Chapitre 5.2: La révélation

      Amir qui tenait Aja, inconsciente, dans ses bras vit son ami disparaitre dans la gueule du dieu serpent. Le jeune berbère poussa alors un cri de désespoir, cette scène lui fendit le cœur. Il souleva délicatement la déesse tout en se demandant ce qu'il devait bien faire. Tout lui semblait perdu, alors qu'il venait de récupérer son ami, il le revoyait mourir. On aurait dit qu'il était coincé dans un cauchemar qui tournait en boucle. Amir regarda la pauvre Aja, et implora de l'aide auprès d' Allah. Son regard se porta sur le dieu serpent, ce dernier avait soudainement arrêté de bouger.

      Qu'est-ce qui se passe ? Se demanda Amir, inquiet. Puis lentement, le serpent s'affala sur le sol dans un bruit assourdissant, écrasant quelques morts vivants. Le dieu demeura immobile pendant plusieurs secondes. Était-il mort ? Impossible! Un dieu ne pouvait pas mourir aussi subitement. Le jeune homme aperçu la silhouette d'Aora venir vers lui après avoir contourné le serpent.

– Tu les as tous tués ? Demanda Amir à ce dernier.

– Non ! Il y en a un qui a réussit à prendre la fuite. Il s'agit de Meschak le balafré et Il faut absolument le rattraper. C'est un prêtre très puissant, il est capable de contacter le dieu Boro en personne.

– Mon ami vient de se faire dévorer...le serpent est mort, récupérant d'abord son cadavre dans l'antre de la bête. Aora acquiesça à contrecœur et suivit Amir qui se dirigeait sans crainte vers le serpent en portant la déesse dans ses bras.

      Un bruit étouffé se fit entendre, cela venait du serpent. Amir s'immobilisa, effrayé puis remarqua le bout métallique qui brillait sur le sommet de la tête du serpent, on aurait dit...

– ...Une lance. Murmura Amir en déposant délicatement Aja sur le sol. Tout excité, il se précipita vers le cadavre du dieu et confirma qu'il s'agissait bien de la lance de Saban, dont le bout avait perforé le palais du serpent, remontant jusqu'au cerveau pour finalement sortir par le haut du crâne. Son ami avait réussi à terrasser le dieu, et le bruit qu'il avait entendu il y a quelques secondes n'était rien d'autre que lui.

– Aidez moi à soulevez sa mâchoire supérieur !

      Aora s'exécuta et lorsqu'ils soulevèrent la mâchoire de la bête, ils découvrirent Saban, couvert de bave et de sang, allongé dans la gueule du serpent. Sa main fermement accroché sur sa lance qui transperçait le palais de la créature.

      Un mince sourire apparut sur ses lèvres et Amir ne perdit pas une seconde pour le retirer de cet enfer.

– Tu l'as tué ! S'exclamait-il en l'aidant à se relever, tu l'as tué...

      Le regard d'Amir était admiratif, celui de Saban vide et évasif. Celui-ci finit par s'évanouir. Les deux alliés encore valides ramassèrent Aja et Saban. Ils sortirent de la grotte et Aora lâcha un chapelet de juron en regardant autour de lui. Pas un signe du balafré.


******


      Les yeux d'Aja se rouvrirent péniblement et une lumière éclatante l'accueillit avec douceur à son réveil. C'était la flamme d'une bougie posée à sa droite, à même le sol. Tous les membres de son corps la faisaient souffrir dans une intense douleur. Sans bouger d'un chouïa, elle essaya d'analyser les lieux. La déesse se trouvait dans une pièce exigüe aux parois rocheuses. Des étagères en bois accueillaient d'étranges bocaux avec d'étranges créatures flottant dans un liquide verdâtre. Elle sentit quelque chose bouger près d'elle, elle tourna sa tête et vit un jeune homme allongé sur un tapis à coté du sien.

      Aja trouva qu'il avait un beau visage, sur son torse scarifié, elle remarqua une énorme cicatrice couvrant son coté droit. Quelqu'un avait recouvert le bas de son corps de draps. À coté, dans un coin de la pièce se trouvaient des vêtements, des armes et d'autres objets divers qui apparemment devaient lui appartenir.

      Un homme entra dans la pièce en écartant doucement le rideau de perles suspendu à l'entrée. Elle reconnu, avec soulagement, le visage d'Amir et sourit en essayant de lever sa tête, mais elle s'immobilisa subitement avant de pousser un gémissement provoqué par la douleur. Son corps l'empêchait de bouger, elle pouvait à peine faire pivoter sa tête. Aja avait horriblement mal, elle grimaça et tout de suite, son ami vint à son chevet pour la maintenir sur son tapis.

– Tu dois te reposer, lui conseilla celui-ci en la maintenant allongée, tu t'es violemment cogné la tête contre le sol. Il lui tint la main et la serra fort entre les siennes, un peu comme pour se rassurer lui-même.

– Que s'est-il passé, demanda la déesse à l'adresse du jeune homme au bord des larmes, tu es venu me sauvé ? Amir sourit et l'embrassa sur le front.

– Pas tout seul, il indiqua l'inconnu allongé sur le tapis juste à coté, il s'appelle Saban. Il est comme un frère pour moi et hier il nous a sauvés tous les deux en compagnie d'un camarade.

– Les ravisseurs alors ? Le serpent ? Que s'est-il passé, Amir ?

– Saban a tué le serpent, on a réussi à éliminer les mercenaires sauf un qui a réussi à s'enfuir, il s'appelle Meschak, chef des hommes-hyènes, serviteurs du dieu Boro.

– Ton ami a tué le dieu Bida ? Demanda Aja en écarquillant les yeux, c'est une blague ?

– Non, je te dis la vérité...c'est surprenant, même moi j'ai dû mal à y croire. Je sais qu'il est prodigieux mais à ce point là, cet acte dépasse les limites de ce que je peux imaginer.

– Je confirme, est-il humain ? Interrogea Aja en jetant un regard en direction du concerné.

– Oui, fin je pense...en tout cas depuis le temps que je le connais, il m'a toujours paru humain. Pourtant, il y a quelques heures ce même homme a accomplit un exploit, il m'a épaté.

      Aja ne le prit pas ainsi, un peu sous le choc par la révélation de son interlocuteur, elle secoua doucement la tête et leva sa main pour la poser maladroitement sur la joue du jeune homme afin qu'il soit attentif.

– Écoutes-moi bien, Amir...l'information que je suis sur le point de te révéler va te sembler étrange, néanmoins il s'agit là d'un fait totalement probable alors fais moi confiance! Le regard d'Aja était sombre, elle avait adopté un ton sérieux et calme malgré la douleur qui traversait son corps. Elle plongea ses yeux ténébreux dans ceux de son ami et lui lança :

– Saban est loin d'être un simple humain, je pense qu'il s'agit du dieu de la prophétie d'Orula.

– Qu'est-ce que tu racontes, lâcha Amir avec un air à la fois perplexe et amusé, tu crois que Saban est un dieu ? C'est un prince, certes mais il n'a rien avoir avec un dieu, crois moi !

– Je te dis la vérité, insista Aja, j'en suis une aussi...je suis Aja la déesse de la nature, de la forêt et des animaux.

– Si ce que tu racontes est vrai, alors en tant que déesse tu aurais pu te sortir de la situation dans laquelle tu étais, sans l'aide de personne. Si tu veux mon avis, Aja. Sans vouloir te vexer, Je pense que tu délires, franchement...il faut que je te laisse te reposer.

– Ils m'avaient affaiblie...je ne pouvais me défendre et...ils maîtrisent un pouvoir très puissant que leur a confiée le seigneur Boro en personne, le roi des dieux ! Que voulais-tu que je fasse contre ça, je ne suis pas une déesse faite pour le combat !

      Mais Amir sortit calmement de la pièce sans l'écouter. Furieuse, Aja s'emporta mais sans corps lui rappela sa situation et un cri de douleur sortit de sa bouche. Au bout de quelques heures, elle finit par se calmer. Ce qu'elle ne savait pas c'est qu'à coté de lui, Saban s'était réveillé quelques minutes après elle et avait donc écouté toute sa conversation avec Amir.

      Il replongea dans son sommeil, laissant Aja encore en train de ruminer milles mots et de grincer des dents. Le lendemain, Saban se réveilla enfin et les douleurs d'Aja avaient disparues grâce au bon soin d'Amir et d'Anansi. Amir lui rappela le combat, avec des étoiles dans les yeux, sans prêter attention au regard insistant de la déesse.

      Mais Saban était peu enthousiasme de son exploit et son esprit, encore un peu dilué, semblait vouloir se concentrer que sur les révélations d'Aja. Les paroles de cette dernière l'avaient fortement intrigué et il voulait savoir à tout prix si ce qu'elle avait dit était vrai. Il remarqua que la déesse ne manifestait aucun signe d'intérêt envers lui. Celle-ci se contentait de répondre brièvement à ses préoccupations de courtoisie, comment elle se sentait, comment elle s'appelait, etc.

      Au bout de quelques jours, Saban revit enfin Anansi. Ce dernier entra dans la pièce sous le regard surpris d'Aja. La déesse écarquilla des yeux.

– Comment allez-vous ? Demanda le dieu en s'installant sur un coussin en face d'eux, excusez-moi de ne pas être venu plus tôt mais j'avais d'autres choses à faire. Le vieil homme toujours bien vêtue et coiffé d'un chapeau noir bien ciré, sortit une pipe depuis un des plis de son tissu avant de la caler dans ses lèvres. D'un claquement de doigt, il alluma sa pipe avant de jeter un rapide coup d'œil à Aja qui détourna les yeux.

– Je suis Anansi, dieu araignée...

– Je sais qui vous êtes, coupa sèchement la déesse en lui adressant un regard noir, c'est donc vous ?

– Je te demande pardon ?

– Ne faites pas semblant, cracha-t-elle sous le regard choqué de Saban, vous êtes le dieu traître qui a donné naissance au seigneur Boro et par la même occasion à lui. Elle pointa alors Saban du doigt. Le prince comprit qu'apparemment, elle non plus ne connaissait pas bien les dieux ashantis.

– Je vois de quoi tu parles mais tu n'as qu'à moitié raison, déesse de la forêt. À ce moment précis, Amir venait d'entrer dans la pièce avec le dîner servit sur un plat. Il n'avait apparemment rien entendu, il déposa le plat au milieu de la salle. Puis se rendant compte qu'il y avait une lourdeur dans l'atmosphère, il déclara:

– Si quelqu'un ne supporte pas la nourriture épicée, qu'il le dise parce que...

– Non, ne t'en fais pas pour ça, rassura Saban en regardant à tour de rôle Anansi et Aja, la déesse jetait des éclairs au dieu araignée sans prêter attention à la présence d'Amir. Comment avait-il su qui elle était ? Aja n'était pourtant pas une divinité très célèbre dans le monde des dieux.

– Bien, dit le berbère en s'installant calmement en tailleur, dans ce cas mangeant !

– Tout ça à l'air bien délicieux, lança Anansi en regardant le plat que leur avait concocté Amir. De l'antilope coupé en morceau et grillé avec une sauce bien épicée, du couscous en abondance avec des Ignames. Le berbère se jeta en premier et Anansi le suivit. Saban regarda encore une fois Aja avant de finalement prendre le morceau d'antilope que lui tendait Amir. Tout le monde finit par manger, leurs mains étaient obligées de se croiser vu qu'ils se servaient dans le même plat. Aja prenait soin de bien éviter celles de Saban et Anansi et n'était pas du tout gênée lorsqu'elle rencontrait celle du berbère. La déesse lui complimenta son talent culinaire, celui-ci rougit et le remercia.


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