. Son prénom semble résonner en écho. Immobile, elle tourne doucement la tête vers la source de la voix, espérant qu'elle se trompe ou qu'il y ait une autre "Ambre" en ce lieu. Tout ça lui semble durer une éternité. Mais une jeune fille court bien vers elle, avant de s'arrêter essoufflée. Ambre a l'impression de se faire gifler avec de l'eau froide quand elle reconnaît cette personne. Il s'agit de Chloé, une de ses amies de cycle, qu'elle n'a pas revue depuis plusieurs mois. À cette rencontre, la blondinette ne trouve pas les mots pour lui dire quoi que ce soit, elle ne sait même plus ce qu'elle était en train de faire. Elle reste juste pétrifiée. Chloé, pourtant, semble radieuse en revoyant sa vieille amie.

— Oh chérie ! Mais c'était bien toi ! Je t'avais vu avec mon copain, mais je savais pas si c'était toi. Je disais à Charles "Attends, je crois que c'est ma copine là, j'suis pas sûre" et du coup, je t'ai suivi en mode "c'est elle ou c'est pas elle ?", on avait l'air tellement suspect, plaisante-elle. Puis perdue pour perdue, j'ai juste tracé pour voir si c'était toi, je m'étais dite "oh pire, j'ai juste l'air bizarre, mais je dois en avoir le cœur net." Mais oh mon dieu, c'est vraiment toi ! Ça fait tellement longtemps, t'as changé ! T'es revenue en Suisse ?

Chloé n'a pas changé, elle semble toujours aussi chaleureuse et radieuse, surtout avec son sourire éclatant. Si on ne la connaissait pas, on se dirait que c'est une adorable personne, certainement empathique. C'est dérangeant, Ambre trouve cette réaction dérangeante. Avec un sourire un peu forcé, la blondinette lui répond, moins enthousiaste que son interlocutrice.

— Non, non, je suis juste venue passer mes vacances ici. Je vais bientôt rentrer en France dans une semaine.

— Sérieux ? Il faut qu'on aille boire un verre cette semaine alors ! Ce serait top de pouvoir discuter comme au bon vieux temps, surtout si Émilie est dispo ! s'exclame-t-elle enjouée. D'ailleurs, je n'ai pas pu avoir ton nouveau numéro et en plus, t'avais plus aucun réseaux sociaux disponibles. Tu peux me le filer pour qu'on puisse se recontacter ?

Ambre n'arrive pas à regarder son ancienne amie droit dans les yeux. Nerveuse, elle secoue la tête en donnant un prétexte bidon :

— Désolée, j'ai pas mon numéro et mon téléphone.

— Ah mince... Attends, je te donne mon numéro, comme ça tu pourras me contacter dès que tu seras chez toi, ok ?

Lumi s'est mise en retraite, elle regarde ailleurs, se balançant d'un pied sur l'autre. Cette dernière sent une tension, surtout qu'elle a reconnu la fille brune sur la photo, donc ça doit être une ancienne amie d'Ambre. Sans vouloir déranger cette retrouvaille au goût amer, Lumi espère que ce malaise partira aussi vite qu'il s'est installé. Chloé fouille dans son sac à main à la recherche d'un morceau de papier, elle sursaute quand elle entend une voix derrière elle s'exclamer :

— Chloé, je croyais t'avoir perdu, ne disparais pas aussi vite !

— Oh, pardon mon chouchou, mais j'ai retrouvé mon amie, c'était bien elle ! lui explique-t-elle avec un grand sourire. J'essaye de trouver un papier pour lui donner mon numéro... T'aurais pas un truc comme ça dans ton sac ?

— Non... Je ne crois pas. J'ai pas grand-chose dans le mien.

— Mince alors. Je trouverai bien un truc et au pire, on chipera un ticket de caisse pour gribouiller dessus. Oh, et Ambre, voici Charles, mon petit copain actuel.

Le jeune homme parait plus vieux d'un an. Il semble plutôt calme et posé. Peut-être à l'opposé de sa copine bien plus énergique. Le dénommé Charles cherche rapidement dans son sac à dos et ne trouve vraiment rien, alors pendant que Chloé fouille encore son sac, le jeune homme salue Ambre.

— Bah du coup, bonjour, commence-t-il timidement, Chloé me parlait parfois de toi.

— Ah bon ?

La parisienne ne semble pas ouverte à la conversation, montrant une certaine froideur dans ses réponses, ce qui surprend Charles qui se demande si c'est un comportement normal de sa part. Mais le jeune homme continue quand même la conversation, le regard fuyant.

— Oui, elle me disait que tu étais sa meilleure amie de l'époque et me parlait de vos vieilles sorties. Vous sembliez proches.

— C'était la bonne époque, explique Chloé en sortant son nez du sac. On s'amusait de fou et on passait aussi dans ce centre commercial pendant les vacances ! Je trouve ça touchant qu'on se recroise ici.

— J'imagine, rétorque Ambre avec un enthousiasme diminué.

— Putain, je trouve rien du tout dans mon sac. Je vérifie juste les poches.

— Hum... Sinon, tu es partie à Paris pour tes études ? Apparemment tu aimes bien la mode, continue Charles.

— Non, j'ai quitté la Suisse, car j'avais harcelé une camarade jusqu'à ce qu'elle arrête l'école.

Un silence pesant suit sa réponse, un silence très pesant. Même Lumi, dos au groupe, écarquille les yeux avec un sourire figé, surprise par cette honnêteté. Le jeune homme reste muet, sans savoir s'il doit prendre ça pour une blague ou non, regardant sa copine qui arrête de fouiller ses poches. Malgré le bruit ambiant, personne n'entend quoi que ce soit après la réponse d'Ambre et cette dernière ne montre aucun second degré. Chloé montre un sourire nerveux.

— Ah oui, c'est vrai qu'on avait eu un comportement déplacé envers quelqu'un de la classe, je sais même pas pourquoi on avait fait ça, explique-t-elle avec un rire nerveux. Heureusement qu'on a mûri et que tout ça appartient au passé.

Le visage de Chloé montre beaucoup de nervosité pendant que son copain est plein de confusion. Ambre comprend, sans difficulté, que son ancienne amie a caché des informations compromettantes à son copain, ça ne l'étonne pas d'elle. Avec le regard sombre, elle rétorque :

— Il vaut mieux que tout ça appartienne au passé. C'est comme si ça n'avait jamais existé et ça nous arrange bien, j'imagine.

Chloé fronce les sourcils, surprise. Son amie semble... différente ? Malgré ce drôle de froid dans cette conversation, la brune essaye de plaisanter pour détendre l'ambiance :

— Ambre... Ça va ? On dirait que t'es sur les nerfs, c'est bizarre. Il s'est passé quoi ? On t'a séquestré en France ou bien ?

— Non, pas vraiment, tout se passe bien en France. Je m'attendais pas à ce que ça te mette autant mal à l'aise. Car bon, c'est le passé, donc on peut en reparler sans souci, n'est-ce pas ? De toute façon, qu'on ait détruit la vie de l'autre là n'a pas d'importance.

Ambre montre une réaction désinvolte, avec une réaction très froide, elle regarde ses ongles comme si regarder son interlocutrice était moins intéressant. Cette dernière ressent le sarcasme jeté sur son visage et prend la mouche, malgré le fait qu'elle ait essayé d'être la plus cordiale possible.

— Eh oh, calme-toi un peu. Tu étais pas comme ça quand on s'était quittées, qu'est-ce qui t'arrives ? En plus, je te trouve mal placé de jeter tes erreurs sur nous quand c'est toi qui nous avais initié dedans. De base, on savait même pas que cette fille existait.

— De quoi tu parles ? rétorque Ambre sur un ton innocent. Je n'ai rien dit pourtant. J'ai juste dit que ça n'était plus de notre ressort qu'on ait détruit la vie de Miki. Ce n'est que du passé, un petit incident, pourquoi tu prends autant la mouche alors que je reprends juste tes mots ? Je suis même d'accord avec toi.

Dans un premier temps, Chloé écarquille les yeux, choquée de cette réponse, mais elle finit par se renfrogner. Ses poings se ferment, prêts à s'abattre s'il faut, mais elle tente de se contenir. Pas en public, son image en pâtirait trop, surtout devant autant de monde, même si la tentation est forte.

— Euh, ne vous battez pas... tente d'intervenir Lumi d'une toute petite voix.

Chloé n'avait pas prêté attention à sa présence jusqu'à maintenant, ne s'étant pas demandé pourquoi une fille bizarre gigotait quelques pas derrière son ancienne amie sans se décider à partir. Mais quand elle comprend que cette inconnue est une potentielle amie d'Ambre, surtout au vu des sacs qu'elles trimballent, la brune arbore un sourire mauvais, puisant dans toute sa colère et sa frustration.

— Ah je vois. Ambre est partie en France, à Paris. Du coup, Ambre prêche la bonne parole, puisque personne ne sait ce qu'elle a fait ici. Alors elle se permet de faire la morale à ses amies qu'elle a elle-même poussé aux harcèlements, mais Ambre pense bien, Ambre pense mieux, car elle s'occupe des handicapés mentaux, dit-elle en désignant Lumi du regard, donc elle a le droit de nous jeter ses fautes aux visages, puisqu'elle est la sauveuse des plus démunis.

D'un seul coup, Ambre écarquille les yeux, en entendant le sous-entendu. Elle finit par perdre son calme et s'approche brusquement de son ancienne amie, collant presque son visage au sien, à la surprise de cette dernière.

— Retire immédiatement ce que t'as dit ou je te crève les yeux.

La haine semblait se dégager du regard noir que lui jetait Ambre, loin de l'image sage et polie qu'elle avait en temps normal. Lumi se bouche les oreilles, paniquée par la situation qui s'envenime. Charles, quant à lui, tente de calmer sa copine à voix basse, il pose ses mains sur ses épaules pour l'inciter à partir puisqu'il ne sert à rien de faire une scène, mais Chloé n'en démord pas et jette de l'huile sur le feu.

— Ah pardon ? C'était pas une handicapée dont tu t'occupes ? C'est une handicapée que tu as chopé dans la rue pour t'en faire une "pote" et te repeindre une bonne image ?

Un bruit sec retentit dans le centre commercial. Les gens aux alentours s'arrêtent brusquement de mener leur routine, surprise par ce bruit dont l'écho se poursuit dans tous les étages du bâtiment. Ambre venait de gifler Chloé, son ancienne amie, avec une facilité déconcertante. Sans réfléchir, sa main était juste partie toute seule, le coup a dû être très fort, car une sensation de chaleur irradie de sa paume tandis qu'une trace rouge colore la joue de l'autre fille. Chloé ne réagit pas instantanément, choquée de l'acte, mais un rire nerveux lui vient ensuite, presque hystérique, pendant que son petit-copain s'interpose en tentant de la rassurer et l'entraîne loin des deux filles, craignant une bagarre. Dans ses bras, la brune jette tout son venin au visage de son ancienne amie :

— Tu t'es fâchée, car j'avais raison ? T'as pas changé Ambre, t'étais déjà une horrible personne avec tes idées morbides, mais en plus t'es devenue hypocrite, t'essaye de croire que t'es une bonne personne alors que tu ne l'es pas. Tu ne l'as jamais été pauvre folle.

Le cœur battant, Ambre saisit le poignet de Lumi et déguerpit du centre commercial, sentant tous les regards des passants sur elle. En direction de la sortie, elle entend des murmures, des messes basses, "que s'est-il passé ? Il y a eu une dispute ? Apparemment quelqu'un a fait des actes morbides..." La blondinette voudrait juste ne plus rien entendre, devenir sourde et disparaître de cette planète, elle n'entend même pas Lumi qui semble lui parler. Sa vision est trouble de colère, comme si un voile recouvrait sa vue. Tout son corps tremble, la faisant cogner contre deux ou trois inconnus sur son passage vers la sortie. Une fois dehors, elle lâche le poignet de son amie, presque haletante. Lumi lui demande quelque chose, si elle va bien peut-être, Ambre ne l'écoute pas vraiment, se ressassant en boucle les paroles de Chloé résonner dans sa tête.

Sans prévenir, elle lâche son sac de vêtements et se met à courir. Elle a honte. Honte d'avoir perdu son sang-froid, honte d'être bouillante de colère, honte d'avoir fui, honte d'être tout ce qu'elle est. Dans sa course, elle se perd dans la ville, le cœur emplit de frustration et le ventre pourri par l'amertume. Elle n'a aucun droit d'être énervée, mais elle peine à se contenir. Des souvenirs l'assaillent de tout part, des souvenirs datant de trois ans auparavant, avec cette même chose qui la hante : son rire mauvais et dénué d'empathie. La jeune fille s'arrête dans un parc paumé et décide de s'arrêter au pied d'un grand arbre, épuisée.

Elle ne sait pas si elle a froid ou chaud, c'est comme si son corps ressentait les deux températures à la fois. Sa colère le ronge comme une toxine, elle déteste tout, mais surtout elle-même. Recroquevillée, Ambre essaye de se calmer, de tout oublier, de s'effacer. Pourtant, son passé et ses agissements ne pourront jamais disparaître, ancrés dans sa mémoire, comme une punition d'avoir mal agi. Certains passants la remarquent, mais n'osent pas venir lui demander ce qu'elle a. Au bout de plusieurs minutes, peut-être une demi-heure, une personne s'approche, essoufflée.

— Je... Je t'ai retrouvée !

Ambre reconnaît la voix et lève la tête pour voir Lumi, à bout de souffle et transpirante, avec les deux sacs dans ses mains. La blondinette est surprise, elle ignorait que sa camarade la chercherait et la retrouverait. Cette dernière a dû tourner en rond à cause de sa colère capricieuse, Ambre baisse la tête, honteuse :

— Désolée.

— De quoi ? Elle a été très méchante cette Chloé, je comprends que tu sois en colère.

Avec le sourire, Lumi lui tend une canette de soda fraîche que son amie saisit sans réfléchir. Elle vient s'asseoir à ses côtés et lève la tête vers ce vieux et grand sapin. Un silence plane, la blondinette ignore quoi dire, elle se sent juste mal à l'aise, surtout après s'être donnée en spectacle de cette manière. Elle se contente de poser la surface de la canette sur son visage pour se rafraîchir. Lumi ne semble pas dérangée par ce silence pesant, elle agit même comme à son habitude, se balançant d'avant en arrière.

— Tu n'es pas gênée ? demande enfin Ambre.

— Hm, de quoi ?

— De ce qui s'est passé.

— Absolument pas, je trouve ça révoltant ! s'exprime Lumi en agitant ses bras. Comment est-ce qu'elle a osé te parler aussi mal alors qu'elle est même pas capable de reconnaître ses erreurs ? Je serai venue la rebaffer une deuxième fois si je pouvais !

— Non, elle avait raison. C'est moi qui avait incité mes amies à harceler mon ancienne camarade.

— C'est pas parce qu'il y avait un leader que tu peux all-in tous tes erreurs sur lui. Car sinon, on go relâcher les nazis, car c'est uniquement la faute d'Hitler, hein. Ça marche pas comme ça, explique Lumi avant de marmonner à voix basse. De toute façon, je déteste les gens qui essayent de se déculpabiliser de cette manière.

La blondinette ne parvient pas à voir le visage de son interlocutrice, est-ce qu'elle est en colère ? Triste ? Mélancolique ? Lumi reste aussi singulière qu'indéchiffrable. Au bout d'un moment, Ambre se contente de regarder l'herbe sous ses chaussures. Cette dernière accorde du crédit à l'analogie de sa camarade, mais elle ne peut pas l'exprimer ouvertement. Ça lui donnerait l'impression de chercher à se débarrasser, à tout prix, de ses erreurs et ce n'est pas le cas. Elle veut juste les assumer entièrement. Les minutes s'écoulent, ni l'une ni l'autre ajoutent quoi que ce soit, Lumi finit par jouer avec sa canette de boisson avant de gigoter comme à son habitude, le regard ailleurs. Sa camarade, quant à elle, se replonge dans son passé. À y réfléchir, Ambre n'en a jamais parlé dans les détails, mais maintenant que Lumi connait son secret, elle décide de se confier, en espérant égoïstement que ça la soulagera.

— Cette fille, mon ancienne camarade s'appelait Miki.

La phrase brise le silence mélancolique, attirant l'attention de Lumi.

— Elle était rousse aux yeux verts. C'était une fille assez timide, je crois. Elle était dans son coin et n'embêtait personne. Je l'avais remarqué assez vite et puis, je la regardais un peu au loin. Je la trouvais bizarre, enfin, c'était surtout qu'elle passait difficilement inaperçue. Puis j'avais commencé à glousser quand elle passait à côté ou à faire remarquer ouvertement que ça sentait mauvais quand elle arrivait. Je ne sais pas pourquoi je faisais ça. Puis j'ai inclus mes amies dans tout ça jusqu'à finir par la faire doucher dans les vestiaires.

Ambre explique cette histoire, avec une certaine dissociation, comme à son habitude. Elle oublie parfois que l'antagoniste est elle, ou elle ne souhaite pas l'assimiler. C'était une adolescente idiote, peut-être bercée trop près du mur. La question du pourquoi du comment continue encore de la hanter aujourd'hui, accompagnée de souvenir très peu glorieux de sa part. Lumi s'arrête de bouger, difficile de savoir ce qu'elle ressent au vu de son expression plutôt neutre, mais cette dernière semble ailleurs en écoutant ces paroles, comme si elle songeait à quelque chose.

— C'était avant les vacances de Noël, continue Ambre. On était dans la réserve, cette fille et moi. Pour la première fois de ma vie, je l'ai vu s'énerver, elle me demandait ce qu'elle m'avait fait pour que je lui fasse subir tout ça. Absolument rien. Elle était rousse, elle avait des lunettes rondes et des yeux verts, c'était mes raisons pour lesquelles je l'avais prise en cible. À cet instant, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai juste répondu en riant. La situation me paraissait juste... drôle. De mon point de vue, je voyais un chiot tenter de m'aboyer dessus. Je l'ai provoqué, elle a fini par péter un câble et me frapper. Un professeur est venu, car il entendait des cris...

La blondinette se crispe. C'est étrange de raconter à voix haute un récit qu'elle s'est plusieurs fois ressasser dans sa tête jusqu'à tout connaitre par cœur. Pourtant, un profond malaise l'envahit, elle a l'impression de revivre la scène en temps réel et ça la perturbe. Elle se souvient des détails sans intérêt comme la peinture bleu posée sur la table de la classe ou les chaussures que Miki portait. Ambre passe une main sur son visage, tentant de chasser cet impression désagréable, et continue son récit :

— Et j'ai fondu en larmes devant le professeur. J'ai juste fait du cinéma pour me faire passer pour la victime. J'ai changé l'histoire à mon avantage et Miki ne pouvait rien dire, certainement tétanisée par tout ce qui se passait. Le professeur l'a prise à part pour l'engueuler et on pouvait l'entendre même avec la porte fermée. C'était ironique. Il s'agissait d'un prof qui luttait contre le harcèlement et il ne se doutait pas qu'il s'en prenait à une harcelée.

Ambre redevient silencieuse, elle se souvient de ce qu'elle faisait avec ses copines à cet instant, elles éclataient de rire pendant que leur victime se faisait encore crier dessus. La blondinette se vantait même de sa capacité à jouer les victimes et faire du cinéma. C'était à cet instant que l'idée de faire du théâtre lui est venue. À chaque fois que la parisienne repense à cet instant de sa vie, un dégoût profond envahit tout son être.

— Voilà, tu en sais un peu plus sur moi. Je t'en veux pas si ça t'énerve ce que je te raconte, tu peux dire que j'ai été une profonde abrutie avant, c'est le cas, explique Ambre en triturant une mèche. D'une certaine façon, Chloé avait raison : il n'y a rien de glorieux chez moi.

Lumi penche sa tête pour regarder le visage attristé de sa camarade. Cette dernière se mure dans le silence, comme si elle avait besoin de mettre de l'ordre dans sa tête après avoir parlé du moment le plus détestable de sa vie. Ambre jette un léger coup d'œil vers son interlocutrice et n'y décèle aucun mépris ou colère, ce qui l'étonne. Ce n'est pas la première fois, mais la blondinette se demande si sa camarade connaît vraiment de la colère ?

— Tu penses que t'as changé aujourd'hui ou pas ? lui demande Lumi.

— Si j'ai changé ? répète son interlocutrice.

— Oui, tu penses qu'aujourd'hui, t'es une autre personne ?

Ambre reste un moment silencieuse, le regard ailleurs, avant de répondre :
— Je sais pas. Quelque part, j'ai pas l'impression d'avoir complètement changé, non plus.

— Comment ça ?

— J'ai... J'ai peur de faire semblant ou que ce soit que de surface et qu'au moindre dérapage, le naturel revient au galop.

— Moi je trouve que t'as changé. La Ambre d'aujourd'hui n'est pas la même bad bitch d'il y a trois ans.

La parisienne esquisse un sourire devant le terme farfelue de Lumi, mais cette dernière se montre très sérieuse. La recluse se lève, les poings serrés, pour montrer sa détermination.

— Je pense même que je pourrai te prouver que tu as changé.

— Ah bon comment ? questionne Ambre dubitative avec un sourire poli forcé.

Lumi ne répond rien, elle semble cogiter avant de s'éloigner de sa camarade. Cette dernière s'étonne de la voir partir, peut-être qu'elle en a marre ? Ambre ne lui en tiendrait pas rigueur, mais elle trouve juste étonnant qu'elle laisse ses sacs de vêtements. 

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Soudainement, Lumi se met à courir vers elle, de nouveau. Surprise, la blondinette se jette sur le côté, par instinct, pensant qu'elle risque de se prendre un coup, mais la recluse saute sur l'arbre et arrive à faire deux pas dessus avec l'élan avant de s'accrocher fermement. L'action se passe si rapidement qu'Ambre ne comprend pas trop ce qui se passe et voit juste Lumi en train de grimper à l'arbre.

— Lumi, tu fais quoi ? interroge Ambre perturbée.

Mais son interlocutrice ne répond pas, elle monte de plus en plus haut, se hissant grâce aux branches à disposition. Ça fait longtemps que Lumi n'a plus fait ça, elle le ressent avec ses bras qui brûlent à force de s'écorcher contre le bois. Elle fait abstraction de sa fatigue et mise tout sur sa concentration, jusqu'à ne plus entendre Ambre l'appeler depuis le bas. La parisienne ne comprend pas cette situation sortie de nulle part. Ses pensées se brouillent, c'est difficile de réfléchir correctement dans ces moments, surtout quand elle voit que sa camarade prend trop de hauteur et qu'à partir d'un moment, elle risque bien plus qu'un bobo si elle tombe de là où elle se trouve.

— Lumi, descends, commence Ambre doucement avant de reprendre avec une voix plus forte. Descends de là ! Ça commence à être dangereux !

Mais Lumi ne l'entend pas, elle écoute le vent, le bruissement du sapin, les oiseaux, et à force de prendre de la hauteur, elle commence à frissonner vu que l'air se rafraîchit. Lorsqu'elle pense atteindre le sommet, du moins, le sommet atteignable avant d'être bloquée, la recluse augmente le volume de ses appareils auditifs pour entendre Ambre lui crier de redescendre. Sa voix dégage de la panique, mélangée entre la colère et la confusion.

— Lumi, à quoi tu joues, putain ? perd patience Ambre. Redescends tout de suite !

— Pourquoi tu t'inquiètes ? répond Lumi.

— Hein ?

— Pourquoi tu t'inquiètes ? répète-elle en criant pour se faire entendre.

— Parce que si tu tombes, tu risques peut-être plus que de l'hôpital ! Descends maintenant putain, pourquoi t'as voulu grimper cet arbre ?

La politesse d'Ambre prend définitivement la poudre d'escampette, une peur l'envahit quand elle ne discerne plus Lumi et qu'elle craint, à tout moment, de voir un corps s'écraser devant elle. Ses mains tremblent, elle devrait appeler les pompiers ? Mais est-ce correct de les appeler pour cette raison ? Ambre sort son téléphone et tente de composer le 117 mais son index tremble tellement qu'elle se loupe plusieurs fois.

— Tu te souviens de ma question, Ambre ? l'interrompt Lumi. Réponds-moi de nouveau à ma question, est-ce que tu crois que t'as changé aujourd'hui ?

— C'est pas le moment pour répondre à des questions à la con !

— Si ! C'est justement le moment ! Dis-moi pourquoi tu es aussi paniquée si t'as pas changé ?

Son index s'arrête devant le bouton d'appel. C'est vrai, pourquoi est-ce qu'Ambre panique à ce point ? Elle n'est pas sûre d'avoir été comme ça, il y a trois ans. Donc... Elle s'inquiétait simplement ? Pourtant c'est étrange de devenir une personne compatissante en trois ans, surtout qu'elle s'est juste mise à l'écart des autres et elle est aussi sûre que ce n'est pas dans son tempérament d'être empathique. Il doit y avoir une vérité moins belle derrière son comportement affolé, est-ce que ce serait la peur de vivre avec une mort sur la conscience ? Toutes ces questions la pétrifient comme si elle ne savait plus où donner de la tête, mais Lumi la sort de ses pensées.

— Réponds-moi à cette question, Ambre ! répète-t-elle de nouveau, insistante. Est-ce que ce que la toi de maintenant est la même que celle d'il y a trois ans ?

— Je... bégaye Ambre, perdue. Non... Non ? Non, je crois ? Je ne suis pas tout à fait la même qu'il y a trois ans, techniquement.

— Pourquoi ?

— Car... Car j'ai changé ?

Ambre écarquille les yeux lorsqu'elle énonce ces mots. En réalité, si elle n'était pas sous la panique, elle n'aurait jamais donné cette réponse, car elle ne l'aurait jamais admise. Pourtant, techniquement, elle a bien changé avec le temps. Pas forcément positivement, ni négativement, la Ambre de maintenant est juste une Ambre qui réfléchit différemment de celle d'il y a trois ans, c'est un fait. Devant le silence, Lumi se permet de descendre avant d'arriver un peu plus rapidement au pied du sapin, non sans une frayeur lorsqu'elle loupe une branche dans sa descente précipitée.

Ambre pousse un cri horrifié, ayant cru un bref instant que Lumi était tombée par terre et qu'elle aurait une image traumatisante à jamais gravée dans son esprit, mais elle ne voit sa camarade en un seul morceau, avec un sourire triomphant comme si elle avait accompli une bonne chose. La parisienne ressent une vague de soulagement, avant d'être, aussitôt, en colère.

— Héhé, alors j'avais raison ! s'exclame la noiraude.

— Tu... Tu t'es sérieusement mise en danger juste pour ça ? s'énerve Ambre. C'est pour ça que t'as grimpé cet arbre ?

— Haha... oui ?

— Mais tu es juste complètement stupide !

— Tu peux le dire que j'étais très con, ce serait pas faux.

À ces mots, Ambre saisit les épaules de Lumi avant de la secouer vivement, pour décompresser d'un drame qu'elle craignait de voir, mais son interlocutrice se contente juste d'émettre un fou rire nerveux, car elle-même s'était dit que son idée était conne, certainement dans le top trois de ses idées connes. Mais elle était poussée par l'adrénaline et ne pouvait pas faire demi-tour. Au moins, ça a fonctionné. Lorsqu'Ambre cesse de secouer sa camarade, elle finit par s'asseoir de nouveau au pied de l'arbre, envahie par une grosse fatigue due à toutes les émotions qu'elle a ressenti aujourd'hui, suivie par son amie qui s'assoit à ses côtés, toujours dynamique malgré l'arbre qu'elle venait de grimper.

— En tout cas, aujourd'hui est une excellente journée : mes vêtements sont foutus là, mais j'ai acheté pleins de trucs et tes deux tenues, donc y a que des bonnes nouvelles !

— Je... Tu es vraiment impossible Lumi... soupire Ambre, presque dépitée.

— Je sais, répond son interlocutrice avec un grand sourire. Du coup, pour la journée de demain ?

— Comment ça, la journée de demain ?

— Oui ! Qu'est-ce qu'on prévoit pour la journée de demain ? Une sortie ? Une visite ?Ambre troque son sourire poli pour un regard empli de jugement, elle se contente de tourner la tête, boudant dans son coin et lâchant d'une voix monotone.

— Rien.

— Ah ! Ambre, t'es trop méchante ! Une sortie pour demain, une sortie pour demain ! S'il te plaît, en plus, je crois que j'ai une idée trop cool pour demain, je te jure que ce sera drôle. Amby ! Ambybybyby ! pleurniche faussement Lumi en agrippant le bras d'Ambre.

— Humpf...

Elle n'en démord pas et continue de bouder pour punir son amie de la frayeur occasionnée, cette dernière continue à se plaindre pour avoir une autre sortie le lendemain. Malgré cet épisode aussi étrange que mouvementé, la blondinette se sent un peu plus légère. C'est étrange, c'est comme si le fantôme qui la hantait durant tout ce temps commençait petit à petit à vouloir partir. Un fantôme qui ne la transperce plus du regard, du moins. La blondinette ferme les yeux, ce n'était pas une mauvaise journée alors.

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