7. Le clan MacNabe

Chapitre modifié et republié le 14/12/2020

Chapitre republié le 06/09/2022

EDIT : chapitre republié le 13/07/2023

Le lendemain Mary quitta Edzell Castle très tôt. Elle traversa le village d'un pas énergique et alla toquer à la porte de la masure située un peu à l'écart en bordure de la forêt. Une vieille femme voûtée vint lui ouvrir. D'un geste, elle lui indiqua de rester dehors avant de disparaître à l'intérieur de la maisonnette. Elle en ressortit presque aussitôt avec un panier et une serpette qu'elle lui mit dans les mains puis s'emmitoufla dans son plaid avant de tirer la porte derrière elle et s'éloigner sur le chemin forestier. Mary s'élança derrière elle, portant le panier. Les deux femmes s'enfoncèrent dans la forêt, l'une derrière l'autre et adoptant l'allure de la première. Elles marchèrent sans échanger un mot pendant un moment puis arrivées dans une petite clairière, l'aïeule alla s'asseoir sur une souche.

— Alors ma fille que vous arrive-t-il ?

— Pourquoi cette question Fenella ?

— Allons petite Mary, je vois bien que vous êtes contrariée. Vous ne venez jamais aussi tôt, vous faites toujours vos corvées avant de me rejoindre. C'est donc que vous avez fui le château. Votre famille n'est-elle pas arrivée ?

— Si fait, il y a deux jours.

— Ne devriez-vous pas être avec elle ? Je croyais que vous aviez hâte de les revoir ?

— Il est vrai que j'avais hâte de les retrouver mais...

— Mais ?

— Mais c'était avant.

— Avant quoi ?

— Avant de connaître la véritable raison de leur venue. Ils ne sont pas venus me voir parce que je leur manquais.

— Pour quoi d'autre ?

— Ils sont venus pour sceller une alliance. Je suis le paiement.

La guérisseuse fronça les sourcils avant de demander des éclaircissements :

— Qu'est ce que vous racontez ma petite ?

— Mon père m'a troquée contre une alliance. Il m'a fiancée à un vieux laird pour obtenir un nouvel allié. Il a utilisé sa propre fille comme une monnaie d'échange.

Mary sursauta lorsque Fenella jura copieusement avant de se lever péniblement et s'éloigner en grommelant. La vieille femme n'alla pas loin et se retourna pour l'appeler.

— Ne restez pas planter là comme une bûche ! Venez donc me couper ces chardons !

— On les utilise pour soigner quelle maladie ?

— Le chardon est bon pour le foie. Je l'utilise pour traiter les troubles digestifs.

Tandis que Mary maniait la serpette avec précautions pour couper les chardons sans se piquer pour autant, Fenella la regardait avec attention en se frottant le menton.

— Vous avez dit à votre père ou votre mère que vous ne vouliez pas vous marier ?

— Oui. Ils le savent mais n'en ont cure. Ma mère prétend qu'ils n'ont pas le choix et donc moi non plus. Il en va de l'intérêt de mon clan.

— Les hommes disent toujours ça pour imposer leur volonté, marmonna la guérisseuse. Je suppose que vous allez obéir ?

— Et que puis-je faire d'autre ?

— Pas grand-chose c'est sûr ! À moins de déshonorer le clan MacLean en vous enfuyant... ou alors il vous faut trouver un autre époux plus à votre convenance.

— Mon clan a besoin de cette alliance Fenella !

— Non, les MacLean ont besoin d'un allié, ce n'est pas tout à fait la même chose. Ne pouvez — vous pas en trouver un autre ? Le laird d'un autre clan qui vous conviendrait mieux ? Parce que j'imagine que vous avez envie d'avoir un gaillard vigoureux dans votre couche et pas un vieux barbon racorni, n'est-ce pas ?

Mary rougit aussitôt et fit un mouvement de dénégation de la tête.

— Je... je ne sais pas. Je n'y ai pas vraiment réfléchi et...

— À d'autres ! À votre âge vous devez commencer à vous languir d'un homme... N'êtes vous point encore aller rouler dans les herbes avec un de nos guerriers ?

— Fenella ! s'offusqua Jamesina.

— Maintenant que vous avez enfin tout ce qu'il faut où il faut et en quantité suffisante pour plaire à un homme, il serait tant que vous alliez voir ce qui se cache sous le plaid des guerriers !

— Je ne suis pas complètement innocente ! Je sais parfaitement comment les hommes sont faits !

— Moui mais entre savoir et l'expérimenter il y a une grande différence ! marmonna Fenella.

Pendant plusieurs heures, les deux femmes continuèrent leur cueillette, la plus jeune exécutant les ordres de la plus expérimentée et écoutant avec attention l'enseignement qui lui était dispensé.

Lorsqu'elles regagnèrent le village, le panier rempli de plantes diverses et variées, il y régnait une activité inhabituelle. Des hommes portant des tartans rouges installaient un campement entre l'enceinte extérieure d'Edzell Castle et le village.

— Tiens, nous avons de la visite, grogna la guérisseuse.

— Fenella, vous connaissez ce clan ? demanda Jamesina, le cœur serré d'appréhension.

— Les tartans rouges sont communs dans la région et mes yeux ne sont plus ce qu'ils étaient. Que portent-ils au bonnet ?

Jamesina se rapprocha discrètement d'un des hommes pour identifier la plante qui était accrochée à son couvre-chef. Quand elle eu identifié le végétal, elle revint vers Fenella.

— Alors ma petite ?

— Ils portent une branche de mûre sauvage des pierres.

Fenella émit un claquement de langue avant d'asséner :

— Ah ! Le clan MacNabe. C'est à Fergus MacNabe que votre père veut vous marier ?

— Oui.

— Vous auriez pu prétendre à mieux c'est certain mais ce n'est pas un mauvais bougre non plus. Par contre vous aurez du mal à trouver satisfaction au lit avec lui. Bedonnant comme il est, il doit vite s'essouffler et pas tenir longtemps, ricana Fenella.

Voyant le visage de Jamesina se décomposer sous ses yeux, la vieille femme tenta de la rassurer.

— D'un autre côté, voyez le bon côté de la chose... vos ébats seront brefs, il ne vous importunera pas longtemps ! Il se peut même qu'il soit devenu impuissant... De plus sa santé est précaire, il a failli périr d'une infection de poitrine l'hiver dernier. Avec un peu de chance, il fera bientôt de vous une veuve. Vous serez alors libre de demander à votre père de vous trouver un mari plus à votre convenance parmi ses alliés.

Mary prit congé de la guérisseuse et rejoignit le château. Dès qu'elle franchit la porte de la grande salle, elle vit un attroupement de guerriers près de la longue table réservée au laird et à sa famille. Elle pressa le pas et longea les murs pour rejoindre l'escalier qui desservait les étages sans se faire repérer. Arrivée dans sa chambre, elle eut la surprise d'y trouver sa mère qui l'y attendait.

— Enfin te voilà ! Où étais-tu passée ?

— J'étais avec Fenella la guérisseuse. Je l'ai aidée à sa cueillette.

— C'est une excellente idée d'apprendre l'art des plantes, je te félicite pour cette initiative, Jamesina. Que tu deviennes guérisseuse sera un atout de plus pour ton clan.

— Oui, une raison de plus de me troquer aussi, marmonna Mary.

— Mary Jamesina !!! Comment oses-tu dire une chose pareille !

— C'est la vérité ! Tant que je vivais à Duart Castle, j'étais votre fille, maintenant je suis devenue une monnaie d'échange. Est-ce que le fait que je puisse soigner va faire monter mon prix ? demanda ironiquement la rebelle.

— Tu es et seras toujours notre fille. Cela ne nous réjouit pas de devoir te marier à un homme que tu n'as pas choisi mais nous n'avons pas d'autres solutions pour sceller une alliance qui contribuera à protéger le clan. Et contrairement à ce que tu peux penser, ton père ne t'a pas vendue. Fergus MacNabe n'était pas le seul à te vouloir, il a choisi l'homme qui lui semblait le mieux pour toi.

— Qui d'autre ? demanda Mary curieuse.

— Hector MacKenzie, le frère du chef de clan.

À l'énoncé de ce nom, Mary frissonna d'effroi. L'homme était connu pour sa cruauté envers les plus faibles. Elle se souvenait l'avoir entraperçu lors de la réunion interclanique à Dundonald. C'était une force de la nature, un véritable géant hirsute et mal embouché avec des bras larges comme des troncs d'arbre et des battoirs à la place des mains. Mains qu'il avait eues lourdes sur sa précédente épouse puisqu'il se murmurait qu'elle avait succombé à ses mauvais traitements.

— Ton père a refusé son offre arguant du fait qu'il avait déjà promis ta main au laird MacNabe. Aurais-tu préféré qu'il donne son accord pour ton union avec Hector MacKenzie ?

— Non, reconnut Mary du bout des lèvres.

— Lachlan a préféré te donner à un homme, certes âgé mais bienveillant plutôt qu'à un homme jeune et violent. Il ne l'a pas fait de gaieté de cœur mais il a fait ce qui lui semblait le mieux pour le clan et pour toi. Veux-tu reprocher à ton père d'avoir cherché à t'épargner ?

Mary baissa la tête piteusement.

— Non mère.

— Je sais que la situation te déplaît — à moi aussi, crois-le bien — mais cesse de pleurnicher sur ton sort et fais honneur à notre clan. Dépêche-toi de te changer, nous sommes attendues dans la grande salle. Tiens je t'ai préparé tes vêtements.

Mary se changea et revêtit la robe verte que sa mère avait sortie de son coffre. Une fois prête, elle descendit dans la salle commune avec Iseabail. À leur arrivée, les têtes se tournèrent vers elles et le silence se fit petit à petit. Les guerriers assemblés autour de la table s'écartèrent pour laisser le passage. Les deux femmes avancèrent entre les hommes à petits pas mesurés. Quand elles arrivèrent près de la table, Mary repéra un guerrier debout derrière son oncle David. L'homme était jeune et bien fait. Grand et musclé, il arborait une barbe courte et des cheveux noirs à hauteur d'épaule. Il la détailla lentement des pieds à la tête et un petit sourire incurva le coin de sa bouche. Il appréciait visiblement ce qu'il voyait. Mary sentit un frisson lui parcourir l'échine et son visage s'échauffer. Le guerrier la reluquait et son regard sur elle, la troublait. Au point qu'elle perdit la notion du lieu où elle se trouvait et c'est un discret coup de coude de sa mère qui la rappela à l'ordre.

— Sois plus attentive, lui souffla Iseabail.

La voix tonitruante de son père fit sursauter Jamesina.

— Fergus, je vous présente ma fille Mary Jamesina, annonça Lachlan MacLean.

— Cette petite a bien changé depuis la dernière fois. Lorsque je l'ai croisée à Dundonald, elle était encore semblable à une planche.

Mary dévisagea avec curiosité l'homme qui venait de parler. L'homme paraissait beaucoup plus âgé que son père. Des rides profondes creusaient son visage où s'enchâssaient de petits yeux gris à l'éclat rieur. Sa chevelure et sa barbe noires striées de mèches blanches étaient un peu broussailleuses, tout comme ses sourcils très fournis.

— Il est vrai mais comme vous pouvez le voir c'est maintenant une véritable femme. Elle a presque terminé son apprentissage auprès de sa tante Elisabeth.

Lorsque l'homme se leva maladroitement pour faire le tour de la table, Mary le trouva petit et... replet. Fenella n'avait pas menti, le laird MacNabe était rondouillard mais pas très costaud. À vrai dire, il paraissait même chétif malgré son embonpoint.

Arrivé près d'elle, Fergus MacNabe lui prit la main et lui adressa un grand sourire qui laissa apparaître un trou dans sa mâchoire supérieure. Puis il lui baisa la main et Mary dut se faire violence pour ne pas lui retirer sa main quand elle sentit les lippes humides s'attarder sur sa peau.

— Je me réjouis de notre union ! Je pense que vous me serez de bonne compagnie ma petite. Venez donc que je vous présente.

Fergus la tira à sa suite et s'arrêta devant un jeune garçon d'une dizaine d'années, et une jeune fille guère plus âgée qui tenait dans ses bras un petit enfant d'environ cinq ou six ans.

— Voici mes enfants : Kyle, Elspeth et Muriella dont vous aurez la charge après notre union. Il vous incombera de former Elspeth et Muriella pour qu'elles deviennent de bonnes épouses.

Mary adressa un petit signe de tête avec un sourire aux enfants qui s'inclinèrent brièvement devant elle pour la saluer.

— Et voici mon aîné Gregor !

Mary tourna la tête et se retrouva paralysée quand des yeux d'un bleu polaire la transpercèrent.

— Mon père a bien de la chance. Vous êtes magnifique Mary Jamesina.

L'homme qui l'avait troublée à son arrivée dans la salle était le fils aîné de son fiancé ! Elle perdit brièvement contenance quand Grégor lui adressa un sourire ravageur avant de s'incliner sur sa main et l'effleurer de ses lèvres en une caresse lente. Elle tressaillit quand elle sentit furtivement sa langue lécher sa peau.

Lorsqu'il se redressa, il la fixa du regard en murmurant pour qu'elle soit seule à l'entendre :

— Je suis impatient de vous goûter ma belle.

**********

Et voici un chapitre qui risque de faire réagir les #TeamMariage et #TeamRebellion... Alors alors, comment se présente les choses pour Mary Jamesina ? 

Maintenant qu'elle a fait connaissance avec son fiancé... et sa famille, comment peut elle envisager la suite ? Que va-t-elle faire ? 

Que pensez vous de Fergus et de son fils Grégor ? 

Que vous inspirent-ils ?

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