Lane 6 mois plus tôt...

- Qu'est-ce que tu dirais d'aller au lac Tahoe ce weekend ? Je lui demande en caressant la courbe de son visage.

Ses pupilles se dilatent légèrement alors qu'elle me détaille, les lèvres entrouvertes.

- Mais... elle hésite, c'est à plusieurs heures d'ici.

Je rapproche mon corps du sien, nous sommes de nouveaux dans l'herbe au pied d'un énième arbre dont est doté cette immense forêt de l'Oregon.

- Et alors ? Je souris en haussant les épaules. J'en ai marre de te partager avec les autres. J'aimerais qu'on ne soit que toi et moi, au moins pour ce weekend. Tu ne le veux pas toi ? Je souris tout en parcourant son visage de mes doigts.

Je peux voir à la dilatation de ses pupilles et à l'accélération de son pou qu'elle est actuellement en train d'imaginer ce que se serai d'être seul, sans des dizaines d'oreilles extra sensible pour nous entourer et entendre le moindre gémissement.

- Hummm, elle marmonne en passant langoureusement l'une de ses jambes au-dessus de mon bassin, ça serait vraiment génial, elle accepte à califourchon sur moi.

Mes mains vont d'elles même se poser sur ses hanches, pour rapprocher son bassin du mien.

Pendant de nombreuses années notre relation a été tabou, car elle a presque cinq ans de plus que moi. Et lorsque j'en avait à peine quatorze, elle était déjà presque adulte, à dix-neuf ans. Pourtant aussi jeune que je puisse être à l'époque, j'étais déjà terriblement amoureux d'elle et je ne souhaitais qu'une chose : la faire mienne, de toutes les façons possibles.

Je la suivais partout lors de ses entrainements, de ses patrouilles, même si cela m'était interdit. Et je l'observais, je l'observais tout le temps. Je n'ai jamais vu une fille aussi belle, si douce et forte. Mes parents s'y sont d'abord farouchement opposés, considérant Kira comme leur propre fille ils ne pouvaient envisager de relation entre nous deux. Ils sont même aller jusqu'à jouer les entremetteurs avec d'autres personnes. Je crois qu'après avoir menacé différents prétendants de Kira ma mère a fini par comprendre. Et contre toute attente c'est Léo qui a fini par prendre notre défense. Ce loup qui semble me suivre comme mon ombre et attendre patiemment quelque chose de ma part. Il leur a rappelé à tous le rôle des protecteurs. Que si je voyais en elle ma partenaire elle devait accepter ce rôle avec honneur, qu'elle avait été créée pour moi. Je peux encore sentir le feu dans mes veines après ces paroles asservissantes à l'égard de la fille que j'aime. Je n'oublierai jamais non plus le regard de défie qu'il m'a lancé à ce moment. Je ne me considère pas comme un Atis et encore moins comme quelqu'un de supérieur. Jamais je ne l'obligerai à m'aimer ou à supporter mes assauts si ce n'est pas ce qu'elle désire. Mais fort heureusement ses sentiments étaient identiques aux miens et bien qu'une légère hésitation sur le plan sexuel ai été émise de sa part, à cause de mon jeune âge, nous ne nous sommes plus quittés depuis. Il faut dire que pour un môme de quatorze ans je toisais déjà presque un mètres soixante-dix à l'époque, ce qui était déjà plus que son mètres soixante-cinq.

Aujourd'hui j'envisage sérieusement de quitter la région et de fonder ma propre famille à l'écart de cette atmosphère pesante. Depuis l'attaque de nos ennemis et la mort de Cameron mes parents ne nous laissent plus circuler librement. En plus de ressentir chaque jour l'absence de mon mentor, je dois aussi supporter, alors même que l'élu de mon cœur ondule son bassin sur le mien, la désapprobation de Lucas et l'indifférence de Nick, qui sont chargés de nous surveiller aujourd'hui. Ils sont à une centaine de mètres de notre position. Comme si nous pouvions louper leurs présences. Rien que leur odeur empli mon nez. Je souffle de dépit et ferme les yeux, puis soulève Kira par les hanches pour la redéposer au sol. Je lui fais un petit sourire d'excuse, incapable de me retenir si elle continue à me torturer comme ça. Elle ricane et se recouche sur le dos en chantonnant à voix basse une vieille chanson française. Je me perds dans la contemplation de ses courbes, son jean qui moule ses hanches, le haut de son t-shirt qui remonte sur son ventre plat, ses lèvres si douces qui frémissent et laisse échapper sa voix limpide. Ses paupières sont closes alors que sa tête dodeline à la même cadence que ses doigts sur le sol de la forêt. Mon observation s'achève lorsqu'un bruit de branche cassée résonne plus loin, elle l'entend parfaitement, mais choisi de l'ignorer, alors que je me crispe et peste contre nos baby-sitter qui ne savent même pas se faire discrets.

Peu leur importe que Kira et moi sommes deux des meilleurs combattants, nous sommes les premiers à les avoir sur le dos et cela m'exaspère. Il ne me semble pas que Lysandre, les jumeaux ou Kenan fasse l'objet d'une telle surveillance. Pourtant ils sont moins entrainés et plus jeunes que nous.

Une légère caresse me fait rouvrir les yeux :

- Ils sont là pour te protéger, elle les défend.

- Nous protéger, je corrige en lui attrapant la main. Pourquoi tu t'exclue sans cesse de leur priorité ? Je râle en me relevant.

J'époussète mon jeans tandis qu'elle lève les yeux au ciel et quitte le sol également.

- Parce qu'au cas où tu ne le saurais pas, tu es un Atis, je suis liée à toi, tu entends, liée. Je dépends de toi et pas l'inverse.

- Arrête, tu sais très bien que tu ne me dois rien, j'assène avec colère.

- Quand bien même, je suis née pour te protéger, elle balaie ma remarque de la main et poursuit : eux ressentent tout autant ce besoin que moi. Tu auras beau le nier tant que tu le voudras, tu fais naitre en eux un besoin bien plus impérieux que les autres.

- Tu ne vas pas recom...

Je me fige et tourne la tête vers le Sud, fébrile. Elle m'imite aussitôt, les épaules tendues par la nervosité.

La haine envahit aussitôt mes veines lorsque je capte l'odeur d'une présence ennemie. Ça recommence. Aussitôt une cavalcade de pas précipité vient à notre rencontre. Nick et Lucas.

- Rentrez immédiatement chez vous Lane ! assène le premier en se mettant dos à nous, imité par Lucas, qui ne nous adresse pas un regard, concentré sur la menace. Lysandre est avec Emma, il semble se rassurer lui-même.

- Kenan, murmure Lucas en tournant la tête vers la gauche, Kenan ! Il hurle maintenant. Le petit con ! Il rage entre ses dents.

Sitôt après son corps d'homme laisse place au loup pour lancer l'alerte et ordonner par la même occasion à son fils de rentrer à la maison et se protéger.

Mon corps tremble, désormais j'entends parfaitement la charge de nos ennemis. Cette fois ci l'attaque semble essentiellement menée par des loups et pourtant leur odeur est étrangement similaire à celle des chasseurs. Kira semble noter la même chose puisqu'elle m'adresse un regard perplexe.

- Rentrez ! Ordonne de nouveaux Nick.

Personne ne semble avoir oublié que lors de la précédente attaque ils ont réussi à venir à bout de Cameron. La sécurité est donc de mise.

- On peut vous aider ! J'assure avec confiance.

- On peut vous être utile, rajoute Kira en avançant d'un pas.

- Qu'est-ce que vous n'avez pas compris dans rentrez ! Grogne-t-il en laissant le vert de ses yeux prendre le relais.

- Comment allez-vous les retenir à deux ? Elle lui fait calmement remarquer.

- Nous...

L'arrivée de trois loups supplémentaires lui coupent la parole, mes épaules se tendent et j'observe l'arrivée du couple de loups blanc et du protecteur.

- Rentrez, ordonne à l'unissons les voix de mes parents dans nos têtes.

Malgré moi mon menton se redresse dans une attitude de défis, alors que Kira baisse la tête. Je n'ai pas le temps de rétorquer quoi que ce soit, qu'elle attrape ma main et m'entraine déjà vers le nord, vers les maisons où nous attendent les autres afin de fortifier la deuxième ligne et protéger les plus faibles.

Je lance un dernier coup d'œil à mon père qui me fait signe de la tête de partir. J'acquiesce et me retire dans la forêt, laissant place à Elliott, Alex et aux membres de la meute de mon père qui viennent d'arriver.

- Dépêche-toi, me presse Kira en me tirant par la main.

Les bruits de cavalcades se rapprochent, faisant grincer mes mâchoires, je ne rêve que d'une chose : aller porter main forte à mes parents. Mais nous nous dirigeons de plus en plus vite vers les habitations, Kira en tête. Un boucan infernal nous indique que les premiers assaillants ont atteint mes parents. Aussitôt la volonté de leurs venir en aide, de défendre mon territoire me prend aux tripes et exige de moi que je fasse demi-tour pour me lancer dans la mêlée. J'oblige Kira à ralentir et me tourne vers les bruits de bataille. Elle se tourne vers moi surement dans le but de me convaincre de poursuivre le chemin, mais je ne l'entends pas. Une brève mais intense sensation s'est emparée de mon corps et me fige sur place oreilles dressées :

- Kenan... Je murmure en serrant plus fort les doigts de Kira. Un frisson d'effroi me traverse l'échine lorsque je devine sa présence tout prêt. Je le sens, j'explique en écarquillant les yeux, sa détresse, je précise.

- Merde, elle peste en ayant compris mon trouble. Viens, elle bifurque toujours main dans la main.

- Ils l'encerclent, j'enrage à présent.

Je ne sais pas comment je le sais, mais c'est comme si j'étais avec lui, face à tous ses loups. Impossible d'ignorer l'appel à l'aide qu'il semble lancer comme une balise de détresse dans le ciel.

- Suis-moi, j'ordonne en me précipitant vers lui.

- Nous devons rentrer, Lucas va...

- Ils vont l'avoir ! J'éructe.

Lucas est bien trop occupé à présent pour porter secours à son fils et pense certainement qu'il est sur le chemin du retour. Elle ne proteste plus et me suis activement. Nous accélérons, les branches fouettent nos peaux, mais nous ne ralentissons pas, habitués à parcourir cette forêt. Il est tout prêt, je sens son souffle, ses pates qui s'enfoncent dans la terre.

- Kenan... J'essaie de l'appeler malgré moi.

Enfin nous arrivons prêt de la falaise, il est presque acculé, des pierres tombent dans le ravin derrière lui, alors que son regard jaune croise le mien. Nous n'avons pas besoin de nous concerter Kira et moi pour savoir ce que nous allons faire. En un instant nous bondissons au-dessus des derniers buissons qui nous séparent de notre ami et atterrissons chacun sur le dos d'un loup. Je laisse place à mon alter ego aux poils noirs et yeux bleu nuit, alors qu'elle arbore cet étrange pelage presque totalement blanc à l'exception de la partie gauche de son visage qui est noire. Je note immédiatement ce qui cloche avec cette attaque. Nos adversaires, ces loups, ont tous les yeux rouges. Je repousse mon assaillant et m'assure que Kira a pu faire de même. Nous nous postons aux côtés de Kenan, qui ahane avec difficulté. Je repère de graves entailles sur son corps, tandis qu'il peine à se maintenir debout. Lui qui se montre si brillant en combat est déjà aux limites de son endurance. Bordel...

Un éclair de terreur venant de mes parents me transperce lorsqu'ils comprennent également que nous avons à faire à une meute d'alpha. Pourtant quelque chose cloche dans leur façon d'agir, car en plus du fait qu'une meute d'alpha serait incapable de ne pas se déchirer entre eux, ici ils semblent tous avoir la même consigne et aucun ne montre une volonté différente de celle des autres, ce qui est totalement impossible en tant qu'alpha, où l'instinct nous oblige à nous imposer.

J'adresse un coup d'œil à Kira à ma gauche et à Kenan sur ma droite qui se redresse sur ses pattes.

- Ils sont nombreux, observe Kira pour moi seul. Notre lien de protégé à protecteur nous permettant ce privilège. Il ne va pas tenir le coup, elle indique en parlant de Kenan.

Plusieurs loups se rapprochent déjà de nous, je gronde à leur encontre et retroussent les babines pour les dissuader. Ils ont un moment d'hésitation mais continuent leur avancée. Les poils de mon dos et de ma queue se hérissent face à la menace. Mon regard ne peut s'empêcher de s'attarder sur Kira qui se trouve également menacée.

- Je t'en prie reste derrière moi, je la supplie d'accepter.

Elle râle mais accepte de rester légèrement en retrait, sachant que cela me permet de me concentrer. Ils forment un arc de cerclent autour de nous, ils sont nombreux, je ne l'avais pas encore noté mais certains ont le pelage blanc. Merde... C'est quoi ces conneries. Est-ce qu'il s'agit d'Atis ? Pourquoi nous attaqueraient-ils ? Je secoue la tête et m'apprête à bondir quand deux loups gris prennent à revers nos adversaires et nous donne l'occasion d'attaquer. Bonnie et Clyde, les jumeaux. Leur rage alimente la mienne, la satisfaction de rendre justice à leur père ampli mes poumons d'un regain d'énergie, je saute sur le premier à ma portée, imité par ma louve. Kenan n'est pas en reste et attaque aussi vaillamment que possible. Ce n'est pas la première fois que nous tuons. L'année dernière nous aura au moins permis de nous endurcir. Malgré le pelage blanc de certains laissant supposer qu'ils seraient de purs Atis, je parviens à me débarrasser de deux d'entre eux. A nous cinq nous parvenons à rétablir l'équilibre des forces et parvenons rapidement à bout du dernier, mais il suffit d'une seconde d'inattention à Clyde aux prises avec son assaillant pour qu'il l'attrape à l'épaule et le secoue immédiatement.

- Clyde ! Je gronde.

Aussi impossible que cela puisse être pour de nombreuses raisons, le regard de Clyde transperce le mien suite à mon appel. Ses yeux jaunes aussi étonnés que les miens. Je reste abasourdi une fraction de seconde et me jette sur son assaillant pour refermer mes propres mâchoires autour de son cou. Sitôt après, sa nuque est brisée.

Clyde se relève et s'ébroue avant de me jeter un regard indéchiffrable. Je secoue la tête d'incompréhension et reste sur mes gardes à l'affut d'une autre attaque. Nous tendons tous l'oreille en observant les cadavres à nos pattes. Le combat mené par nos parents semble également avoir pris fin, aussi Bonnie estime qu'il est sûre de reprendre forme humaine.

- C'est quoi ce bordel, elle hurle en pointant du doigt un loup blanc.

Un coup d'œil à Kira me permet de me retransformer également.

- Aucune idée, je chuchote en m'accroupissant prêt d'une bête morte. J'attrape les poils de la nuque pour soulever la tête. Ils n'avaient pas l'aura d'Atis, mais l'allure, je remarque pour moi seul.

- Étrange, confirme Kira en prenant à son tour forme humaine.

Contrairement aux autres je n'arrive pas à faire abstraction de sa nudité et ne tolère guerre qu'elle se retransforme devant d'autres males. Un grondement sourd sort d'entre mes lèvres sans que je ne lui adresse un regard. Elle marmonne une insulte à propos des hommes possessifs et de l'émancipation de la femme tout en s'accroupissant à mes côtés. Je lève les yeux au ciel et lance un regard noir aux autres afin de les dissuader de poser les yeux sur elle.

- Ils ont tous les yeux rouges, elle me rappelle en soulevant une paupière.

- Pourtant ils n'avaient pas le comportement d'Alpha.

- Ni la force, elle poursuit.

- Parle pour toi, marmonne Clyde en se frottant l'épaule.

Son regard est de nouveaux braqué sur moi, tête penchée, il semble m'examiner. Je fronce les sourcils et détourne le regard en enveloppant les épaules de Kira.

- Rentrons, je propose à tout le monde.

Alors qu'ils acquiescent tous je me tends à l'approche de nouveaux sons. J'inspire l'air avant de me détendre :

- Tes parents, elle me sourit rassurée.

C'est là que je commets la plus grosse erreur de ma vie, en tournant le dos au danger pour la prendre dans mes bras et enfouir mon nez dans ses cheveux. Je tourne le dos au seul loup qui a agi différemment des autres et qui s'est caché dans l'attente d'une meilleure opportunité, opportunité que je viens de lui offrir.

J'ai à peine le temps de me retourner qu'il bondit directement sur moi, esquivant Kenan, qui ralentit par ses blessures, ne parvient pas à l'atteindre. Je sens aussitôt mon corps se retransformer pour accueillir l'impact dans ma peau de loup, mais j'ai beau être rapide dans ma transformation, quelqu'un a été plus rapide que moi :

- KiiRAAAAA !!! Je hurle alors qu'elle s'interpose dans sa peau d'humaine.

Mes mains dépourvus de griffes tentent de la retenir lorsque l'individu la happe, mais je n'attrape que du vent, le loup brun la percute de plein fouet. Des larmes semblent déjà déborder de mes yeux lorsque je prends conscient du fait que nous sommes trop prêts du précipice et que leurs deux corps vont passer par-dessus.

- Kira ! Hurle Bonnie à son tour.

Le premier impact est trop brutal pour le corps de mon bébé, qui se brise à plusieurs endroits sous le choc. Je n'entends que son souffle coupé avant qu'ils ne basculent dans le vide. Je me jette désespérément vers elle, prêt à me jeter dans le vide pour la retenir, mais deux mains m'empêchent de sauter à sa suite, me clouant au bord d'un placage. Je m'affaisse au sol sous le poids de mon assaillant, mes yeux rivés à ceux de ma bien aimée, bien trop loin pour que je ne puisse faire quoique ce soit.

- Lane... ses lèvres chuchotent.

Je ferme les yeux pour échapper au spectacle de son corps heurtant le sol du ravin.

Un terrible sanglot s'échappe de ma bouche, des larmes irréelles maculent mon visage alors que je suis paralysé en équilibre au bord du vide. Quelqu'un passe les bras sous mes aisselles pour me redresser. Léo, c'est Léo qui me retient.

Tout se floute devant mes yeux. Je tangue sur mes jambes et observe les alentours sans rien y voir. Des mains saisissent de nouveaux mes épaules pour m'encourager à me focaliser sur mon interlocuteur. Je hoquète et tourne les yeux vers lui.

- Elle voulait te protéger, il assène calmement comme si la femme que j'aime ne venait pas de se faire précipiter quarante mètres plus bas.

Je le regarde fixement, incapable de comprendre ce qu'il me dit.

- Elle t'a sauvé, il insiste presque fière d'elle.

Je cligne des yeux, ahurie par ses paroles, puis tout à coup une colère dévastatrice inonde mes sens.

- Lâche-moi ! Je hurle en lui balançant une droite qui l'oblige à s'éloigner la main sur la mâchoire.

A peine dégagé qu'un hurlement me déchire les tympans.

- Non !! Hurle ma mère. Mon père la retient, mais je ne vois que leurs mouvements flous, je suis à genoux, le visage baigner de larme, incapable de tenir debout sans mon ancre. Ma mère m'imite ainsi que plusieurs autres. Des pleurs résonnent dans la forêt.

- Non, non, non, je psalmodie en secouant la tête comme un enfant. Je n'arrive plus à respirer et n'aspire qu'à une chose, récupérer la femme de ma vie.

Je me redresse avec difficulté et rampe presque vers la falaise.

- Landon, murmure mon père, terrassé.

- Lane ! Pleure Bonnie.

- Je dois... je hoquète en pleurant... Je le dois ! Je pleure en poursuivant mon chemin. Elle n'est pas morte... Je refuse de le croire. C'est un loup ! Je continue pour moi-même. Elle ne peut pas mourir, je sanglote en arrivant enfin au bord.

Cette fois-ci personne n'a la force de m'arrêter. Je me laisse tomber pour m'accrocher aux roches. Ma descente est laborieuse et non sans heurts. Je tombe à plusieurs reprises sur quelques mètres, incapable de distinguer les pierres derrières mes yeux embués, mais je continue de descendre vers la femme que j'aime. D'autres personnes ont entrepris le même périple que moi mais je ne lève pas la tête pour vérifier. L'odeur du sang, de son sang monopolise toute mon attention. Lorsque j'arrive enfin au bas de la falaise je ne suis pas sûre d'avoir la force de faire face à ce qui m'attend. L'absence de battement de cœur ampli le silence et me terrorise. Mes mains tremblent tellement que cela secoue tout mon corps. Mais je le dois. Les muscles figés par la terreur, je me retourne lentement vers elle. De nouvelles larmes dévalent aussitôt mes joues et je tombe de nouveau à genou, tête baissée.

Je ne saurai décrire l'écho de ma tristesse sur les parois de la falaise, jusqu'à ce qu'une autre personne s'y joigne. Ma mère attrape ma main et la sert jusqu'à faire craquer mes os. Mon cœur se brise en même temps que mes yeux se pose sur le corps de Kira. Brisé. Abimé. La bête fautive se tient non loin d'elle, morte. Un élan de rage et de désespoir me traverse, me poussant à bondir dessus. Bien qu'il soit mort, je l'attrape à mains nu, mes griffes jaillissent malgré moi, pour le dépecer. Je me déchaine dessus, plongeant même la tête dans le tas de chair mole pour y planter les dents. Je ne contrôle plus ma rage et le dévore littéralement. Des sanglots derrière moi me sortent de ma frénésie, j'halète, la bouche pleine d'immondices et relâche la carcasse fumante. J'inspire par le nez pour endiguer cette vague de sauvagerie et essuie ma bouche du revers du poignet. Ma poitrine se soulève comme celle d'un animal blessé. Ma tête tourne jusqu'à ce que malheureusement mon regard se fixe sur l'objet de mon mal. Je n'ai plus d'yeux que pour Kira, cette femme que j'aime et qui ne respire plus. Comment le pourrait-elle, sa poitrine est transpercée par une épaisse branche de bois. Je trébuche à son chevet, mes mains tremblent au-dessus d'elle. Je ne sais comment agir, mon corps tout entier souhaite prendre le sien dans mes bras, mais cette chose qui jaillit horriblement de son torse m'en empêche. Je finis par lui attraper les épaules et la ramener vers moi, tachant de lui retirer cette chose. Le gémissement d'horreur de ma mère ne fait que redoubler mes efforts. Je ne veux plus que ce truc sorte d'elle. Mon dieu aidez-moi, je supplie.

- Lane, ma mère me supplie d'arrêter devant l'horreur de la situation.

Je fini par relâcher ses épaules et la redépose sur le sol rocheux, tremblant.

- Je suis tellement désolé, bébé. Reviens, je l'implore en collant ma joue à la sienne.

Je la sert désespérément dans mes bras, tandis que les sanglots de ma mère nous entoure.

Je prends son visage dans mes mains et essuie ses joues de ses larmes, avant de me rendre compte que ce sont mes propres larmes qui maculent son si beau visage d'ange. Une partie de mon cœur vient de disparaitre en même temps qu'elle. La douleur est insupportable, faites que ça s'arrête. Je bascule la tête en arrière et supplie le ciel de m'entendre. Je ne peux pas vivre sans elle. La douleur est insupportable, tuez-moi. Je veux que cela cesse.

A suivre...