Chapitre IX
J'attendais dans le tunnel, dans cette atmosphère toujours plus lourde de seconde en seconde, avec l'impression que j'allais étouffer parmi ce flot de blouses blanches tremblantes, qui semblait prêt à m'avaler. Je m'efforçais d'inspirer de grandes goulées d'air, et me tournait vers Cirsius, toujours dans son flegme habituel, excepté la lueur de haine dans son regard, minuscule certes, mais aussi dangereuse qu'une étincelle au dessus d'une bouteille de gaz. Il semblait dévisager la mutante aux yeux brumeux, qui essuyait la lame ensanglantée de son long sabre non loin de Panéris qui tremblait comme une feuille, le teint affreusement pâle, probablement encore choqué de la décapitation du scientifique.
Après ce qui me parut des heures - mais qui n'étaient probablement que quelques dizaines de minutes en réalité - le grand mutant à la peau noire fit irruption dans le tunnel. Au regard victorieux de son congénère aux cheveux de feu derrière lui, je devinais qu'ils avaient certainement atteint leur but. Les mutations génétiques se rassemblèrent et commencèrent à sortir à reculons, leurs armes toujours braquées sur nous, condamnant à une mort violente quiconque ferait le moindre mouvement déplacé. Dès qu'ils eurent disparus, nous sortîmes à notre tour, au dehors du Centre. À peine fûmes nous à l'extérieur que des hurlements terrorisés retentirent : accroché aux pâles encore tourbillonantes d'un hélicoptère pendait, rendu difforme par son funèbre manège, un corps vêtu d'un ensemble noir similaire à celui d'un militaire. Mais ce n'était que le prélude d'une scène encore plus macabre, car c'étaient des centaines de ces unités des Forces Armées qui jonchaient le sol, leurs armes inutilisées gisant plus loin. Les secours étaient probablement arrivés dès les premiers sons stridents de l'alarme, mais ils n'avaient pu intervenir, les mutations génétiques les ayant mis hors d'état de nuire à peine descendus.
Une telle vision aurait pu détruire n'importe qui, mais malgré la terreur qu'elle m'inspirait, un autre sentiment trouva sa place au fond de moi-même.
La colère.
Et un profond dégoût. Des centaines de personnes avaient trouvé la mort pour une simple clef. J'avais mal compris la haine de Cirsius à l'égard de ces créatures, mais maintenant, je prenais conscience qu'elles n'avaient plus rien d'humain depuis longtemps.
Les yeux humides, je suivis mon protecteur dont le résultat de la tuerie ne semblait pas avoir affecté, et accompagnés de quelques autres volontaires, nous nous rendîmes dans la salle 3 du bâtiment 6, dont la structure métallique de la porte vitrée pendait misérablement sur ses gonds, le verre étant répendus en milliers d'éclats tranchants au sol. La trappe du plafond avait subi le même sort, et la cloche à l'intérieur était bel et bien vide.
- Pourquoi prendre la peine de vérifier si la clef est toujours là, nous savons très bien qu'ils l'ont trouvée, avais-je demandé à Cirsius en chemin.
- La chose à laquelle cette clef permet l'accés est extrêmement dangereuse, c'est pourquoi une inutilisable a été fabriquée. Pour limiter les risques, cette copie ainsi que l'originale ont été déposées dans des cloches de verre et dispersées dans tout le Centre. Uniquement les scientifiques les plus haut placés sont au courant de cette manoeuvre, et officiellement, l'emplacement de la clef est celui qu'à donné Panéris. Mais personne n'aurait eu l'imprudence de cacher l'originale ici, sinon ce procédé n'aurait servi à rien, m'avait-il répondu.
- Donc vous pensez qu'ils ont la copie ? Mais dans ce cas pourquoi retourner ici ?
- Je doute que le mutant dirigeant l'opération ait été berné aussi facilement. Je suis maintenant certain qu'il a un rang notable au sein de l'armée de l'Aléan Doré, et ce dernier n'aurait jamais prit le risque de donner les rennes d'une opération aussi importante à n'importe qui.
- Il aurait été capable de discerner la vraie de la fausse ? Mais comment ?
- Les deux clefs sont en tous points identiques, excepté l'une des encoches de l'extrémité, qui permet ou non d'ouvrir la serrure. Quelqu'un ayant étudié avec précision la serrure du Bunker aurait pu la reconnaître, difficilement, mais pour un oeil expérimenté, ça pourrait être possible. Mais c'est la cloche de verre qui les contient qui m'intérresse. Celle contenant l'originale a un fond de siglinite, une matière conçue pour réagir au contact du sang, ce qui n'est pas le cas de la cloche contenant la fausse clef.
Nous étions à présents penchés au dessus de la cloche brisée, extraite de sa cache au plafond. Cirsius s'entailla le poignet avec un des éclats de verre et une goute écarlate alla s'écraser comme au ralenti sur le fond de la cloche.
C'était l'instant de vérité. Mon protecteur ne m'avait pas dit avec précision quelle était cette "chose extrêmement dangereuse" que contenait ce fameux Bunker, mais vu les précautions réalisées par les hauts scientifiques, mieux vallait que l'Aléan Doré n'y parvienne pas.
La petite tache rouge créeait un contraste saisissant avec le blanc immaculé du fond, tel une rose ayant miraculeusement poussé dans la neige.
Du moins jusqu'à ce que cette neige prenne une couleur aubergine profonde.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top