Chapitre 5

Plusieurs jours s'écoulèrent sans qu'Anthony et Jane se revoient. Cette dernière était par ailleurs assise sur le canapé du salon de son père lorsque le valet entra et s'inclina pour annoncer une visite. Jane leva la tête et eut un grand sourire en voyant son amie Margaret entrer.

— Jane ! Je suis si contente de te voir. Il faut que je te raconte beaucoup de choses.

— Tu m'en diras tant. Je t'écoute, répondit la jeune blonde en fermant son livre.

— Je te propose une promenade dans le parc. Il fait beau et doux, profitons en.

— Très bien, je prends mon manteau et je te suis.

Et c'est ainsi que les deux amies se retrouvèrent bras dessus-dessous sous les grands chênes d'Hyde Park. Les deux servantes qui servaient de chaperons discutaient entre elles, un peu derrière les jeunes demoiselles. Durant tout le trajet menant jusqu'au parc, Margaret avait parlé d'un certain Tom, duc de Gordon. Ils s'étaient rencontrés au bal donné chez les Stenlis. Jane savait à peu près tout de lui grâce à ce que disait Margaret. Il était âgé de 27 ans, avait un frère et une sœur, plus petits que lui, un berger allemand nommé Max et son père était décédé d'une maladie foudroyante. Elle avait écouté d'une oreille un peu distraite, préférant observer les gens qui se promenaient comme elles dans la douceur du mois de mai.

— ... du vicomte d'Aldborough.

— Comment ? demanda vivement Jane en tournant la tête vers sa meilleure amie.

— C'est un très bon ami du vicomte que l'on a vu à ce même bal. Celui dont les parents sont décédés il y a quelques mois.

— Oh. Oui je vois, répondit la blonde en fixant un point devant elle tout en réfléchissant.

Elle n'avait pas revu le vicomte depuis ce bal. Et pourtant, son cerveau ne pouvait pas arrêter d'y penser. Notamment à ses yeux bleus-gris la détaillant de fond en comble. Comme s'il avait pu sonder son âme. Elle soupira se demandant pourquoi elle pensait à lui à ce moment là.

— Duc. Quelle surprise de vous voir ici, entendit-elle tout à coup.

Jane releva les yeux et vit deux hommes face à elles. L'un était sûrement le duc de Gordon dont Margaret avait parlé depuis plus d'une heure. Et l'autre était... Le vicomte d'Aldborough.

— Vous m'en voyez enchanté aussi mademoiselle d'Albany. Puis-je vous présenter mon camarade d'université, le vicomte Anthony d'Aldborough ?

Ce dernier s'inclina devant les jeunes femmes, tentant de capturer le regard de Jane.

— Et voici ma tendre amie, la fille du baron de Shirley, Jane.

— Ainsi donc, je connais enfin votre nom mademoiselle, sourit Anthony en la regardant.

— Il était facile pour vous de vous renseigner. Encore faut-il faire l'effort de le faire, milord.

Tom Gordon pouffa et toussa pour cacher son amusement derrière sa manche. Il se plaça aux côtés de Margaret et offrit son bras. Chose que l'amie de Jane accepta avec un léger rougissement. Anthony fit de même avec la fille du baron. Jane l'ignora et avança derrière le couple que formait sa meilleure amie avec le duc.
Anthony sourit en coin et marcha rapidement pour rattraper la jeune femme.

— Savez-vous qu'il est impoli de refuser le bras mademoiselle Shirley ?

— Savez-vous que l'on n'offre pas son bras à une jeune femme fiancée ? Surtout lorsqu'elle va épouser le fils d'un marquis. Je crois me souvenir que dans l'ordre de la noblesse, marquis est plus important que vicomte ?

— Marquis oui. Fils d'un marquis non. Je suis à ce jour plus titré que lui. Après si son père venait à décéder, alors je devrais m'incliner et avouer qu'il a un titre plus important. Votre langue est bien venimeuse pour une beauté si pure.

Jane éclata d'un rire si franc qu'Anthony sursauta et la regarda avec des yeux surpris. Mais il se ressaisit rapidement et sourit en la voyant si sincère.

— Qu'ai-je dit de si drôle ?

— Excusez-moi milord, mais votre phrase fonctionne-t-elle sur d'autres jeunes filles ? Si oui, je veux bien les rencontrer et ainsi juger à quel point elles sont naïves et peu promptes d'esprit.

— Je ne la sors pas à n'importe qui. Vous êtes la seule qui avez une langue aussi affûtée que la lame de mon rasoir. Je n'arrive pas à comprendre comment vous avez pu trouver un fiancé.

— Je suis fiancée à Daniel depuis que j'ai 15 ans. C'est un arrangement entre nos deux familles. J'imagine que vous ne pouvez comprendre étant donné que vous êtes un homme et par dessus tout l'aîné de votre famille.

— Il est vrai que je conçois peu le fait de fiancer deux personnes qui se connaissent si peu, tout cela parce que les parents sont de très bonnes connaissances. A moins que vos parents ne veuillent se vanter que leur fille ait épousé un futur marquis. Dans ces cas là, ce sont des profiteurs.

Jane se tourna vers lui, furieuse de ce qu'il venait d'insinuer. Elle serra les poings de toutes ses forces.

— Derrière ce visage qui séduit tant de femmes, vos manières sont rustres. Je comprends à présent pourquoi vous n'êtes toujours pas marié. Quelle mère voudrait de vous comme gendre ? Quel père voudrait confier sa fille à une personne si infecte que vous ? Et dire que...

— Dire que ... ? l'encouragea Anthony.

— Vous avez déjà ressenti ce que faisait une claque il y a peu de temps, ne m'obligez pas à recommencer. Vos tuteurs ne vous ont pas assez donné de coups pour vous apprendre à parler de manière agréable à vos autres semblables et...

— Et vous, votre mère ne vous a sûrement pas assez enfermée dans votre chambre pour passer des heures et des heures à coudre dans le silence. Afin que vous sachiez parler au rang supérieur au vôtre. Dois-je vous rappeler que vous n'êtes que fille de baron ?

Les larmes montèrent aux yeux de Jane qui se sentit ridicule devant cet être abominable. Tout le monde devait sûrement les écouter, certains devaient s'esclaffer devant la manière dont parlait le vicomte à une misérable fille de baron. Elle essuya rageusement les larmes qui commençaient à couler et partit en courant pour rentrer chez elle.

Anthony ferma les yeux et soupira. Quel rustre il avait été. Il ne s'attendait pas à un tel emportement. Mais lorsqu'elle avait parlé des tuteurs et des coups qu'il aurait dû recevoir, il s'était laissé envahir par sa colère. Cela lui avait rappelé tant de mauvais souvenirs. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il vit Tom et sa compagne le regarder avec les gros yeux.

— J'irai m'excuser. Je vous le promets.

— Je pense que c'est la moindre des choses vu ton comportement, s'écria Tom.

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