Prologue

      Le vieil homme porta un regard sur ses petits-enfants alors que dehors il menaçait de pleuvoir. Leur mère, autoritaire et stricte, leur interdisait de jouer sous la pluie. Elle avait raison, pensait-il souvent même s'il jugeait que sa fille était un peu trop sévère avec ses enfants. Les gamins prirent place dans le salon sur deux vieux fauteuils en face d'une télé toute aussi vieille. Des cadres en bois décoraient les photos des membres de cette famille et la joie semblait ne jamais quitter les mûrs de cette maison. L'atmosphère devenait de plus en plus lugubre malgré l'ampoule qui pendouillait au-dessus de leurs têtes grâce à un câble. Le vieillard s'installa sur un des vieux canapés avant de saisir son journal. À Kinshasa, au Congo, lorsque le ciel annonçait l'orage, la réception des chaînes ne fonctionnait pas très bien. Ainsi, les images se brouillaient et cela décourageait bien vite les enfants. Alors le vieil homme, devant leurs airs attristés, referma son journal et lança :

– Ramenez-vous bande de sales mioches !

      Les enfants étaient habitués à cette appellation. Ils étaient à sept dont trois adolescents, deux morveuses et encore deux autres plus petits. Ils avaient tous des traits similaires à leur grand père. Des visages noirs, des cheveux crépus coiffés en épaisses tignasses pour les plus jeunes. Les trois ados avaient, quant à eux,  des cheveux coiffés en dégradés pour mieux se conformer à la mode de leur génération. Les filles, elles, arboraient de jolies tresses, certaines colorées qui leur arrivaient jusqu'aux reins. Le vieillard était fier de sa descendance et il ne cessait jamais de le dire à sa ravissante fille. Malheur à leur père qui avait osé les abandonner quelques années auparavant. Ces petits enfants, du moins les plus jeunes, le regardaient avec une petite idée derrières leurs têtes sur ce qu'il allait dire. Ils étaient embêtants certes mais bon dieu qu'est-ce qu'ils étaient adorables. Il ne pouvait donc pas rester impassible devant leur ennuie.

– Je vais vous raconter une histoire, annonça-t-il en constatant les visages radieux de ses petits enfants. Il referma son journal et le posa sur la table basse en face de lui. Autour de lui, ses enfants étaient assis en tailleur et les plus jeunes étaient tous excités d'entendre le récit de leurs grands-pères. Elles se faisaient de plus en plus rares les histoires de papy, ils sautèrent donc sur l'occasion.

– Ouais ! s'exclama un des gosses, une histoire avec des chevaliers ?

– Non ! je sais, proposa sa petite-fille aux tresses roses, cendrillon ? Hein, s'il te plait papy, raconte nous cendrillon.

– Chevaliers, insista le garçon.

      Voyant qu'ils allaient encore devoir assister à des histoires d'enfants, les plus vieux se levèrent et prirent la direction de leurs chambres. Mais s'arrêtèrent presque aussitôt à l'annonce du vieux.

– Vous pouvez rester, déclara le vieil homme. Je n'ai pas l'attention de vous raconter l'histoire d'une de vos héroïnes à la peau blanche et aux cheveux blonds...rien en rapport à toutes vos conneries que vous regardez devant vos écrans. Derrière la porte de la cuisine, la mère des enfants adressa un regard noir au vieillard pour les gros mots qu'il venait de proférer. Ce dernier s'excusa face au regard de braise de sa fille. Elle a vraiment hérité de sa mère, se dit-il dans sa tête.

– Bien, donc l'histoire que je vais vous raconter s'est déroulé il y a très longtemps. Ici, en Afrique...

******

      C'était un non lieu qu'était le monde des dieux. Un endroit où règnent les divinités. Ces êtres cosmiques étaient regroupés en factions ou royaumes et se partageaient le monde divin qui s'étendait à l'infini. Des édifices gigantesques jouant avec des proportions inimaginables et exagérées se dressaient dans les contrées mystiques du monde divin. Les architectures étaient variées selon les royaumes. L'immensité de leur orgueil se manifestait par la grandeur de leurs créations et rien ne laissait croire qu'ils pourraient être un jour rassasiés de cette mégalomanie divine. Chacune des factions avait un dieu créateur qui avait participé à la création du monde. Et l'un d'eux, Olodumare, se languissait de ses privilèges en tant que l'un des rois suprêmes du royaume des Orishas. Ces dieux avaient le contrôle de la majorité de l'Afrique. Portion du monde pour laquelle les divinités se sont longtemps fait la guerre jusqu'à un commun accord. C'était un dieu chic et fier, et il était toujours vêtu de blanc, symbole de pureté. Son animosité infinie semblait éclairer l'univers et son rire faisait trembler le monde des hommes. Ses larmes arrosaient l'Afrique, continent de la richesse. Il ne manquait jamais de s'en vanter auprès des dieux des royaumes des autres régions.

      Olodumare restait dans sa gigantesque salle de méditation, remplie d'objets qui étincelaient de mille feux. Sur des étagères en bois de Baobab se trouvaient des trophées étranges à l'honneur de sa participation à la création du monde. Une grande partie des objets qu'il possédait, éclairer la salle de méditation. Il disait que cela l'aidait à se concentrer dans sa recherche de la perfection spirituelle. Un stade qui une fois atteint, procurait une jouissance incontrôlable pour le dieu. Les portes, grandement ouvertes, laissaient voir l'univers infini et juste devant lui l'Afrique sur toute son intégralité. Ses habits en tissus blancs étaient tellement longs qu'ils recouvraient le sol entier de la pièce. Quelqu'un toqua à sa porte, il ne fut pas surpris de voir le visage d'Ellegua, le dieu messager. Il était paré d'un collier d'argent et des pierres d'obsidiennes s'y incrustaient. Le dieu avait également sur son chef un chapeau fait en crâne d'antilope avec des rameaux s'entortillant sur lesquelles étaient accrochés des gris-gris et des coquillages pendouillant par des cordelettes. Un tissu rouge sang cousu dans du cuir noir lui servait à couvrir le bas de son corps. Son torse était scarifié et couvert de peintures blanches contrastant avec sa peau noir.

– Ô mon Seigneur, veuillez bien m'excusez d'avoir interrompu votre méditation, cependant une réponse du seigneur Olokun m'a été envoyé et c'est avec un réel plaisir que je vous la fais parvenir.

– Bien, poursuis donc mon très cher Ellegua, ordonna-t-il en lui souriant.

– Son honorable seigneur des mers souhaiterait prolonger la durée de sa mission en Grèce afin de seconder le seigneur Poséidon dans sa lutte contre les Titans.

– Fichtre, toujours ces fanfarons d'olympiens ! Lorsqu'il s'agit de se faire assister, il ne manque jamais une occasion mais quand nous, Orishas, auront besoin d'eux en retour, nous entendrons que les chants de leurs maudites sirènes. Bien, qu'il reste donc et qu'il me prévienne de son arrivée. Nous festoierons à ce moment de joie.

     Ellegua s'inclina avant de se retirer de la salle du dieu. Lorsqu'il parcourut le couloir du palais des trois rois suprême il tomba nez-à-nez avec Eshu, le dieu de la discorde et de la tromperie. Il semblait profondément concentré dans la contemplation de ces énormes statues à l'effigie des dieux orishas qui longeaient les murs. Elles étaient soit en obsidienne, en or ou en argent. Ellegua le vit dérober une plus petite avant de la glisser dans la poche de sa longue tunique en tissu rouge et noir, avant de s'arrêter net devant le regard accusateur du dieu messager, Eshu lui jeta un regard sournois. Il coiffait son chef d'un joli chapeau noir et rouge également comme le reste de ses habits.

– Comment vas-tu, mon cher Ellegua ? Demanda le malin tout en sachant que le dieu messager ne l'appréciait guère, comme la plupart des dieux Orishas. Pourrais-tu m'apporter dans mes quartiers de quoi me remplir la panse ?

– Je suis un messager et non un serviteur, lui répondit le dieu vexé de cette demande...et puis de toute façon si vous voulez vraiment vous faire plaisir de quelques mets, Il vous suffit tout simplement de faire apparaître une niche de pain bien garnie, espèce de paresseux !

– Je suis au courant, petit insolent faiblard, mais ce serait beaucoup plus jouissif de te voir dandiner avec un plateau remplis d'avocats, soumet toi à moi Ellegua afin de me donner l'occasion de rigoler un peu. Ce qui est rare dans ce palais ennuyeux. En rétorquant cela, le dieu de la discorde coupa le passage au messager et ce dernier baissa la tête. Sa faiblesse était visible et puis en même temps que pouvait faire ce pauvre Ellegua face à la puissance de persuasion du dieu malin. Eshu sourit devant la faiblesse de sa victime et lorsqu'il retourna dans ses quartiers il fut ravi d'y découvrir à coté de son amante, un panier remplis de fruits succulents avec du pain de mil.

      Il s'approcha de Yemoja, sa douce et tendre amante envers qui il éprouvait un amour profond. Elle ne portait qu'un léger tissu violet qui couvrait uniquement le bas de son corps. Les yeux d'Eshu lorgnèrent sur sa poitrine généreuse dont les tétons étaient entourés de paillettes dorées, mais le corps de son amante n'était rien en comparaison de son visage d'ébène parfaitement lisse et resplendissant. Ses yeux noirs obsidiennes étaient tellement profonds et hypnotisant que le malin s'y perdait. Ses cheveux tressés en deux nattes noires et violets retombaient derrière elle dans le bas du dos. La déesse de l'eau était parfaitement au courant des sentiments qu'avait Eshu envers elle. Mais elle feignait l'ignorance. Ses lèvres rencontrèrent les siennes et leurs corps se rapprochèrent. La chaleur qui naissait entre eux était toujours aussi ardente et passionnante. La déesse le poussa sur son lit avant de se lancer dans un excitant ébat avec le dieu malin.

      Leurs activités étaient très fréquentes et discrètes. Mais Eshu était naïf, le comble pour un dieu de la tromperie. Alors qu'il croyait avoir Yemoja rien que pour lui, il fut surpris de ne pas la retrouver un soir dans sa couchette comme à son habitude. Il ne lui en voulut pas mais quelques jours plus tard, il l'a surprise au moment où elle pénétrait dans les quartiers d'Olodumare. La jalousie lui monta au nez. Il se précipita donc vers la porte du roi suprême et l'ouvrit.

      La scène lui fendit le cœur. Gênée, Yemoja ramassa un pan de la longue tenue d'Olodumare pour couvrir sa nudité.

– Mais que fais-tu là, mon cher Eshu. Demanda à la fois gêné et énervé. Ce dernier ne savait pas que le dieu de la discorde avait des ébats passionnés avec la même concubine que lui. Mais cela ne suffit pas à le calmer, alors il envoya un sort de cécité en direction des deux divinités. Eshu retira un poignard de sa ceinture et l'enfonça dans le cœur de son amante après avoir réduit la distance qui les séparait.

– Je t'aimais...lui dit-il simplement en tenant sa tête entre ses mains, tandis que son corps glisser lentement sur le sol.

      Alors qu'il s'apprêtait à poignarder le dieu aveugle qui venait de s'écrouler, une lance perfora le corps d'Eshu. Mais son cœur resta intact. Eshu s'écroula et s'évanouit juste après avoir aperçu le visage froid et terrifiant d'Ogun, le dieu de la guerre qui venait de le neutraliser.

Note d'auteur. 

J'espère que ce prologue vous a plu. Si c'est le cas n'hésitez pas à me laisser un commentaire et un vote. 

Cette partie ne semble pas très prometteur, je l'avoue mais il sert simplement à introduire une scène qui va entraîner à son tour une succession d'événements importants dans la suite de l'histoire.

on se retrouve dans le premier chapitre. 

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