Chapitre 9

Les deux jours passèrent sans que Jane ne revit le vicomte. Il avait respecté ce qu'elle lui avait demandé – Dieu sait que ce n'était pourtant pas facile – et ne s'était pas approché d'elle. Il 'lavait observée de loin rire, discuter avec d'autres hommes qu'elle.
Alors qu'il était à sa fenêtre du bureau, il entendit un carrosse arriver. Il s'en souvenait à présent, c'était aujourd'hui que le fils du marquis de Normanby arrivait. Avec lui, tout espoir de conclure quelque chose avec mademoiselle Shirley. Il devait s'habituer au fait qu'elle ne voulait pas de lui et qu'elle était mieux avec son fiancé. Si seulement elle savait tout ce qu'il avait fait dans son passé. Ce n'était pas un homme digne de confiance. Alors pourquoi l'épouser ? Il termina son verre de whisky avant d'aller accueillir le nouvel arrivant.

— Bonjour Normanby, ravi de vous accueillir !

— Adlborough. Je vous remercie pour votre invitation, c'est toujours un plaisir de venir ici.

— Vous êtes le bienvenu quand vous voulez. Votre fiancée est avec son amie, mademoiselle Margaret, au niveau des activités du jour.

— Je vais de ce pas la rejoindre. Je vous remercie.

Anthony le regarda s'éloigner et ne put s'empêcher de le maudire. Il avait la chance d'avoir une fiancée fidèle, qui n'avait pas succombé à ses charmes. D'avoir une future épouse jolie et intelligente, avec de l'esprit et généreuse. Peut-être pas avec lui mais il l'avait remarqué avec d'autres. Il soupira et se résigna à aller converser avec quelques uns de ses invités.

Jane discutait avec Margaret et Tom lorsqu'elle entendit son prénom. Elle se tourna et vit son fiancé avancer vers elle. Son sourire s'agrandit et elle le rejoignit.

— Quelle joie de vous voir milord. Je me demandais l'heure à laquelle vous arriveriez.

— Me voilà ! J'espère ne pas trop vous avoir fait attendre. Voulez-vous que nous nous promenions tous les deux dans les jardins. Ils sont magnifiques.

— Ce serait avec grand plaisir milord. Margaret, nous nous rejoignons plus tard dans la chambre pour se préparer ?

— Oui, bonne promenade, répondit son amie. Ne forment-ils pas un merveilleux couple ? ajouta-t-elle à l'intention de Tom en les voyant partir.

— Non je ne trouve pas.

Margaret se tourna vers lui, choquée qu'il lui réponde si franchement. Tom, la voyant, leva les bras en l'air en disant :

— Vous m'avez demandé de toujours être honnête avec vous. Alors je vous réponds ainsi. J'ai été à la même université que Normanby et je peux vous assurer que ce n'est pas un saint.

— Parce que vous l'étiez ?

— Je n'ai pas dit ça. Mais Anthony l'a empêché plusieurs fois de commettre des actes irréparables.

— Que voulez-vous dire ?

— J'en ai déjà trop dit ma douce. Si nous allions nous promenez nous aussi.

— Me raconterez vous un jour ?

— Tout dépendra de l'avenir, répondit le duc avec un sourire malicieux.

Les deux tourtereaux partirent main dans la main, riant aux éclats sous l'œil avisé d'Anthony. Ce dernier se demandait s'il avait bien fait de pousser Tom dans les bras de l'amie de Jane.

***

Dans la chambre des deux amies, l'excitation était au rendez-vous. Jane terminait d'enfiler ses gants que Margaret se coiffait toujours.

— Margaret ! Tu n'es toujours pas prête ?

— Il faut que je sois parfaite ce soir. Je suis sûre que Tom va demander ma main.

— Tu sembles très sûre de toi, murmura Jane en haussant les sourcils. Depuis quand l'appelles-tu par son prénom ?!

— Oh seulement en privé. Il m'a demandé, répondit son amie en rougissant. Il trouve que cela sonne mieux que milord. Trop solennel.

— J'appelle Daniel milord. Même en privé.

— Vous n'avez pas la même alchimie, c'est pour cela.

— Que veux-tu dire ? dit Jane en fixant sa camarade de toujours.

— Oh voyons, tu ne l'apprécies pas. Ose me dire que tu ne préfères pas passer un peu de temps avec le vicomte !

— Non je ne préfère pas.

Margaret se tourna vers Jane en secouant la tête.

— Tu es une jeune femme qui sait où sont ses devoirs. Mais honnêtement Jane, tu devrais penser à ton bonheur. Ce n'est pas ton père qui vivra toute sa vie avec ton mari. C'est toi qui va devoir le supporter. Autant que ce soit avec quelqu'un que tu apprécies un minimum.

— Mais j'apprécie Daniel !

— Si tu le dis... Enfin bon, je suis prête et toi ?

— Cela fait une demie-heure que je le suis.

La musique se faisait entendre jusqu'au dernier étage. Les salons de réceptions étaient pleins à craquer. Jane et Margaret descendirent, agitant leur éventail pour avoir un peu d'air.
Tom, qui attendait au bas des marches, admira celle qu'il aimait descendre gracieusement. Lorsqu'elle arriva à ses côtés, eelle s'approcha de son oreille et murmura :

— Mon cher, fermez votre bouche ou bien les moustiques se feront une joie de vous piquer.

Tom se ressaisit et toussa pour se donner un peu de contenance. Il tendit son bras avec un sourire et emmena Margaret sur la piste de danse. Jane pensait trouver Daniel au bas des escaliers mais il n'en fut rien. Elle le chercha des yeux et le trouva en grande conversation avec le duc de Kirlak. Elle soupira et s'apprêta à descendre la dernière marche.

— Une demoiselle ne devrait jamais être dans un escalier sans être accompagnée.

Elle tourna la tête pour voir le vicomte à son côté, un sourire aux lèvres.

— Et pourquoi donc milord ?

— Sinon toutes les têtes se tourneraient pour l'admirer et l'homme voulant conquérir son cœur n'en serait que plus jaloux.

Le coeur de Jane rata un battement, cela elle en était sûre. Elle pinça les lèvres gênée et suivit Anthony près du buffet.

— A chaque fois que nous nous voyons, vous m'accompagnez près du buffet. Auriez-vous un message à me transmettre ?

— Si ce n'est pour vous montrer que manger est ma passion, je n'en vois aucun autre. M'accorderiez-vous l'honneur de cette première danse ?

— Je ne sais si... répondit Jane en cherchant du regard son fiancé.

— Ce n'est qu'une danse, murmura-t-il d'une voix basse.

Elle plongea son regard dans le sien et se noya dans l'océan de ses yeux. D'un geste simple, elle posa sa main au creux de celle d'Anthony. Ce dernier serra délicatement la fine main. Il se dirigea au centre de la piste, là où il n'y avait personne. Tous attendaient l'ouverture du bal par le vicomte d'Aldborough. Aussi, lorsqu'il arriva accompagné par mademoiselle Shirley, tous murmurèrent.
Daniel de Normanby se désintéressa de son interlocuteur pour se concentrer sur ce qui se passait. Lorsqu'il vit sa jeune fiancée au bras de son rival, il ne put s'empêcher de serrer fortement son verre dans sa main. Au point qu'il éclata, le coupant.

Jane entendit des éclats de voix et ne put s'empêcher de regarder autour d'elle. Anthony d'une pression de la main lui demanda de le regarder.

— Peu importe les autres. Ne regardez que moi.

Elle acquiesça de la tête et la musique démarra. Une valse. Jane savait faire. Pourtant, elle avait l'impression d'avoir oublié chacun des pas en sa présence. Lui qui ne faisait que la troubler d'un simple geste, d'un simple murmure, d'un simple regard. Les yeux étaient la porte de l'âme disait-on. Il lui semblait que c'était aussi la porte du coeur. Le sien battait tellement fort qu'elle pensait qu'il allait sortir de sa poitrine. Elle ferma les yeux, se laissant emporter dans les bras d'Anthony, se laissant bercer par la douce musique qui étaient jouée.

Anthony, la voyant faire, l'observa sous toutes les coutures. Lorsqu'elle fermait les yeux, il avait l'impression de la posséder. Il aurait voulu ne l'avoir que pour lui seul, la faire disparaître aux yeux de tous pour que personne ne l'admire mis à part lui. Qu'elle était belle avec ses cheveux blonds coiffés de cette manière, ce maquillage léger mais qui la mettait en valeur. Qu'il aurait voulu l'avoir rien que pour lui. Et pourtant, elle était promise à un autre. La musique s'arrêta. Cette musique qui avait semblé durer une éternité, durer une seconde.

Jane rouvrit les yeux et vit le monde autour d'elle. Elle ne put s'empêcher l'angoisse de monter. Elle remercia vivement le vicomte, prit les pans de sa robe et courut sur la terrasse pour se calmer et avoir de l'air frais. Ô pourquoi avait-il fallu que ça tombe sur elle ? Son père lui avait toujours appris à respecter ses paroles et à lui apprendre le sens du devoir. Que se passait-il en elle ?

— Jane !

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