𝓒𝓱𝓪𝓹. 𝟏 : Désert
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« Si tu continues, je t'enterre dans le sable. »
Ochaco Uraraka était certainement la jeune femme la plus attentionnée du royaume. De par sa gentillesse innée et son empathie débordante, elle était en effet capable de créer autour d'elle – et souvent sans le prévoir – une bulle d'émotions apaisantes.
Il fallait également souligner qu'elle paniquait peu, habituée à sentir l'aura du danger imminent au-dessus de sa jolie tête châtain. À l'instar de Tenya Iida, son frère de cœur, elle parvenait à dénouer efficacement les situations les plus complexes – toujours avec sensibilité.
« Ne sois pas méchante, mon ange! Cette expression colérique te sied si peu! »
La simple présence de la vampiresse Himiko Toga à ses côtés suffisait néanmoins à réduire sa patience à néant.
« Tu sais que tu n'es pas obligée de jacasser sans arrêt, n'est-ce pas? Tu peux aussi profiter du paysage. »
« Oh, c'est donc ce que tu fais quand tes beaux yeux s'égarent dans la tempête? »
« Il n'y a pas de tempête, Himiko. »
« Certes, mais ça ne répond pas à ma question. »
« Je réfléchis à un moyen de me débarrasser de toi sans risquer d'y perdre la vie. »
Le regard malicieux de la blonde se plissa tandis qu'elle éclatait de rire – un tel éclat que sa longue crinière émergea de sa capuche, celle-ci glissant vers l'arrière. La mage d'air s'empressa de l'ajuster en grommelant, soucieuse malgré elle de préserver la peau pâle de sa compagne de voyage, particulièrement perméable aux rayons solaires du désert.
Dès leur départ du manoir, elles s'étaient aperçues du peu qu'elles avaient en commun. Leurs caractères et leurs valeurs paraissaient si différents, leurs buts respectifs si contradictoires, que les bases de leur relation s'étaient déjà avérées dangereusement fragiles.
Himiko aimait l'humour noir et grinçant, parlait beaucoup trop de son passé, et semblait prendre leur mission à la rigolade. Quant à Ochaco, qui mettait un point d'honneur à se montrer réconfortante, elle rechignait à s'attarder sur les années ayant suivi le meurtre de ses parents : elle préférait se servir de ses souvenirs malheureux comme d'une source d'énergie secrète.
Leurs deux époques étaient sans doute trop éloignées pour qu'elles soient en mesure de s'accorder...
Et pourtant, il existait entre elles une alchimie étrange, qu'aucune n'avait tenté de s'expliquer. Elles étaient conscientes de la proximité recherchée malgré elles par leurs corps, non seulement à cause de la morsure de Himiko, mais aussi de leurs... hormones? L'élixir d'immortalité qui coulait dans les veines des vampires rendait difficile l'élaboration d'une théorie solide.
Ce dont Ochaco était sûre, c'était qu'elle se sentait irrémédiablement attirée par son ennemie. Une buveuse de sang au mental brisé, qui l'avait contaminée de ses crocs empreints d'addiction.
« Garde tes forces. » reprit Himiko une fois son fou rire essoufflé. « Nous arrivons bientôt aux ruines. »
En effet, la pierre de lune pendant à son cou brillait de plus en plus, signe qu'un Temple des temps anciens les attendait non loin. Cette relique, plus fiable qu'une étoile nordique, les avait guidées au travers de l'infini désert Juzo, situé à l'est du royaume. Selon la maîtresse Toga en titre, il s'agissait donc sans aucun doute possible du chemin menant à l'espace sacré où la déesse Ryukyu avait demandé aux humains de construire son édifice.
La mage d'air commençait à fatiguer. Cela faisait des jours qu'elle utilisait ses pouvoirs sans discontinuer, leur permettant à toutes deux de ne pas s'enfoncer dans le sable. Elle s'était fixé pour objectif de réduire leurs poids respectifs, revisitant ainsi les exercices imposés par Katsuki Bakugo au cours de leur voyage dans la Vallée.
Ce que ses amis lui manquaient... Elle ne regrettait pas sa décision, mais elle ne pouvait empêcher sa poitrine de se serrer dès que leurs visages traversaient ses pensées.
À nouveau saisie d'une vague d'inquiétude, elle pinça avec force les longues manches de sa tunique et, refusant d'affronter le jugement de Himiko, se retrancha davantage dans le refuge de sa capuche. Elle avait du mal à respirer, terrifiée à l'idée que ses proches soient à jamais captifs du dôme entourant le manoir... Qu'adviendrait-il du royaume si tel était le cas?
« Ton rythme cardiaque s'accélère. » constata soudain la vampiresse.
Étrangement, sa voix s'était adoucie.
Ochaco l'ignorait, mais elle aussi désirait ardemment sauver ces terres : elle l'avait clairement fait comprendre à l'Élu lors de leur altercation. Néanmoins, les années passées au sein de la prison de son enfance avaient fini par créer en elle une sorte de personnalité annexe – censée la protéger de ses propres craintes.
Le fait qu'elle paraisse aborder les pires situations avec légèreté ne représentait absolument pas la peur intense qui sévissait en permanence dans son organisme. C'était pour elle un moyen de défense nécessaire à la préservation de sa santé mentale détraquée.
« Arrête d'écouter mon cœur. » la somma alors la mortelle.
Seul le vent chaud les entourait, accentuant d'un son à peine perceptible la force de ses mots. Elles comprirent, sans avoir à le relever, qu'un double sens s'y cachait.
« Je ne peux pas empêcher mon ouïe de fonctionner, tu sais. »
« Tu es venue pour m'aider à retrouver les reliques, pas me proposer un examen médical. »
« Tu veux que j'aille à l'encontre de mes instincts? »
« Je veux que tu te contentes d'avancer. Inutile de faire semblant, d'accord? »
La blonde baissa la tête, toute envie de plaisanter évanouie.
Comment pouvait-elle lui en tenir rigueur? Elle avait commis un crime en la mordant pendant son sommeil, ni plus ni moins. Une fois de plus, elle avait agi en monstre avide de compagnie plutôt qu'en héritière d'une famille vampirique clémente. Si son père était encore de ce monde, il l'aurait sûrement regardée d'un très mauvais œil...
Déçu de sa fille unique.
« C'est faux. » chuchota-t-elle. « Je suis désolée de ne pas être–... »
« Nous y sommes. » l'interrompit Ochaco.
Face à elles s'élevaient en effet des colonnes aux moulures dorées rongées par le temps. Certaines s'étaient effondrées, à présent enterrées sous une quantité impressionnante de sable. À cause de la touffeur qui déformait le décor, les deux femmes n'avaient même pas repéré par avance ces reliefs à l'allure si... banale.
Au creux des clavicules de Himiko, la pierre de lune brillait à un point tel qu'elle en blessait presque ses rétines surnaturelles.
« Je dois reconnaître que c'est assez... différent. » remarqua-t-elle en passant outre sa déception. « Ce qu'on voit ici ne représente pas le quart de ce qui s'y dressait jadis. »
« Selon certains livres, Ryukyu est une déesse très fière... Je suppose que l'ampleur de l'édifice d'origine était autrement plus... exceptionnelle? »
Tandis qu'elle déambulait dans les ruines, l'aînée fit appel à de lointaines réminiscences.
Quand les croisades religieuses avaient débuté, elle avait vingt-quatre ans et donc déjà été transformée par son géniteur. Pour autant, le sortilège d'amnésie jeté par Shigaraki en 802 avait altéré une part importante de sa mémoire.
Malgré l'élixir d'éternité qui parcourait ses veines, son cerveau inhumain en avait été abîmé – n'en déplaise à ses congénères menteurs qui se targuaient de se souvenir de tout. La haine du tyran n'avait épargné personne, hormis les dragons des îles volcaniques.
« Avant, ce Temple était le plus riche des quatre. » commença-t-elle.
Elle s'accroupit, puis effleura l'une des pierres brisées en détaillant avec peine les quelques gravures visibles. Elles racontaient une légende divine millénaire que seuls les vénérables reptiles connaissaient encore entièrement. Elle, elle ne parvenait plus à se souvenir de la fin...
« Ryukyu y avait fait ériger une statue immense à son effigie, en or massif et sertie de joyaux. Je te l'accorde, c'était d'un cliché aberrant. Mais, aussi improbable que cela puisse paraître, il s'agit du premier métal forgé lors de la création du monde par ses flammes divines. »
Himiko se releva et revint à Ochaco.
« Cet endroit était un véritable paradis. Les prêtres qui y officiaient souriaient constamment, juste... heureux de la servir. Les colonnes s'élevaient jusqu'aux nuages, et entouraient des aires d'ombres au centre des zones de prière. Une oasis magnifique avait même été conçue par le Dieu Sylvestre et Selkie! »
Parler de ce bonheur éteint était bien plus dur qu'elle ne l'aurait pensé. Le rictus qu'elle tenta d'esquisser pour brouiller son émoi fut un échec cuisant.
« Les quelques oracles désignés qui y venaient en pèlerinage en repartaient avec une force mentale ravivée. Pour eux, elle réussissait à mettre de côté sa hargne... Elle s'efforçait d'aider ses protégés à prendre soin du royaume, à lui octroyer une paix durable et saine. »
Ochaco ne pipa mot, alarmée par la détresse évidente de sa camarade. Elle comprenait peu à peu son besoin de s'exprimer sur les aspects les plus joyeux de son passé. C'était la seule époque apte à lui faire ressentir quelque chose de positif.
Une nécessité, pour une personne aussi perturbée qu'elle.
« C'était mon Temple préféré. La chaleur était épouvantable, mais la gaieté qui y régnait faisait rayonner le visage de Papa. Il était plus beau que le soleil, quand il souriait. Il savait qu'ici, nous ne risquions rien... »
« À part d'être brûlés. » osa la mage d'air en s'approchant.
« Oui. » acquiesça l'autre, amusée. « La faute à notre épiderme de mort-vivant, sans doute. »
« Et si tu me racontais vos séjours, le temps qu'on monte la tente? »
L'étincelle qui traversa ses iris ambrés la convainquit qu'il s'agissait là de la meilleure proposition possible.
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Les jours ayant suivi leur fuite du manoir avaient été plutôt chargés.
En quête du matériel nécessaire à leur escapade en plein cagnard, les deux femmes avaient fait halte dans de minuscules bourgades à proximité. Rares étaient celles disposant encore de boutiques, ce qui rendit leurs recherches bien plus complexes que prévu.
De plus, la curiosité affamée de Himiko n'avait cessé de creuser leur retard : telle une enfant, elle s'était arrêtée de si nombreuses fois qu'Ochaco avait renoncé à les compter! Elle s'était même laissée prendre au jeu, endossant le rôle improvisé de professeure.
Ce ne fut qu'au bout d'une semaine qu'elles purent enfin se mettre en route vers le désert Juzo : affublées de longues tuniques à capuche, chargées de vivres, et désormais possesseuses d'une tente miteuse, qu'un marchand avait accepté de leur céder suite à l'intervention des charmes de la vampiresse.
Ochaco n'en était pas fière mais, si elles souhaitaient réussir, il leur faudrait mettre toutes les chances de leur côté.
Puis la perspective de mourir ensevelie sous les sables ne lui disait trop rien.
« Que mon souffle me porte. »
Grâce à sa résonance avec la relique, elle avait été en mesure de les téléporter à nouveau au point transmis par Himiko. Elle avait sottement espéré atterrir pile au bon endroit...
Les sacrés sélectionnés lors de la construction des Temples ne pouvaient cependant être atteints qu'à la suite d'une longue marche prouvant la dévotion des croyants. Celui du feu était le plus difficilement accessible des quatre, de par son éloignement géographique des régions-clés du royaume.
Clairement, elles n'avaient pas choisi la facilité.
C'est ce que ruminait d'ailleurs la mage en s'éveillant le lendemain de leur arrivée. Elle émergea de la tente, courbaturée à cause de ce fichu matelas fin auquel elle n'était pas prête de s'habituer. Grommelant, elle entama une série d'étirements face à l'aube, soucieuse de conserver la forme physique que Katsuki l'avait aidée à atteindre.
« Bien dormi? » l'interrogea Himiko, installée sur le tapis posé près du foyer toujours allumé.
« Tu sais que non. »
« Difficile de se tromper en entendant tes râles... »
La mortelle leva les yeux au ciel, puis la rejoignit afin de prendre un petit-déjeuner frugal – la chaleur ayant tendance à lui couper l'appétit.
« Et ton sang, comment va-t-il? »
La demande impromptue acheva de la dégoûter de sa nourriture, qu'elle s'obstina pourtant à ingurgiter : hors de question qu'elle s'évanouisse d'hypoglycémie!
« Je n'ai pas besoin de toi pour l'instant. » lâcha-t-elle avant de boire quelques gorgées d'eau.
« Mes crocs restent à votre disposition, dame Uraraka. »
Celle-ci ne répondit pas et, sans attendre davantage, se leva.
« Je vous rappelle que nous avons du travail, dame Toga. Bougez-vous avant que je ne vous propulse sur la lune. »
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J'aimerais pouvoir te dire que je serai plus régulière à l'avenir, mais je préfère être honnête : je suis rentrée à l'université hier (reprise d'études à 27 ans, aaaah 🤯) et je risque donc de ne plus avoir le temps d'écrire aussi souvent... 😔
Cependant, pas de panique : je vais m'efforcer de poster au minimum un chapitre toutes les deux semaines! Merci d'avance pour ta patience 💜
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