Eshu était dans les jardins, tard dans la nuit, ses yeux demeuraient fixés sur un point imaginaire qu'il semblait être le seul à voir. À coté de lui, son fils luttait contre le sommeil. Cela faisait un long moment déjà qu'ils attendaient tous les deux à la lueur des lampes.
– Ils arrivent. Déclara enfin Eshu sans quitter des yeux le point qu'il fixait. Saban bailla, il se frotta les yeux mais ne vit toujours rien. Aucun signe qui puisse trahir l'arrivée des individus. Le prince se demanda si son père était encore bien lucide quand soudainement, l'atmosphère se mit à bouillonner. La vision du jeune homme devint trouble et il eu du mal à discerner quoi que ce soit. Lorsque tout redevint normal, Saban aperçut enfin quatres silhouettes se dessiner dans la lisière des arbres. Surgissant de l'obscurité, les individus se dirigèrent lentement vers eux avec grâce. Curieusement, leurs vêtements glissant sur la pelouse du jardin, ne faisaient entendre aucun bruit comme s'ils étaient immatériels.
– Eshu, commença l'un d'eux dans une étonnante tenue blanche brodée de fils dorés, tu reviens donc enfin sur ta décision. Le dieu était splendide, sa parure laissait son voix Saban. Derrière lui, les trois autres divinités complétaient ce décor merveilleux.
– C'est ton fils ? Demanda le dieu à l'adresse d'Eshu, en saluant ce dernier. Il est beau et grand, comme son père. Oh, excuses-moi jeune prince, j'ai oublié de me présenter...je suis Orula, dieu de la divination.
Saban fut choqué d'entendre ce nom. Il n'en croyait pas ses oreilles et il écarquilla encore plus les yeux en regardant bouche bée, le Seigneur Orula lui faire une révérence. Son humilité était surprenante, se dit-il sans détacher les yeux de cette vision idyllique. Ceux qui l'accompagnait étaient tous aussi des divinités importantes, il y avait Ellegua et à la grande surprise du prince, Eshu paru surpris de le revoir.
– E-Ellegua...mais tu as changé, dit-il en balbutiant devant lui..
En effet, Ellegua n'était plus l'être faible et craintif qu'avait connu le dieu de la discorde lorsqu'il était encore au royaume Orisha. Au cours de ces derniers siècles, il a gagné en taille et en carrure, mais aussi en courage et en sagesse à tel point qu'il était devenu un des dieux les plus puissants du monde divin.
Celui-ci sourit en regardant Eshu, puis le serra dans ses bras sans aucune rancune de leurs querelles passées. Ellegua était vêtu des mêmes habits que portaient autrefois Eshu, il l'avait remplacé dans son rôle de dieu de la discorde mais aussi en tant que dieu de la sagesse. Saban regarda son père, ému, qui serrait très fort son successeur en lui répétant maintes fois qu'il était désolé. Ensuite, il eu Olokun, dieu des mers et des fleuves, le frère d'Ellegua ainsi qu'Ogun le dieu du fer, maître des guerres. Le seigneur des mers regarda le prince de son regard impérieux, il était vêtu d'un large tissu bleu et avait une lance d'or avec des motifs représentants des poissons aux écailles colorées. Ogun avait une épaisse ceinture qui entourait ses hanches et soutenait son bas en tissu rouge, une lourde hache y était également attachée.
Saban suivit son père ainsi que ses invités jusqu'à la salle des fêtes où ils mangèrent un repas d'accueil. Du maïs, de la viande de bœuf ainsi que du poisson étaient servis à table au bonheur des dieux. Ils discutèrent comme des vieux amis qui se retrouvaient après une longue séparation, et c'était le cas. Devant cette scène, Saban remarqua à quel point les dieux étaient normaux. Ils ne différaient pas tellement des mortels, leurs façons de s'exprimer et leurs réactions devant toutes choses étaient relativement similaires à celles des hommes.
Le prince oublia carrément qu'il était en compagnie de divinités et lorsqu'on lui demanda ce qu'il aimait faire, il expliqua qu'il aimait la lecture, qu'il passait, autrefois, le plus claire de son temps dans la bibliothèque de Tombouctou et que les contes et les légendes le fascinaient. Les dieux étaient admiratifs, ils l'écoutèrent sans l'interrompre et cela plu à Saban. Celui-ci s'attendait à rencontrer des êtres pleins d'arrogance et de prétention. Il sourit aux compliments des divinités, alors Ellegua lança au roi avec un ton solennel.
– Nous te remercions infiniment ton hospitalité, mon roi. Mais je pense bien que tu nous as pas fais venir jusqu'ici juste pour discutailler autour d'un repas, aussi bon soit-il ?
– Exact, Seigneur Ellegua. J'ai longtemps réfléchis à la proposition d'Orula et je dois avouer qu'elle m'a paru assez farfelue. Avait expliqué le roi en regardant chacun d'entre eux dans les yeux, je n'ai jamais vraiment cru aux prophéties et je reste persuadé que le dieu du destin se trompe.
Le concerné soutint le regard d'Eshu sans trahir la moindre expression. Le roi continua avec le même ton respectueux :
– J'accepte que vous entrainiez mon fils, cependant il restera auprès de son peuple. Il est hors de question qu'il prenne part à une guerre pour quelconque raison que ce soit. Et son entraînement aura comme unique but d'apprendre à se défendre contre la menace divine qui la guette. Est-ce bien clair ?
– C'est un bon début Eshu, répondit Orula en acquiesçant de la tête, je continue quand-même à espérer que tu changes d'avis. En attendant, nous acceptons de faire de ton fils le dieu qu'il devrait-être depuis sa naissance.
– Non, Orula ! lança sèchement le roi à l'adresse de ce dernier, il n'y aura pas de suite à cet entraînement. Il aura une formation, certes, mais cela s'arrêtera là.
– Entendu, soupira Ellegua en les regardant à tour de rôle, Saban aura la meilleur formation possible, tu peux nous faire entièrement confiance.
Eshu le remercia et ordonna au prince de prendre congé, les dieux se levèrent et se redirigèrent vers la sortie. Le roi les accompagna dans les jardins, ils disparurent un par un jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'Ellegua.
– Je suis sincèrement content que tu aies su trouvé ta place en ce monde, déclara le dieu, tu as énormément changé depuis ton départ.
Eshu sourit et lui lança :
– Et toi donc !
Sur ces mots, Ellegua disparut enfin en laissant une fumée jaune derrière lui. Le roi Eshu rentra dans son palais en se demandant bien ce que l'avenir lui réservera à lui et à son fils. Sa fièvre ne descendait plus depuis quelques jours, il toussa encore et fut surpris de voir du sang tombé au sol. Eshu s'empressa d'essuyer ses lèvres avant de prendre la direction de ses quartiers.
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