Chapitre 7.1: Animisme
Saban para de justesse l'épée de bois qui plongeait sur ses côtes. Le dieu de la guerre, Ogun, lui donnait du fil à retordre. Chacune de ses attaques étaient portées stratégiquement afin d'affaiblir le prince, sans le laisser le temps de répondre. Ogun était bien trop rapide, cela faisait une semaine que Saban suait face à lui sans jamais le toucher, sans même l'ombre d'une occasion d'attaquer.
Le prince ne pouvait que parer et esquiver, mais encore là il s'agissait d'être rapide.
– Tu es trop lent, lui disait tout simplement le dieu lors du repas, Boro t'aurait écrasé en quelques secondes. Il est beaucoup plus rapide, et lui par contre, il sait anticiper mes attaques, je n'ai jamais vu un dieu aussi nul que toi.
Ils se trouvaient dans les jardins en compagnie des trois autres dieux ainsi qu'Amir et Aja. Le jeune berbère s'esclaffa entre deux bouchées de riz et de poulet, mais le regard noir de Saban le coupa sec.
– Ne t'en fais pas, le rassura Orula avec un sourire tendre, tu t'amélioreras bien plus vite que tu ne le crois.
Saban l'aimait bien, il était complètement différent d'Ogun. Le dieu de la guerre était trop froid, il manquait de tact et était, apparemment, incapable de motiver un disciple. Ogun passait son temps à le critiquer et à le rabaisser en le traitant d'invalide ou d'incompétent, il était comme dépourvue d'empathie. Mais il était très proche avec Olokun, le dieu des mers. Les entraînements avec ce dernier étaient très calme, avait constaté Saban. Le Seigneur des mers le faisait méditer au bord du Niger, le but était de se concentrer sur l'écoulement de l'eau et de trouver un équilibre psychique, comme il dit. Cet équilibre qui lui permettra de maîtriser l'art animisme de l'eau.
– Je ne pensais pas que tout ceci serait aussi éprouvant, souffla le prince en regardant Amir et Aja tout près l'un de l'autre. Le meilleur ami de Saban prenait également part aux entraînements, il voulait apprendre comme lui. Aja, quant à elle, ne trouvait aucun intérêt au combat. Elle connaissait déjà l'art animisme de l'eau et préférait donc apprendre les arts divinatoires qu'apprenait Saban auprès d'Orula.
– C'est la raison pour laquelle j'aurais souhaité que tu viennes avec nous à l'académie...mais ton père, hélas, s'y est opposé. Expliqua Ellegua. Tu devras donc évoluer plus vite que quiconque car tu as beaucoup de retard par rapport à ton frère. Il a eu le temps de se préparer durant des siècles.
– Je sais, soupira le prince. Il avala sa dernière bouchée et quitta la table qui se trouvait au milieu de la cours.
Les jours suivants, il se remit au combat avec Ogun et Amir, mais il trouvait l'entraînement toujours aussi insupportable. Le dieu ne lui faisait aucun cadeau, cela était plus qu'impossible pour Saban d'asséner ne fut-ce qu'une attaque. Il quitta enfin son entraînement auprès d'Ogun pour laisser ce dernier s'en prendre à Amir.
Saban prit la direction du fleuve, ses muscles lui faisaient horriblement mal. Ça allait lui procurer énormément de bien de méditer et de ne rien faire. En réalité, c'était pour ça que le prince aimait autant l'entrainement avec le Seigneur des mers. Sa fainéantise, lui faisait honte mais il n'osait pas s'en plaindre car il s'y complaisait.
Le jeune homme arriva enfin aux cotés du dieu Olokun, qui était déjà assis en tailleur au bord du fleuve. Comme à son habitude, il gardait le silence. Saban se contenta de s'asseoir, il regarda une dernière fois les pêcheurs flotter sur leurs pirogues et tirer leurs filets remplies de poissons, avant de fermer les yeux et de se concentrer.
Encore une fois, le seigneur des mers ne laissa échapper aucun mot durant tout l'entraînement et encore une fois, Saban resta perplexe. Il ne comprenait rien à ses longues séances silencieuses où il devait méditer auprès de lui, sans aucun conseil ni remarque. Entre Olokun qui l'ignorait et qui se contentait de s'en aller une fois qu'il estimait avoir fini, et Ogun qui lui détruisait les muscles, il se demandait qui était le pire. À la fin de la journée, alors que le soleil terminait sa course, il se rendit enfin auprès d'Orula pour la première fois en tant que disciple. Celui-ci, en-dessous d'un arbre le sourit chaleureusement et lui demanda comment il allait.
– Très bien et vous ?
– Je me porte bien, également. Aujourd'hui, nous allons commencer l'art divinatoire. Sais-tu ce que c'est ?
– Euh...l'art de deviner l'avenir ? Tenta maladroitement Saban, assis en face du dieu.
– Oui et non, cela concerne bel et bien l'avenir, mais un vrai pratiquant de cet art ne le devine pas, il le lit. Expliqua clairement le dieu en regardant Saban. Il fit une pause puis continua :
– C'est vrai que ce concept peut sembler assez intuitif mais en réalité cet art est bien plus complexe lorsqu'on entre en profondeur. Heureusement pour toi, je ne ferais pas dans les détails, le but serait que tu assimiles rapidement les bases. L'art de la divination est une utilisation des pouvoirs divins en vue d'effectuer une liste de possibilités, le pratiquant peut alors apprécier les probabilités qu'un événement survienne. Bien-sûr, cette dernière étape est la plus simple. La vraie difficulté est d'établir la liste de toutes ces possibilités. Un exemple : admettons que mon esprit se retrouve dans un état d'équilibre...comme te l'a sûrement appris Olokun, n'est ce pas ?
– Euh...
– Peu importe, je disais : Lorsque ton esprit est en état d'équilibre avec un corps étranger au tien, par exemple l'air, les animaux et j'en passe. Tu peux interagir avec ces derniers avec une grande facilité plutôt qu'avec le temps qui est une notion abstraite. Le temps est une mise en relation entre deux corps, deux éléments concrets.
– Je ne suis pas sûr de comprendre là où vous voulez en venir, avoua le prince.
– C'est très simple, Saban. Le temps n'est pas le véritable point d'équilibre d'un pratiquant de la divination, comme le serait l'eau pour un animisme de l'eau ou une plante pour un animisme des plantes. Si tu veux anticiper les actes d'un être vivant, tu ne te focaliseras pas sur le temps non plus, mais sur l'individu en lui-même.
Le déclic raisonna dans la tête de Saban. Il venait de comprendre, la divination n'est pas un art qui vise à comprendre le temps, mais les agissements d'un individu ou d'un élément qui compose l'univers.
– Je crois avoir saisi ! s'exclama Saban.
Avec Orula, il apprit alors à mieux chercher l'équilibre psychique de son esprit. Le dieu lui fit faire des exercices où il devait prévoir avec précision des combinaisons de cartes. Ça avait l'air inutile à première vue, Saban soupira à plusieurs reprises sans savoir comment s'y prendre. L'exercice semblait tellement compliqué.
L'entraînement de Saban prit fin et il décida de revenir au bord du fleuve et de méditer plus sérieusement, toute la soirée il essaya de trouver ce fameux point d'équilibre entre l'eau qui coule et lui. S'il avait bien compris, l'Animisme, d'après Olokun, c'est la notion d'une énergie existante en toute chose dans l'univers. Chaque corps possède une énergie vitale, le point d'équilibre et tout simplement un état qui permet de créer un pont entre deux corps. Autrement dit, entre l'animiste et le corps avec lequel il souhaite interagir. Au bout de quelques heures de concentration, Saban commença à sentir quelque chose naître dans son ventre, mais il ne su définir ce que c'était avec exactitude. On aurait dit une forme rouge sang qui s'agitait comme une flamme. Mais la forme disparut aussitôt.
C'était un bien maigre résultat, se dit-il. Fatigué, il finit par se résoudre à aller dormir. Saban se leva et prit la direction de la ville.
Dans sa couchette, il continuait tout de même à songer à cette forme étrange. Était-ce ça le point d'équilibre ? Se demandait-il en se retournant sur le côté. Le sommeil vint finalement le prendre et il s'endormit profondément.
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