Chapitre 1

Il fallait absolument que j'aille à la librairie aujourd'hui ! Je devais acheter le nouveau roman de Minnie Jone et faire un article dessus d'ici jeudi. Sachant que nous étions lundi, je n'avais vraiment plus beaucoup de temps... Seulement ma librairie habituelle est fermée le lundi et je ne pouvais absolument pas me permettre d'attendre le lendemain pour aller acheter le livre. Je savais qu'il y avait une librairie de l'autre côté de mon quartier. Je devais mettre une dizaine de minutes pour y aller, je ne perdais donc pas trop de temps. 

Je mis mon long manteau en cuir et j'enfilai une paire de bottes avant de sortir. J'attrapai mon écharpe au vol car la neige commençait à tomber dehors. Je fermai soigneusement la porte avant de dévaler les escaliers de l'immeuble. Une fois dehors je me rendis compte que les flocons tourbillonnaient à pleine allure. Je me hâtais au travers des ruelles, saluant au passage les commerçants et les mères de famille qui revenaient de l'école avec leur progéniture. Il est vrai qu'en tant que journaliste, j'étais assez connue dans le quartier. Soudain je réalisai que les lampadaires venaient de s'allumer. Je me dis que j'avais vraiment la poisse. J'aurais du sortir bien plus tôt dans la journée ! 

Après une dizaine de minutes de marche, je m'engouffrai dans la boutique, couverte de neige. Je claquai la porte pour empêcher le vent de faire entrer les flocons qui tremperaient le sol de la librairie. Lorsque j'enlevai mon cache-nez, je me mis à parcourir des yeux la pièce. Des montagnes de livres, comme dans les librairies d'antan, couvraient les murs. L'odeur des livres poussiéreux qui attendaient depuis des siècles m'envahit les narines et les couleurs brunes, rouges ou bleues des reliures de cuir me réchauffèrent le cœur. Cette boutique  était tout ce que j'aime, le plaisir des livres à l'état brut, sans fioritures mais chaleureux. 

Je m'avançai doucement vers les étalages quand un monsieur surgit soudain du fond de la pièce. Ses cheveux gris et sa peau ridée témoignaient des années passées entre les rayonnages. De petites lunettes et une chemise à carreaux rapiécée faisait de lui le parfait bouquiniste. Il descendit de l'échelle grâce à laquelle il accourait le haut des rayonnages et me jaugea par dessus ses lunettes en disant : 

- "Bonjour Madame, quel bon vent vous amène ? Les jeunes femmes sont rares dans des boutiques comme la mienne de nos jours." 

J'avais effectivement conscience que je ne serais pas entrée dans cette boutique sans ce concours de circonstances. Internet était beaucoup plus intéressant pour la plupart des jeunes personnes de notre monde qu'une librairie où les odeurs de poussière et de papier humide s'entremêlent avec celles du bois et d'une lampe à huile. Il fronça les sourcils, m'arrachant ainsi à mes réflexions. Je lui répondis alors :

-"Bonjour Monsieur, il est vrai que je suis une habituée des librairies même si la vôtre m'était inconnue jusqu'alors. Je suis à la recherche du dernier roman de Minnie Jone, la Terre de pierres."

Ses yeux, pétillants jusqu'alors, s'assombrirent à ma demande. Le vieil homme espérait en effet que j'étais venue pour un des vieux livres qu'il aimait tant et qui peuplaient sa boutique. Il se retourna et partit d'un petit pas vers le fond de sa boutique. Il en revint avec le petit livre et me le tendis en me demandant 12 euros. Je lui tendis pièces et billets et le remerciai poliment. Je remis mon écharpe et ressortis au milieu de la nuit. La neige fouettait mes joues et mes pieds s'enfonçaient dans la poudre blanche. Au bout de quelques dizaines de mètres, je m'arrêtai et me dit que je ne pouvais pas acheter seulement ce livre. Je repris alors la direction de la librairie, bien décidée à acheter un ouvrage à la couverture de cuir et à l'odeur de papier poussiéreux. 

Je poussai la porte et laissai une immense silhouette vêtue d'une cape et d'un capuchon noire sortir de la boutique. Elle me bouscula violement mais, trop pressée de me mettre à l'abri, je ne relevai pas. Lorsque j'entrai, quelque chose avait changé. J'étais incapable de dire quoi mais l'atmosphère semblait lourde et pesante. Je vis alors une tache sombre au pied des étagères. Je m'avançais et vis le libraire étendu sur le sol au pied de son échelle, au milieu d'autres taches sombres. Je poussai un cri et m'approchai. Je vis avec soulagement qu'il était seulement évanoui. Il semblait évident qu'il avait chuté de son échelle et que la silhouette qui m'avait bousculé savait peut-être des choses sur l'accident. 

Je pris la décision de prévenir les secours en premier. Je composai le numéro sur mon téléphone et donnai toutes les informations aux pompiers. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent et prirent en charge le pauvre homme évanoui. Je me retrouvai alors seule dans la boutique. Je m'assis alors sur les marches qui permettaient de monter à l'étage de la librairie pour réfléchir. Soudain, je sus ce que je devais faire. 

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