Chapitre 11 :

Lumi adopte la pose du gagnant devant l'épicerie asiatique, à quelques minutes de sa maison, accompagnée d'Ambre. Cette dernière inspecte l'intérieur, à travers la vitre du magasin, qui ne semble pas avoir beaucoup de décorations ; les produits sont juste disposés sur les étagères avec une odeur de thé qui lui titille les narines à travers la porte ouverte. En tout cas, il n'y a personne à l'exception de la vendeuse qui joue sur son téléphone et c'est surprenant de voir qu'il existe des magasins avec des horaires aussi particuliers. La recluse agite ses bras comme un pingouin et présente le lieu à sa camarade :

— Je te présente ma caverne d'Alibaba, dit-elle fièrement. Avec le couché de soleil, on peut croire que c'est en or et tout, mais c'est bien une simple épicerie pour mortelles.

— Ils vendent quoi ? questionne la blondinette.

— Beaucoup de snack coréen et japonais, mais y a aussi d'autres trucs. Je vais te faire découvrir un autre monde, explique-t-elle avant d'entrer dans le lieu.

À l'entrée, une femme d'origine asiatique les accueille derrière sa caisse sans prêter une grande attention à ses deux nouvelles clientes ; ceci dit, elle semble connaître Lumi. Cette dernière se dirige vers un rayon particulier, laissant Ambre observer les environs. Les produits arborent des dessins de plus en plus étranges, et il est difficile de savoir ce qu'ils représentent, car tout est écrit dans une langue étrangère, probablement japonais ou coréen. La parisienne parvient à reconnaître certains personnages d'anime tels que Naruto ou Pikachu. Pour le reste, elle suppose qu'il s'agit peut-être de bonbons ou de nouilles. Intriguée, elle saisit un paquet de ramen avec un dauphin qui se baigne dans une eau rose – cela pourrait être des bonbons ?

— Oh, t'aimes les bonbons japonais ? questionne Lumi en revenant avec quelques boîtes dans ses bras.

— Oh non, pas spécialement, répond-t-elle en reposant le produit sur son étal. C'est des nouilles ce que t'as ?

La recluse secoue la tête avant de montrer le packaging de ses petites boîtes : on peut y apercevoir un piment qui se baigne dans un bol de chips en apparence avec un grand sourire. Ambre ne peut pas lire, mais elle remarque bien les deux petits piments en bas du paquet. Lumi acquiesce avec énergie, avec un grand sourire :

— Non, c'est des tteokbokki, un truc ultra bon, tu veux que je te fasse goûter chez moi ? 

— Pourquoi pas, ta maison n'est pas très loin ?

Son interlocutrice écarquille des yeux, plutôt surprise qu'Ambre ait accepté. Elle reste bouche bée avant de répondre avec beaucoup d'enthousiasme.

— Attends, tu viens pour de vrai ?

— Euh, oui oui, ça ne me dérange pas.

— Super ! s'enthousiasme-t-elle en sautillant. Alors on va faire un truc de découverte asiatique ! Prends des trucs qui t'attirent l'œil et je vais prendre des trucs que j'ai jamais vu non plus, on fera une review découverte ensemble !

— Hein ? Attends, on est pas obligées, tu vas pas payer autant...

Cependant, Lumi ne lui prête déjà plus attention et se précipite vers les rayons pour choisir les snacks les plus farfelus qu'elle puisse trouver. Bien qu'Ambre aurait souhaité insister pour décliner sa demande, elle se résout à accepter, ne voulant pas casser la bonne humeur de sa camarade. Elle soupire intérieurement et finit par se promener dans les rayons, à la recherche d'un paquet qui pourrait captiver son attention, sans plus, car elle se sent mal à l'aise à l'idée de faire payer quelqu'un. Anxieuse, elle ne parvient pas à repérer quelque chose écrit dans un alphabet qu'elle connaît, ça va être compliqué de savoir ce qu'elle va acheter et, potentiellement, ingérer. Bien qu'elle ne soit pas convaincue, Ambre décide de se fier uniquement aux illustrations sur les emballages pour faire son choix.

Au hasard, ses yeux tombent sur un paquet avec un mignon poussin dessus. Ambre se surprend à esquisser un sourire et saisit cette boîte plutôt légère. Ça fera l'affaire. Cette dernière part rejoindre Lumi qui a les bras chargés de paquets ; contenant des boîtes de gâteaux aux riz pour sa survie et trois paquets mystères. La blondinette jette un rapide coup d'œil sur les snacks pour la dégustation et du peu qu'elle a vu, ça ne la met pas en confiance, même pas du tout. Le visage de la parisienne se fige dans un faux sourire, espérant se tromper. Quant à sa camarade, celle-ci remarque l'unique paquet en possession d'Ambre, ce qui la surprend. 

— Oh, t'as pris que ça ? questionne-t-elle. Tu veux pas prendre d'aut'choses ?

— Non, non, vraiment, ça ira. Je prendrai que ça.

— Ok, ok, de toute façon j'ai pris trois paquets que j'ai jamais vus de ma vie, ça sera suffisant !

— Ah, tu sais pas du tout ce qui est écrit dessus ?

— Absolument pas, mais c'est ça qui est drôle, répond Lumi avec un visage des plus sereins.

Ambre pensait que son interlocutrice aurait peut-être quelques notions de japonais ou de coréen, mais cela ne semble pas être le cas. Étrangement, elle regrette cette dégustation improvisée, mais elle ne se résout pas à changer d'avis. Une fois à la caisse, la fillette aux cheveux noirs décharge tous les articles de ses bras et s'étire, soulagée de se débarrasser de cet encombrement. La caissière leur adresse un vague bonjour avant de scanner les produits. Un silence gênant s'installe, perturbé par les bips de la machine, un silence qui ne semble déranger qu'Ambre, tandis que sa camarade regarde ailleurs ou contemple les étagères pour admirer les bonbons, tout en tapotant étrangement de la main droite. La caissière doit l'interpeller deux ou trois fois avant qu'elle ne sorte de sa bulle et vienne payer les articles. La Suissesse sort son téléphone pour payer via une application, mais le paiement ne passe pas.

— L'argent ne passe pas, explique la caissière avec un léger accent.

— Oh ? s'exclame Lumi avec le visage livide. Oh non, je crois que ma mère a dû bloquer la carte.

— Attends, je paye ne t'en fais pas.

— Ah bon ? Ça ne te dérange pas ?

— Absolument pas, rétorque-t-elle en sortant du cash de son portefeuille.

Ambre peut sentir un regard lumineux de la part de sa camarade, cette dernière paraît un peu trop touchée à l'idée de se faire payer quelque chose. Après encaissement, Lumi récupère tout son barda de guerre et remercie plusieurs fois la blondinette, ne pouvant s'empêcher de sautiller plusieurs fois à la sortie. Sa camarade ne fait que sourire nerveusement, en tenant dans sa main le paquet de chips en forme de poussin armé. 

— Allons faire une unboxing dégustation chez moi ! s'exclame Lumi en montrant une direction.

Le trajet se passe sans encombre, mais Ambre ne peut s'empêcher d'être pensive, tiraillée par plusieurs sentiments. Souriant, de temps à autre, à son interlocutrice lorsqu'elle lui dit quelque chose d'étrange ou anodin. La blondinette jette un petit coup d'œil vers Lumi, cette dernière semble marcher différemment, elle fait des grandes enjambées en posant bien son talon en premier avant de reposer le reste. Ses bras mettent une distance avec son corps comme les manchots et son regard se focalise uniquement sur ses pieds. De temps à autre, la recluse paraît avoir un équilibre bancal, surtout en descendant des escaliers. Est-ce un jeu pour elle ou ne fait-elle juste pas du tout attention ? Difficile de le savoir vu sa personnalité plutôt excentrique. 

— Ça va ?

— Oui ! J'ai hyper hâte de rentrer chez moi ! explique Lumi en applaudissant uniquement avec ses phalanges.

Ambre lui répond avec le sourire, continuant à écouter à moitié son interlocutrice dans son monologue sans transition ou cohérence entre les sujets, pour le reste du trajet. Arrivée à destination, la blondinette ne s'imaginait pas de voir une maison plutôt grande, ça n'a pas l'étoffe d'une villa, mais ça reste sympathique. Pourtant, un problème mineur les attend.

— Putain, mais y a encore Grominet qui squatte le paillasson là, grogne Lumi.

La noiraude tente de pousser un gros chat, détendu sur le paillasson, avec son pied, mais sans succès. Le félin se contente juste de bâiller à s'en décrocher la mâchoire avant de dormir sur le dos, donnant l'impression de provoquer Lumi. Cette dernière essaye de le pousser un peu plus fort, agacée, mais en vain. 

— C'est ton chat ? questionne Ambre.

— Non, c'est le chat de la voisine, elle fait des bons muffins, mais elle a les pires animaux de la terre entre celui qui squatte notre paillasson et l'autre qui pisse tout le temps, explique-t-elle avec un air blasé. Je jure que ce chat prémédite un meurtre, car je me le prends à chaque fois que je sors faire un truc.

— Attends, je vais le déplacer.

— Je te préviens, c'est un chat qui ne subit absolument pas l'inflation, sauf dans son assiette.

— Ah, c'est difficile de pas le voir.

En posant son paquet sur le rebord de la fenêtre du rez-de-chaussée, Ambre saisit le chat qui se laisse faire et le soulève pour le poser ailleurs. Le moins qu'elle puisse dire c'est qu'effectivement, les propriétaires devraient commencer à faire moins manger leur animal. Le gros matou se laisse étaler sur le sol comme du liquide et ronronne de plaisir, plutôt reconnaissant que la parisienne l'ait laissé dans une zone d'ombre pour profiter de la fraîcheur. Presque essoufflée, la blondinette revient. 

— Effectivement, il mange bien.

Lumi pouffe de rire avant d'ouvrir la porte de sa maison avec son coude. Personne ne l'accueille, mais elle s'y attend puisque sa mère se trouve à l'arrière de la maison, en train de peindre à cette heure, il s'agit de son heure la plus inspirante. Excitée, la recluse pose ses deux sacs en plastique sur la table. Dans un premier temps, elle range une majorité des tteokbokkis dans le frigidaire avant d'en garder deux paquets et faire bouillir de l'eau. Ambre reste debout, ignorant quoi faire, elle se contente de regarder l'intérieur de la maison plutôt joli. Son observation se fait interrompre par Lumi qui lui offre d'étranges papiers verts.

— Tiens, c'est des feuilles de noris et les enfants japonais aiment beaucoup en manger.

Ambre ravale sa grimace, ça n'a pas l'air très ragoutant, pourtant Lumi en mange comme si c'était des chips. En déchirant un petit bout, la blondinette goûte un morceau et s'aperçoit que ce n'est pas aussi mauvais qu'elle le pensait. En vérité, ce n'est ni bon, ni mauvais, la texture est juste particulière. Elle termine de manger le reste de cette drôle de feuille au goût indéfinissable. La bouilloire claque pour annoncer la fin de son chauffement et Lumi saisit l'anse pour verser le contenu dans les deux boîtes, sans oublier d'y mettre des blocs de mozarella à la fin, avant de refermer le contenu.

— Il faut attendre 10-15 minutes maintenant !

— C'est quoi ? Des nouilles ?

— Non, des tteokbokkis, mais en attendant, on va manger les snacks sur la table comme apéritif ! explique-t-elle avec les mains sur la taille.

— On commence par quoi ?

— Aucune idée, y a un paquet qui t'inspire ?

Si Ambre souhaite être honnête, aucun paquet sur cette table ne lui inspire la moindre confiance. Les emballages montrent des images tout sauf rassurantes, comme des tentacules avec un petit pêcheur qui essaye de l'embrocher, un chat qui fait des besoins roses – à se demander ce qu'a dû penser l'équipe marketing en créant ce produit ? – ou des insectes qui dansent devant le moulin rouge. La blondinette n'aimerait qu'aucun de ces produits ne touche ses lèvres, mais elle s'efforce de prendre ce qu'elle pense être le moins pire, alors elle pointe du doigt l'emballage de tentacule de pieuvre, ce qu'elle assume être un apéritif.

— Oh, celui-là ? J'espère qu'il est bon, dit Lumi en saisissant le paquet.

— J'espère ne pas finir avec un staphylocoque doré, s'exprime Ambre à voix basse.

— Hein, t'as parlé ?

— Ah non, je me disais juste que j'espère que ce sera bon.

— Oh, je me disais bien que j'avais entendu marmonner.

Lumi ouvre le paquet et une odeur étrange, presque nauséabonde, s'en dégage. Ambre arbore un sourire figé, de moins en moins ravie à l'idée de vouloir goûter cette chose, pas très enthousiaste à l'idée de faire une intoxication alimentaire. Quant à sa camarade, elle grimace légèrement avant de sentir un petit tentacule qui dépasse, même si elle ne montre rien, on voit bien qu'elle commence à regretter de l'avoir choisi. 

— C'est du curry indien avec, explique-t-elle après avoir reniflé.

— Oh, je vois, il va falloir manger alors.

Quelques secondes de silence planent.

— Je crois que j'ai fait une terrible erreur de l'avoir choisi, admet Lumi, mais je me dis qu'il faut essayer dans la vie, on sait pas, même si on dirait un truc sorti des enfers, peut-être que c'est extrêmement bon et qu'on est juste médisant dessus. 

— Ouais... rétorque Ambre pas très convaincue.

Armées d'un tentacule assaisonné au curry doux, les deux jeunes filles finissent par prendre une bouchée presque en même temps. Il passe juste une minute où elles mastiquent et restent silencieuses, la blondinette essaye de faire de son mieux pour trouver un bon goût à ce snack, mais c'est juste épouvantable, elle a accepté de prendre une bouchée, mais pas la deuxième. Ambre et Lumi reposent les tentacules, pas très envieuses de vouloir y retourner et Lumi pouffe de rire en s'apercevant à quel point elles ont été synchrones.

— C'était tellement pas bon qu'on a juste eu la même idée.

— Je t'avoue que j'essaye de m'ouvrir à des nouveaux trucs, mais pas à des fruits de mer assaisonnés à des épices, du moins, pas provenant du Japon... admet la parisienne.

— Je l'avais pris, car je me disais que je devais tester une tentacule de calamar et le dessin m'avait l'air joli.

— Ce sera la seule chose de bien pour cet apéritif, commente Ambre en regardant l'emballage plutôt joli.

— Attends, je vais faire un truc, j'ai oublié de faire ça avant qu'on mange.

Lumi tend ses mains et agite les doigts en prenant une voix différente.

— Hey, salut à tous, les amis, c'est LumiLafarge Pokémon, en présence de MissAmbrie.

— Hein ?

— Dis "coucou" avec une voix aiguë Ambre, lui murmure Lumi alors qu'il n'y a personne d'autre qu'elle.

— Euh, ok, coucou ! dit-elle en prenant une voix semi-aiguë.

— Alors, après ma black card, après ma tesla pimpé en diamant, après ma villa en or, je fais une unboxing déjà unboxé d'un truc coréen, japonais ou chinois, j'sais pas trop, mais c'est pas à faire. Ça c'est un paquet de pegi 18 assaisonné de curry, vous m'excuserez, mais je lis pas le japonais, mettez dans les commentaires ce que c'est, je lirai pas, c'est pour le référencement. En tout cas, ce paquet c'est aussi un aller direct à l'hôpital, si vous le consommez. Mangez de la mort-au-rat, ce sera moins désagréable avec le même résultat. Si vous voulez connaitre mon avis : c'est de la merde. Allez, bye bye, abonnez-vous et mettez la cloche !

Même si la parisienne ne comprend pas trop ce que son interlocutrice fait, bien qu'elle ait l'impression d'avoir entendu ce ton de voix quelque part, elle ne peut pas s'empêcher d'esquisser un sourire à certaines répliques. Elle sait que ça provient de la plateforme youtube, mais elle ne consomme pas vraiment les créateurs de contenus assez connus, Ambre préfère regarder des vidéos d'analyse de pièce de théâtre ou d'autre chose en rapport avec la littérature, si ce n'est pas immédiatement regarder des pièces de théâtres pour les analyser elle-même. 

— C'est bon, je l'ai fait au moins une fois dans ma vie, une imitation de DavidLafarge Pokémon, acquiesce Lumi satisfaite.

— Je connais pas trop qui c'est, mais je crois avoir entendu parlé de lui, lui avoue sa camarade.

— Ah ? C'est un youtubeur Pokémon, mais il fait d'autres trucs aussi. Il est très connu pour le "hey salut à tous, les amis, c'est David LafargePokémon", t'as dû en entendre parler.

— Je crois, je suis pas sûre. 

— Oh, et si on mangeait ton paquet plutôt ?

— Ah mais oui, je l'ai oublié dehors, je reviens.

En sortant de la maison, Ambre se prend le gros chat dans les pattes et manque de tomber la tête la première sur le gravier. Elle regarde l'animal avec surprise. Qu'est-ce qu'il fait sur le paillasson ? Elle l'avait déplacé un peu plus loin. Agacée, elle préfère soupirer audiblement pour extérioriser sa frustration et récupère son paquet du petit poussin. En revenant à la cuisine, Lumi vérifie le contenant des gâteaux de riz avant de remarquer sa camarade déjà rentrée. 

— Grominet était sur le paillasson ?

— Ouais, je me le suis pris, admet-elle.

— Oof, désolée, j'avais oubliée de te prévenir que Grominet est autant attiré par notre paillasson que les youtubeurs sont attirés par les min-

Lumi se coupe elle-même dans sa phrase, comme si elle s'auto-censurait, souriant d'une manière innocente. Son interlocutrice se montre surprise, elle croit savoir comment se termine la phrase et ne préfère pas en savoir plus. Cette dernière préfère ouvrir son paquet et se rend compte qu'il s'agit de chips, mais l'odeur est suspecte.

— Oh, c'est des chimps ? questionne Lumi.

— Oui, tu veux goûter ?

La recluse est la première à goûter le chips de poussin. Elle mastique avec enthousiasme avant de se montrer perplexe. Lumi fronce des sourcils.

— Euh... C'est des chimps à quoi ?

— Ça a un goût bizarre ? l'interroge Ambre avant de goûter elle-même.

À son tour, la blondinette ne semble pas convaincue. Ce n'est pas des chips naturels, ça a un goût bien trop particulier. Lumi saisit le paquet pour essayer de comprendre ce que ça peut être avant d'arrêter de mastiquer net, comme si elle avait compris ce qu'il en était.

— Ah, je crois que je sais ce que c'est.

— C'est quoi, des fromages ? demande Ambre en prenant une autre bouchée pour deviner le goût.

— Du poussin.

Ambre s'arrête de mastiquer et prend un moment à comprendre l'information. Après ce moment de silence, elle recrache ce qu'elle avait en bouche dans la poubelle et dans un consensus général, jette également le paquet.

— Bon, on va manger le tteokbokkis maintenant, dit Lumi comme si de rien n'était.

— Oui, on va faire ça.

Après avoir vérifié le contenu une dernière fois, Lumi constate que la mozzarella est bien fondue sur les gâteaux de riz. Satisfaite, elle emmène les deux contenants à la salle à manger qui ne se trouve qu'à deux pas de la cuisine. La recluse pose la boîte devant son invité avec une fourchette pendant qu'elle ouvre déjà la sienne pour remuer le contenu avec sa baguette.

— Fais gaffe, c'est plutôt chaud et épicé, mais c'est bon, promis.

— Je le mange normalement ? questionne Ambre.

— Oui, t'inquiète, t'as pas besoin de faire des choses en particulier pour bien le déguster.

Ambre embroche un gâteau de riz avec sa fourchette, la texture est moelleuse et l'odeur épicé, la parisienne le met dans sa bouche après avoir soufflée deux ou trois fois dessus. À la première bouchée, cette dernière ne s'attendait pas à ce que ce soit autant caoutchouteux et avale tout le morceau d'un coup. L'épice enflamme légèrement la bouche avant d'être atténué par la mozarella, puis elle finit par une pâte qui ressemble à de la guimauve en un peu plus compacte. Ce n'est pas mauvais, mais la texture est tellement particulière qu'Ambre ne sait pas trop quoi en penser, très peu habituée à la nourriture coréenne.

— T'aimes bien ? demande Lumi.

— C'est bizarre je trouve.

— Oui, je l'ai également trouvé au début. Le goût a l'air un peu bizarre, mais c'est en mangeant plusieurs fois que j'ai fini par m'y habituer. C'est comme ça avec la nourriture coréenne en général, s'explique-t-elle en pointant sa boîte avec sa baguette.

— Oui, c'est très particulier, admet-elle. Merci de m'avoir fait connaître un peu de la Corée en tout cas.

— Pas de souci ! Même si c'est moins cool que faire du théâtre.

— Non, je pense que les deux sont cool. Y a pas vraiment de meilleure passion que l'autre.

— Bouarf, je pense qu'il faut avoir un petit truc, quand même, pour faire du théâtre. T'as du te rendre compte que je parlais pas très bien et en plus, je bégaye un peu. Enfin, un peu beaucoup.

Ambre avait remarqué son langage parfois très familier ou très particulier, avec beaucoup de références Internet qu'elle n'avait pas. Mais elle ne l'avait jamais réellement soulevé puisque sa meilleure amie l'a habituée à pire quand elle lui écrit par message. La blondinette laisse la fourchette dans la boite, pas très impatiente d'en reprendre bien que ce ne soit pas mauvais.

— Si tu veux, le théâtre n'a pas vraiment de pré-requis. Les gens commencent à avoir un bon niveau à force de répéter. Il y a même des gens qui font du théâtre, car ils ont des problèmes d'élocution, et à force, ils arrivent à moins bégayer.

— Ah bon, même moi je pourrais bien parler ?

— Si tu veux, je peux te faire un petit cours. Pas vraiment pour faire du théâtre avec tout ce que ça induit, mais pour travailler les articulations et les prononciations.

— En vrai, j'suis chaud, accepte Lumi en touillant le contenu de son récipient. On se le fait chez moi ou ailleurs ?

— Je pense que c'est mieux de le faire dans le parc abandonné. Celui un peu à l'écart, un peu plus loin des bancs où on s'est vu. Y a pas beaucoup de monde et on nous entendra pas trop.

— Le parc abandonné ?

— Tu sais pas où c'est ?

— Si si, mais c'est pas un...

Lumi se tait, fronçant les sourcils, un peu pensive. Elle finit par juste sourire bêtement, en se grattant les cheveux, gênée.

— Ouais, je vois où il se trouve. Alors on se retrouve là-bas à la même heure demain ?

— Oui, si tu veux.

— Super, alors j'ai hâte de voir ça. Ça doit être ultra sympatoche même si je suis aussi bonne dans l'acting que dans rien en fait.

La recluse émet un rire avant de retourner manger. En réalité, Ambre devra fouiller dans ses vieilles affaires pour trouver ses premiers textes qu'elle apprenait. D'une certaine manière, ça la met mal à l'aise de se replonger dans cette "époque" quand bien même ça ne remonte qu'à deux-trois ans en arrière. Voir ses notes, voir l'année, voir tout ça risqueraient bien d'être étrange pour ne pas dire désagréable, mais ça ne fait rien, elle le fera, elle ne doit pas s'en préoccuper. Alors qu'elle n'avait aucune envie de continuer à manger son gâteau de riz, elle s'efforce de prendre une autre bouchée.

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