Chapitre 8.1: Les sentiments d'Amir

       Dans le palais, il existait une salle de bain commune creusée à même la roche et grâce à un système d'irrigation, l'eau y coulait continuellement. Le bain était chauffé grâce à une couche de pierres magiques, contrôlée par l'animiste minéral à la charge des lieux. C'était là que Saban faisait quotidiennement sa toilette. L'amertume au ventre, il faisait des bulles avec sa bouche en ressassant les paroles du dieu de la guerre qui tournaient en boucles dans sa tête, quand son ami entra dans la salle. À cause de la vapeur, le berbère ne vit pas tout de suite Saban.

– Oh je ne t'avais pas vu, déclara-t-il en croisant enfin son regard, je ne savais pas que tu venais également profiter des bains de minuits. Amir se déshabilla avec hâte puis se jeta dans le bain, provoquant ainsi une vague qui submergea le prince. Lorsque la tête de ce dernier ressortit de l'eau, il regarda vaguement son ami puis recommença à faire des bulles sans se soucier de lui.

– Mais qu'y a-t-il ? demanda Amir en penchant sa tête sur le côté pour évacuer l'eau de ses oreilles, t'as perdu la joie de vivre apparemment.

– Je suis trop faible, murmura enfin le prince en posant l'arrière de sa tête contre le rebord du bain.

– Dit l'homme qui a vaincu Bida, le dieu-serpent.

– On sait tous les deux que je n'étais pas conscient de ce que je faisais, insista Saban en fermant les yeux, il a fallut que je positionne ma lance correctement pour que je m'en sorte indemne. Je m'étais déjà résolu à mourir, j'étais prêt à vous laisser tous les deux tomber. Je me dégoûte.

– Espèce d'imbécile ! s'indigna Amir en lui jetant un regard furieux, cesse de te concentrer sur la façon dont tu t'y es pris. Pense plutôt aux faits, tu as su puiser en toi une force inouïe pour vaincre Bida. C'est un exploit, Saban, reconnaîs-le !

– Si tu le dis, souffla péniblement le prince qui n'était toujours pas persuadé, au moins pour toi tout semble bien se passer, tu vis ta meilleure vie avec Aja. Tu ne te soucies de rien.

      Saban ne reçut aucune réponse, il rouvrit les yeux et vit son ami le regarder sans rien dire. Amir semblait déçu par ses paroles.

– Tout ne tournes pas qu'autour de toi, mon pauvre et malheureux Saban, répliqua sèchement le berbère qui s'apprêtait à sortir du bain.

– Qu'est-ce qui t'arrives ? Demanda le prince, intrigué par sa réaction.

– Tu penses que je n'ai aucun souci, moi ? Désolé de casser ton moment de mélancolie mais il se trouve que j'ai moi aussi mes problèmes !

– Des problèmes plus graves que les miens ? Demanda Saban en le suivant des yeux. Mais, outré, Amir lui jeta un regard noir. Il était furieux apparemment, remarqua le prince.

– Excuses-moi, mon prince ! Répondit, sarcastiquement, son ami, mais crois-tu vraiment que j'ignore tout ce qui se passe ? Même si je suis d'une religion qui ignore le fait que tu sois un dieu, je suis quand-même conscient que tu es un être extraordinaire. Et je sais qu'Aja est de la même nature que toi.

       Le berbère soupira en s'essuyant dans sa serviette, puis continua en soutenant le regard de son ami qui l'observait, à présent, avec un air perplexe.

– J'ai juste la soudaine impression d'être un élément inutile avec tout ce qui se passe actuellement ! Aja et toi, vous vivrez bien plus de vies que j'en aurai jamais l'occasion. Et cela m'attriste, car je disparaitrai. Tandis que vous, vous continuerez à vivre, peut-être même que vous m'oublierez. Je n'ai ni pouvoir comme Aja, ni force surhumaine comme toi. je n'ai pas une destinée héroïque, je suis le prince d'aucun royaume et je n'accomplirai aucune conquête de toute ma vie. S'il doit y avoir un être inutile dans ce palais, c'est moi. Mais, malgré ça, tu continue à te lamenter comme si tu vivais la pire des situations ! N'aie pas un esprit de perdant, mon frère ! Si seulement tu savais comme j'aimerais être à ta place.

      Sur ces mots, Amir finit de s'essuyer et sortit de la salle en laissant Saban bouche-bée. Le prince ne s'était pas rendu compte de ce que pouvait ressentir son meilleur ami. Il se sentit encore plus mal à cette idée, mais une fois le bain fini, il prit de nouvelles résolutions.

      Le lendemain matin, il alla en direction de la hutte où se trouvait Ellegua. Il aura droit à son premier cours d'Animisme émotionnel. Le prince se demandait à quoi cela pouvait bien servir, il entra en signalant sa présence puis aperçu le dieu assis sur une chaise. Sa hutte était une des plus grandes de la commune royale. De nombreux objets décoraient le lieu de leurs couleurs resplendissantes, des gris-gris étaient posés sur sa table. Des livres remplissaient les étagères ainsi que des parchemins et des tablettes. Ellegua le regarda tranquillement, un sourire traversa son visage et d'un geste de la tête, il l'invita à s'asseoir près de lui.

      Saban s'installa sur un tabouret. Il ne su pas soutenir le regard lourd d'Ellegua alors il baissa la tête. Ce dernier éclata de rire et lança finalement à Saban :

– Sais-tu que ton père et moi, nous nous détestions il y a de cela fort longtemps ?

– Non je n'en savais rien, il ne m'a jamais parlé des dieux orishas. Lui répondit le jeune homme en relevant la tête.

– Oui, et quand il s'est enfui du monde des dieux, j'ai été obligé de le remplacer dans ses fonctions. J'avais pris possession de ses quartiers, donc de ses affaires. c'est là que j'ai trouvé tous ses livres relatant des histoires qu'il avait autrefois vécu lors de ses visites dans ce bas monde. Il indiqua les fameux ouvrages du père de Saban. Ce dernier les regarda à peine, très peu intéressé.

– Ils pourront t'être utiles un de ces jours, dit alors le dieu. Mais soit, si je te parle de ça c'est qu'en lisant ses livres j'ai su que mon prédécesseur était très astucieux, il avait écrit toutes ses connaissances dans l'art de l'animisme émotionnelle, je m'y suis forgé une nouvelle identité grâce à ça.

– En quoi consiste l'animisme émotionnel ? Demanda Saban.

– C'est un art qui vise d'abord le contrôle de ses émotions, le développement de sa spiritualité.

– Est-ce vraiment un art ?

– Je vois que tu doutes, déclara Ellegua en souriant, je te comprends. L'animisme est très simple à comprendre mais si tu demeures dans sa partie flegmatique, rien de ce que tu y apprendras te sera utile. Sans perdre plus de temps, commençons dès à présent.

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