Chapitre 4

Depuis maintenant plus d'une année, Mostès s'entraînait de manière acharnée en tant qu'apprenti de la Confrérie des Ombres.

Sa volonté n'avait pas faibli, et il n'avait en aucun cas oublié la raison pour laquelle il se battait chaque jour. Ses quatorze ans révolus, l'anniversaire de sa quinzième année approchait, mais pourtant, ce n'était pas ce qu'il attendait avec impatience.

Certes, Mostès pensait à son anniversaire, mais il pensait également à celui de sa sœur jumelle Issia. Il s'imaginait les meilleurs et les pires scénarios, puis repoussait de son esprit les plus sombres d'entre eux. Il était un inconditionnel optimiste, et sûrement rien ne pourrait changer cela.

Ce que le jeune homme attendait chaque jour, c'était sa nomination en tant que membre de la Confrérie. Il avait atteint un très bon niveau rapidement, ce qui épatait la plupart des membres. Mostès allait être désigné comme membre à part entière de la Confrérie des Ombres, à son plus grand bonheur.

Jamais quelqu'un n'était parvenu à intégrer entièrement la Confrérie aussi rapidement. Devenir une Ombre en si peu de temps relevait du mythe. Et pourtant, Mostès, plein de détermination, allait en devenir une dans quelques heures, la veille de l'anniversaire de sa quinzième année.

Le choix de sa branche avait été la seule difficulté qu'il avait rencontrée. Il s'était entraîné avec Dovol en tant que Voleur, mais également en temps qu'Assassin et que Veilleur avec Jisty et Nohan. Le jeune homme avait longuement hésité, et c'était vers la branche des Voleurs qu'il souhaitait se tourner, au grand désespoir de Jisty.

Mostès n'avait jamais désiré être Assassin. Bien qu'il ait désormais tué de nombreuses fois, il souhaitait utiliser la cruauté seulement en cas de nécessité. Bien qu'être Veilleur lui aurait plu, le jeune homme s'était découvert des aptitudes dans le vol et estimait que devenir Voleur l'aiderait pour se débrouiller seul.

Ainsi, sa décision était prise, et malgré son choix, ses trois amis étaient fiers de lui. Jamais un membre de la Confrérie n'avait suivi d'entraînement aussi complet en si peu de temps.

Mostès était assis sur le lit de sa petite chambre, les yeux fermés. La Confrérie des Ombres n'avait pas changé de lieu d'habitation depuis maintenant un an et le jeune homme avait conservé sa modeste chambre avec bonheur. Il repensait désormais à tout ce qui s'était déroulé depuis l'enlèvement de sa sœur jumelle. Ses mois d'apprentissage, ses amitiés tissées. Bientôt, il serait plus proche de son objectif que jamais. En devenant officiellement une Ombre, le jeune homme s'assurait un entraînement parfait et de grandes chances de pouvoir sauver sa sœur.

La Confrérie avait comme projet de se dresser contre les forces royales pour renverser le pouvoir en place. Mostès était convaincu que sa sœur se trouvait chez le Roi, ou du moins dans l'un de ses palais. Le jeune homme se souvenait parfaitement du symbole qu'il avait décelé sur l'uniforme des soldats qui avaient enlevé sa sœur : un soleil blanc entrecroisé de deux épées argentées. Le symbole des soldats royaux, ou plus précisément de la Garde Rapprochée royale.

Mostès avait appris énormément de choses en une année sur le monde qui l'entourait. Dovol lui avait aussi appris à lire, à écrire et à compter, et Nohan s'était chargé de lui apprendre tout ce qui touchait à la politique. Le jeune homme, doté d'une bonne mémoire et d'un bel esprit de déduction, était ainsi devenu plus cultivé et plus malin.

Trois petits coups contre sa porte de bois lui fit ouvrir les yeux à sortir de ses pensées. Il s'écria :

- Entre !

Le visage de Jisty apparut dans l'encadrement de la porte, un grand sourire accroché à ses lèvres.

- Ça y est mon grand ! s'exclama l'Assassin, tout excité. C'est le grand jour !

Mostès sauta agilement hors de son lit et se contorsionna pour arriver jusqu'à la porte. Le jeune homme avait beaucoup grandi et faisait maintenant presque la même taille que son ami, déjà grand.

- Je suis près, annonça Mostès en se glissant hors de sa chambre.

Les deux amis se dirigèrent vers une petite salle reculée tout en discutant.

- Pas trop stressé ? s'enquit Jisty.

- Un peu, admit le jeune homme. Mais après tout, tous les membres doivent passer par là.

- Et tu ne veux toujours pas changer d'avis ? Il n'est pas trop tard pour que tu deviennes Assassin, tu sais...

- Oui, je suis sûr, rit Mostès. Tu es vraiment têtu !

- C'est toi qui est obstiné ! s'offusqua faussement Jisty. Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu persistes à vouloir devenir Voleur !

Ils rirent de bon cœur, puis arrivèrent finalement. La salle était petite et humide, comme la plupart dans cet endroit, et abritait déjà plusieurs personnes. Un homme grand plutôt bien habillé se tenait bien droit, tandis que des membres de la Confrérie étaient assis çà et là ou se tenaient contre des murs.

Dovol et Nohan étaient présents, arborant un sourire jusqu'aux oreilles. D'autres amis de Mostès étaient également là, qu'ils soient Voleurs, Assassins ou Veilleurs. Les membres de la Confrérie sympathisaient rarement avec les personnes des autres branches, mais le jeune homme, sociable, avait fait l'unanimité.

Mostès s'avança au centre de la pièce d'une démarche qu'il voulait assurée. L'homme debout au centre de la pièce lui fit signe de se placer à genoux devant lui. Le jeune homme s'exécuta.

La cérémonie débuta alors dans le plus grand sérieux.

- Moi, Jehor Mins, représentant en ce jour du Chef de la Confrérie des Ombres, je m'apprête à commencer la cérémonie en tant que nominateur et témoin.

Mostès se tenait extrêmement droit, voulant être irréprochable lors de ce jour important. Le grand homme, prénommé Jehor, continua :

- Présente-toi.

- Mon nom est Mostès, affirma le jeune homme d'un ton calme. Je suis âgé de bientôt quinze années et j'ai intégré la Confrérie depuis plus d'une année.

Le jeune homme avait répété ces paroles des dizaines de fois avec Nohan. Le Veilleur s'était chargé de le préparer le mieux possible à cette cérémonie qui changerait probablement sa vie.

- Mostès, clama Jehor Mins, tu seras dans quelques instants membre de la Confrérie des Ombres. Quelle branche veux-tu intégrer ?

- Je veux être Voleur, dit le jeune homme d'un ton affirmé.

- Bien. Que ton maître s'avance.

Dovol se dirigea alors d'un pas lent vers le centre de la petite pièce. Nohan et Jisty restaient en retrait pour suivre les conventions, mais Mostès savait que ses trois amis avaient tous participé à sa formation. Il leur en était vraiment reconnaissant.

- Présente-toi, ordonna Jehor.

- Mon nom est Dovol, et je ne compte plus les années durant lesquelles j'ai servi la Confrérie des Ombres, dit simplement le Voleur.

Jehor fronça légèrement les sourcils, puis continua :

- Confirmes-tu que ton élève a les capacités pour rentrer au sein de la Confrérie ?

- Oui, affirma Dovol en jetant un coup d'œil à Mostès, toujours à genoux.

- Tu prends ainsi l'entière responsabilité des actions, bonnes ou mauvaises, qu'effectuera Mostès au long de sa vie, informa Jehor.

- J'en suis parfaitement conscient, rétorqua le Voleur, sûr de lui.

- Tu peux disposer, indiqua Jehor à Dovol, qui s'exécuta lentement.

L'homme qui présidait la cérémonie se tourna vers Mostès, qui se trouvait toujours à genoux, et le questionna solennellement :

- Es-tu prêt à servir la Confrérie des Ombres durant toute ton existence, quoiqu'il advienne ?

- Oui, je suis prêt, confirma Mostès.

- Fais-en alors la promesse, ordonna Jehor Mins.

- Je promets de servir la Confrérie des Ombres tout au long de ma vie, répéta calmement le jeune homme.

- Bien, la cérémonie touche à sa fin. Il reste seulement une chose.

Mostès savait pertinemment de quoi il s'agissait ; il avait préparé ce moment depuis longtemps. Maintenant, un membre de la Confrérie allait lui graver un dessin sur la peau. Le jeune homme se dirigea vers le fond de la pièce, où l'attendait un homme munit de divers instruments.

- Assieds-toi là, lui intima-t-il en lui désignant un petit tabouret.

Les membres de la Confrérie présents lors de la cérémonie s'était approchés, et les trois amis proches de Mostès avaient l'air très heureux.

- Ne bouge surtout pas, ordonna l'homme au jeune homme.

Mostès sentit alors, sur son épaule, un liquide froid se déposer. L'homme dessinait à l'encre noir un motif. Il prit ensuite un marteau et un objet pointu recouvert d'encre. Il positionna la pointe de l'outil contre la peau du jeune homme, et tapa doucement l'extrémité avec le marteau, de manière à insérer l'encre sous la peau.

Mostès serra les dents, ne s'attendant pas à cette douleur. Puis, il pensa à autre chose pour se détacher de la sensation désagréable qui émanait de son épaule. Ses pensées se tournèrent vers sa sœur, Issia. Il se demandait si elle serait fière de lui, ou si au contraire, elle serait terrifiée de voir ce qu'il était devenu.

La douleur s'arrêta et Mostès tourna la tête. Il regarda son épaule droite et ce qu'il vit le remplit de fierté. Une simple lune noire était dessinée, accompagnée d'une petite étoile un peu plus haut. Le symbole de la Confrérie des Ombres. Le jeune homme ne pouvait plus faire demi-tour, il faisait désormais partie de la Confrérie, à son plus grand bonheur.

La journée s'était déroulée dans la joie et le soir était doucement arrivé. Mostès était attablé en compagnie de Jisty, Nohan et Dovol dans la salle principale. L'heure était aux réjouissances pour les quatre amis : Mostès venait d'être nommé membre de la Confrérie des Ombres, et la veille même de son anniversaire.

Le jeune homme était heureux, mais un poids pesait sur son cœur. Il pensait à sa sœur jumelle, qui aurait elle aussi quinze ans le lendemain. Mais son anniversaire sera sûrement un jour banal pour elle, probablement seule.

- Mostès ! l'interpela Jisty. Tu rêves ?

- Excuse-moi, se reprit le concerné. Je vous écoute.

- On s'était dit que fêter ton anniversaire aujourd'hui plutôt que demain serait une bonne idée puisque c'est déjà un grand jour, proposa Nohan, un sourire aux lèvres.

- Comment ça, fêter mon anniversaire ? questionna Mostès, suspicieux.

- Oh, rien de spécial, feignit Jisty qui n'arrivait plus à contenir son excitation.

- Seulement... , commença Dovol. En t'offrant quelques cadeaux !

À ces paroles, les trois amis brandirent trois cadeaux dissimulés auparavant sous la table.

- Dites-moi que je rêve, souffla Mostès, éberlué.

Les trois complices éclatèrent de rire et s'exclamèrent en cœur :

- Joyeux anniversaire !

Un grand sourire éclaira le visage de Mostès. Il ne s'attendait pas à une telle surprise de la part de ses amis. Il crut que sol cœur allait exploser de bonheur.

- Merci, chuchota le jeune homme, ému. Merci milles fois...

- Ouvre tes cadeaux maintenant ! le pressa Jisty, impatient.

- On dirait que tu es encore plus excité que moi ! rit Mostès.

Celui-ci prit les trois cadeaux que lui tendaient ses amis. Ils étaient emballés d'un simple tissu fin. Mostès entreprit de découvrir le premier objet. Il retira délicatement le tissu et vit alors un vêtement plié proprement. Il le déplia et remarqua que l'habit n'était autre qu'une grande cape d'un gris foncé. Le jeune homme laissa un grand sourire apparaître sur ses lèvres fines.

- Elle est magnifique ! s'exclama-t-il.

- De la même couleur que tes yeux, informa Nohan.

- Pour cacher tes yeux, ajouta Dovol. Ce n'est vraiment pas une couleur habituelle, et il vaut mieux ne pas se faire remarquer ces temps-ci.

- Vous avez raison, acquiesça Mostès.

Le jeune homme se mît debout et plaça sa cape sur ses épaules. Elle lui arrivait au niveau des chevilles et une capuche lui permettait de se couvrir la tête.

- Elle est un peu grande, remarqua Dovol. Mais je pense que tu n'as pas fini de grandir.

- Elle t'ira à merveille ! lança Jisty. Et si tu ouvrais tes autres cadeaux ?

Ils rirent tous ensembles et Mostès s'exécuta. Sans même le déballer, il sut que le deuxième cadeau était un arme. Il enleva tout de même le tissu et découvrit alors une superbe épée. Il la prit délicatement dans ses mains, bouche bée.

La lame de l'épée était très légèrement recourbée. Fine et légère, elle était extrêmement maniable. Sur un côté de la lame, des motifs étaient gravés ainsi qu'un M. Les yeux de Mostès parcoururent l'épée du regard, et tombèrent sur trois petites lettres gravées juste au dessus de pommeau : D, N et J. Le sourire du jeune homme s'élargissait au fur et à mesure de ses découvertes. Le pommeau était recouvert de cuir et offrait un prise optimale de l'épée.

- Cette épée est... parfaite ! souffla Mostès, un nœud dans la gorge.

- Je suis d'accord ! s'exclama Jisty, très heureux que le cadeau plaise à son ami.

Le jeune homme resta silencieux un moment, trop ému pour parler, puis ajouta en désignant les initiales gravées :

- Et vous n'avez pas pu vous empêcher de vous rajouter, n'est-ce pas ?

Tous rirent et Dovol lança :

- Tu croyais que tu allais te débarrasser de nous comme ça ?

- On sera partout avec toi, sourit Nohan, chaleureux.

- C'est moi qui en ai eu l'idée ! répliqua Jisty, fier.

- Et c'est lui qui a trouvé l'épée, ajouta le Veilleur avec un sourire.

- Qu'il est génial ce Jisty ! s'exclama Mostès.

- C'est bon, monsieur a reçu assez de compliments ? s'enquit Dovol, le regard rieur.

- Non, encore s'il vous plaît ! réclama l'Assassin. J'aime tellement lorsqu'on prend en considération ma grandeur !

Un fou rire irrépressible gagna les quatre amis. Une fois calmés, ils essuyèrent leurs larmes et Mostès saisit le dernier cadeau, le plus petit. Il le déballa délicatement et y trouva un morceau de papier. Il l'ouvrit avec précaution et comprit qu'il s'agissait d'une carte. Il y avait dessus les deux continents, les différents royaumes et de nombreuses routes et chemins.

- On a pensé qu'elle te servirait un jour, expliqua Nohan.

- Tout le monde a une carte, renchérit Jisty. Même moi qui déteste pourtant la géographie !

- Je suis certain qu'elle me sera utile, sourit Mostès, reconnaissant.

- Eh bien voilà, j'espère que tu n'as pas trop été déçu de tes cadeaux, champion, conclut Dovol avec un clin d'œil.

- Tu rigoles ! répliqua le concerné. Je n'ai jamais rien reçu d'aussi valeureux !

Mostès voulait dire à ses amis tout ce qu'il avait sur le cœur, tout l'amour qu'il avait pour eux, ainsi que toute sa reconnaissance. Mais il n'y arrivait pas, du moins pas entièrement. Il n'arrivait pas à se livrer, et pourtant, il fit un effort surhumain pour prononcer ces paroles :

- J'espère que vous savez que je ne serais rien sans vous.

- Ah ça oui on le sait ! sourit Jisty.

Derrière le ton rieur de l'Assassin, Mostès perçut de la sincérité et une grande amitié. Il échangea un regard avec ses autres amis et découvrit avec bonheur la même étincelle chaleureuse et aimante.

Le jeune homme se trouvait à espérer que cette amitié soit sa nouvelle famille. Il n'oubliait toutefois pas l'absence de sa sœur qui le tiraillait à chaque instant. Il souhaitait seulement, de tout son cœur, que le prochain anniversaire qu'il passerait serait en compagnie de sa sœur Issia. 

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