La nuit commençait à tomber et l'air se faisait plus froid. Mostès n'avait cessé d'avancer durant un jour et une nuit entière. Avancer vers où ? Il ne le savait pas encore, mais il voulait pour l'instant s'éloigner le plus possible de Clairecombe, la ville qui l'avait hébergé durant cinq ans. Ayant quitté la Confrérie des Ombres alors qu'il avait prêté serment de la servir toute sa vie, Mostès devait fuir et prendre garde aux membres de la Confrérie très sûrement lancés à sa recherche. Il espérait seulement que ses amis Dovol, Nohan et Jisty ne seraient pas accusés injustement de complot ou de trahison.

Le jeune homme était exténué par les longues heures sans repos qu'il avait vécues. Il décida de s'offrir une chambre dans une auberge pour la nuit. Après tout, ses amis lui avaient généreusement donné des sous, et un peu de confort ne lui ferait pas de mal.

Mostès entreprit alors de chercher une petite auberge où il pourrait passer une nuit convenable. Il se trouvait au beau milieu de champs cultivés, et aucun bâtiment ne se dressait à l'horizon. Il ne baissa pas les bras et continua de marcher. Il n'avait pas mangé depuis une journée, et avec les efforts physiques qu'il avait fournis, la faim commençait à tirailler son estomac.

Après avoir contourner une petite colline, le jeune homme aperçut une maison éclairée de l'intérieur. Il se dirigea en trottinant vers elle, faisant un immense effort pour son corps déjà exténué. Arrivé devant la porte, Mostès abattit trois fois son poing sur le bois. Quelques instants plus tard, un homme d'un âge avancé vint lui ouvrir. Sa barbe grisonnait et lui donnait un aspect négligé.

- C'est pour quoi ?

- J'aimerais un abri pour la nuit, et aussi de quoi manger. Je peux payer.

Mostès sortit en même temps quelques pièces de sa bourse. Il avait eu le bon réflexe de ne pas montrer tout l'argent qu'il possédait, personne n'est à l'abri d'un vol. L'homme barbu ouvrit la porte en plus grand pour laisser entrer le jeune homme à l'intérieur. Soulagé, celui-ci ne se fit pas prier pour pénétrer dans la modeste maison, bien au chaud.

L'homme le guida vers une seconde porte, située à l'arrière de la pièce, et le fit entrer. C'était en réalité une grange, contenant le foin nécessaire pour nourrir les bœufs.

- Je n'ai que ça à te proposer, marmonna l'homme barbu.

- C'est parfait, merci, assura Mostès. Et pour...

- Je vais t'apporter les restes du repas, le coupa l'homme.

Le jeune homme acquiesça sans un mot et l'homme repartit de sa démarche traînante. Mostès se laissa alors tomber dans le foin et rebondit confortablement. Il allait passé une bonne nuit, il en était certain. Toutefois, il était inquiet que quelqu'un vienne le voler pendant son sommeil. De toute façon, il ne pourrait rien faire.

La porte s'ouvrit brusquement et l'homme barbu entra sans ménagement. Il déposa une assiette remplie d'une étrange bouillie et un verre d'eau à même le sol et disparut aussi vite qu'il était arrivé. Mostès n'eut pas le temps de le remercier. Le jeune homme s'approcha de l'assiette et renifla le contenu, méfiant. Le tout avait un aspect peu ragoûtant, mais il n'allait tout de même pas se laisser mourir de faim. Il entreprit alors de manger son repas, qui n'avait finalement aucun goût.

En même temps, Mostès sortit d'une de ses nombreuses poches sa carte, celle que Dovol, Nohan et Jisty lui avait offerte pour sa quinzième année. Il la déplia et l'observa attentivement, la bouche pleine.

Le continent sur lequel se trouvait le jeune homme s'appelait Sienenda. Un second continent était dessiné sur la carte à l'ouest, mais seulement un début de contours grossiers était visible. Il s'agissait d'Imagos, un continent très peu connu et porteur de nombreuses légendes. Rares étaient les personnes ayant mis le pied sur Imagos et étant revenus, et encore plus rares étaient les personnes qui croyaient ce qu'ils racontaient. Son nom reflétait bien la question que tous se posait : ce continent était-il bien réel ? Pour Mostès, il n'y avait aucun doute possible et cette pensée faisait naître en lui bien des rêves.

Sienenda était contrôlé par quatre grandes familles, dont celle royale. Elles s'entendaient à merveille et gouvernaient le continent d'un commun accord. Même si le Roi dominait l'entièreté de Sienenda, il était plus présent dans l'Est du continent, là où se situait son palais et également la ville de Clairecombe.

D'après ce que savait Mostès, chaque famille possédait un palais principal où elle résidait la plupart du temps et qui abritait une prison. Issia devait sûrement se trouver dans une prison, mais laquelle ? Mostès s'était souvenu que sa sœur l'avait un jour soigné d'un simple regard lorsqu'il s'était blessé. Elle avait le don de guérir, et ses yeux gris confirmaient le fait qu'elle était une Alchimiste, comme son frère. C'était d'ailleurs probablement la raison pour laquelle elle avait été enlevée par le Roi. Où une personne capable de soigner des blessures serait la plus utile ? Près d'un champ de bataille, sans aucun doute. Mais où y avait-il une guerre en ce moment ? Nulle part à la connaissance de Mostès. Et où d'autres guerres s'étaient déroulées quelques années auparavant ? Nulle part. Sienenda n'avait pas connu de bataille depuis bien longtemps puisque les quatre familles gouvernaient d'un commun accord.

Mostès se prit la tête entre les mains. Que pouvait-il faire ? Il avait pris la décision de quitter ses amis et sa Confrérie, mais il n'avait pas vraiment réfléchi à la suite. Il ne voyait en réalité qu'une solution : aller de l'est au sud et du nord à l'ouest afin de chercher dans les quatre prisons principales où se trouvait Issia. La tâche serait peut-être longue et laborieuse, mais le jeune homme était prêt à tout tenter, quoiqu'il en coûte.

Il observa quelques minutes les routes et chemins qui s'entrecroisaient sur la carte avant de décider de rester hors des voies empruntées, du moins pour un temps. Inutile de risquer de se faire attraper par les soldats, et surtout par la Confrérie des Ombres. C'était ce pour quoi le jeune homme avait le plus d'appréhension. Les Ombres devaient le traquée activement, de peur que le jeune homme ne divulgue des informations. Peu de gens pouvaient échapper à la Confrérie des Ombres une fois celle-ci lancée à leurs trousses. Mais Mostès n'avait pas le choix, et il devait désormais tout faire pour rester en vie.

Il passa ses grandes mains sur son visage. C'était sûr, demain, il partait vers le Sud. Cela aurait été plus simple de commencer par l'Est, là où se trouvait actuellement le jeune homme, mais il ne pouvait risquer de rester plus longtemps dans les environs. Trop de monde le recherchait. Sa destination était donc le Sud, le palais principal de la famille Caly. Avec chance, il y trouverait sa sœur saine et sauve. Cette pensée lui serra la gorge et il déglutît difficilement.

Il se reprit très vite et finit de regarder la carte. Après le Sud, il irait chez la famille Seong, à l'Ouest, puis au Nord sous la domination de la famille Rualone. Il finirait par l'Est. Il espérait qu'avec le temps, il pourrait remettre les pieds à Clairecombe sans se faire assaillir de soldats. Si toutefois il revenait. Mais il avait une promesse à tenir, faite à Dovol : retrouver ses amis en étant sain et sauf.

Mostès mangea rapidement ce qu'il restait de sa bouillie et s'allongea dans le foin. Il pensait à sa sœur, comme tous les soirs. Il se demandait aussi comment il parviendrait à infiltrer les palais, lui, jeune homme de dix-sept ans. Mais après tout, il n'était pas comme les autres. Il était un Alchimiste.

Le lendemain, Mostès se réveilla à l'aube. Personne n'avait dérobé ses affaires. En quittant la grange, quelques minutes plus tard, il laissa sur le sol trois pièces de bronze. Pour une fois, il ne partait pas comme un voleur. 

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Bonjour à tous !

Ce chapitre m'a pris pas mal de temps à écrire, même s'il n'y a pas beaucoup d'action. Rassurez-vous, le prochain chapitre sera plus palpitant ! C'est seulement que ce chapitre est essentiel pour l'histoire ^^

Merci beaucoup pour vos lectures et vos votes !

Bonne lecture et bonne écriture !