Chapitre 26.4 : L'épreuve des flammes

      Saban s'était tranquillement installé à une table dans une des auberges du village, sirotant sa pinte de bière d'un air ravi. Le récent et court affrontement contre le bataillon du lieutenant Farès, avait été une victoire plus que satisfaisante pour ses hommes. Ces derniers n'avaient pas hésité à se servir généreusement à boire et à manger dans les auberges environnantes, en guise de récompense, suite à l'autorisation de leur chef de guerre. Les villageois avaient été évacués un jour plutôt, ils étaient actuellement repartis par famille dans les villages environnants.

      La plupart des académistes buvaient à s'en remplir la panse, sans même se soucier de la suite des événements. Tandis que d'autres, plus touchés par la mort de ceux tombés durant l'affrontement, restaient à l'extérieur afin de recouvrir de draps leurs défunts camarades. Il y avait à peine une petite vingtaine, lui avait révélé Héraclès avec un ton étrangement neutre.

      Saban avait l'impression que son ami l'évitait depuis un moment. Le demi-dieu lui avait à peine parlé ces derniers jours, suivant son réveil du coma dans lequel il s'était retrouvé par sa faute. Peut-être lui en voulait-il encore, pensa l'ancien roi sans vraiment prêter attention aux éclats de rires de ses hommes.

      En y repensant, il se rappela qu'il ne s'était même pas excusé pour ce qui s'était passé entre eux. Alors il se leva avec l'intention d'aller lui parler. Le demi-dieu était monté à l'étage en compagnie d'Ellegua, avec pour objectif de cuisiner le lieutenant, à présent, emprisonné dans une des chambres de l'auberge.

      Le lieutenant, jusqu'ici, avait seulement daigné donner son prénom. Mais à part ça, il n'avait rien dévoilé de plus, concernant la Confrérie de la Vérité. Farès restait silencieux et portait un regard inexpressif à Saban, au moment où celui-ci pénétra doucement dans la pièce.

– Ah, mais voilà donc notre champion ! annonça gaiement le dieu fourbe en se retournant vers le nouvel arrivé. Héraclès ne bougea pas, son regard menaçant restait fixé sur l'être qui se trouvait attaché sur une chaise au milieu de la chambre. Merlin, quant à lui, était assis sur le lit collé contre le mur de gauche. Il arborait un visage inexpressif et ses grands yeux bleus regardaient chaque occupant, avec son air habituel, rempli de curiosité.

– Ça avance ? interrogea le chef de guerre en marchant vers le centre de la pièce, parce qu'il faudrait que l'on pense à rentrer. Je ne suis pas très rassuré à l'idée de rester aussi longtemps séparés des autres groupes. Nous sommes la division la plus éloignée du domaine, ce ne serait pas très prudent de s'attarder ici.

– On le sait bien, déclara simplement Héraclès sans regarder Saban qui était arrivé au même niveau que lui, mais laisses nous quelques minutes de plus, s'il te plait.

– Comme vous le souhaitez. Souffla doucement l'ancien roi qui cherchait en vain le regard de son ami, mais celui-ci demeuré profondément concentré sur le lieutenant Farès. Ce dernier avait les mains solidement attachés dans le dos, avec une corde bien épaisse.

      Il observa ensuite Ellegua, qui se tenait à sa droite, avant de constater que celui-ci manifestait sans retenue sa joie par un large sourire sur son visage. Apparemment, l'écrasante victoire des Bâtards contre le bataillon de toute à l'heure, semblait réellement avoir refait sa journée.

      Le demi-dieu alla soudainement récupérer une chaise qui se trouvait dans le coin de la chambre. Il la tira sans ménagement jusqu'au centre avant de s'y asseoir, à califourchon, de telle manière à ce que le dossier du meuble se trouve collé à son ventre.

– À présent que nous connaissons ton petit nom, commença Héraclès en esquissant doucement un sourire sournois à l'adresse du prisonnier, nous aimerions également connaître le plan d'attaque de la Confrérie dans ses moindres détails ! Pourrais-tu nous faire ce plaisir, Farès ?

      Le lieutenant Farès semblait être guéri de sa blessure, remarqua Saban en l'examinant attentivement. Il avait un bandage taché de sang qui entourait son torse nu. Et juste à ses pieds, se trouvaient ses vêtements qui avaient, apparemment, été déchirés pour mieux être enlevés.

      Le chef de guerre avait sa petite idée sur l'identité de la personne, ayant commis cet acte d'humiliation envers leur ennemi. Mais étant peu enclin à s'engager dans un débat inutile, concernant les droits des prisonniers, il opta aisément pour la voie du silence.

– Ma foi... dit tout simplement le vaincu avec un air moqueur adressé à Héraclès, sans se préoccuper de sa situation. Le lieutenant leva lentement ses yeux vers ce dernier, sa respiration était difficile, remarqua alors Saban en portant un regard de pitié sur lui.

      Le pauvre homme toussait systématiquement des gouttelettes de sang, celles-ci allaient s'écraser sur le sol en laissant de fines taches brunes, juste devant et sur ses pieds dépourvus de bottes.

– J'ai bien peur que vous m'en demandez trop, rajouta Farès. Et en plus, je ne connais même pas vos noms, cela m'est fort dérangeant. Permettez-moi de vous faire remarquer cette petite injustice.

– Eh bien, figures-toi que tu te trouves en face d'Héraclès fils de Zeus, d'Ellegua le dieu fourbe et de Saban fils d'Olokun, des divinités extrêmement puissantes, avec lesquelles tu ne pourrais jamais rivaliser même si tu passais toute ta vie de mortel à essayer !

      Merlin toussa pour rappeler sa présence au demi-dieu qui l'avait, malheureusement, oublié dans sa courte énumération. Mais ce dernier ne prêta pas du tout attention au vieillard, car il était beaucoup trop concentré dans son entretien avec Farès.

– Tu ferais mieux de nous craindre, continua-t-il en se mettant à vociférer, plutôt que de jouer à celui qui a la plus grosse.

– Eh bien, étant donné tes origines grecques, on sait tous qui de nous perdrais à ce petit jeu ! rétorqua malicieusement Farès avec un rictus méprisant sur le visage. Es-tu sûr de vouloir rivaliser avec la taille de leurs épées ? interrogea-t-il ensuite en étouffant un rire moqueur.

      Le dieu grec se releva soudainement et envoya un violent coup de poing dans la mâchoire du lieutenant, celui-ci bascula sur le côté en emportant sa chaise. Le corps de Farès et le meuble retombèrent lourdement sur le parquet de la chambre. Le choc fut même arrêter, durant un court instant, les bruits en provenance du rez-de-chaussée. Mais les soldats d'en bas ne tardèrent pas à reprendre leurs activités.

      Héraclès ramena aussitôt la chaise sur ses quatres pieds, avant de constater d'un air satisfait les dégâts présents sur le visage de sa victime. Le coup lui avait carrément fendu la lèvre inférieure et sur le parquet se trouvait même deux des ses molaires, arrachées lors de l'impact. Le demi-dieu arborait, à présent, un sourire sadique sur son visage et déclara alors au lieutenant, d'une voix sombre et basse :

– Es-tu sûr de vouloir garder le silence ?

– M-Mange tes morts, H-Héraclès ! bégaya-t-il avant de cracher un long filet de sang qui retomba sur son torse jusqu'à ses genoux. Alors que Saban et Ellegua froncèrent les sourcils d'un air écœuré, Merlin se leva enfin du lit pour avancer au centre de la pièce. Il fit face à Héraclès et déclara :

– Je ne suis plus très certain que tu utilises la meilleure méthode interrogative. C'est une perte de temps de s'y prendre de cette manière, mon garçon !

     Une pointe de colère apparut dans les yeux de l'enchanteur, ce fut comme s'il réprimandait le demi-dieu. Ce dernier ne trouva rien à répondre à son maître, alors il baissa lentement les yeux vers ses bottes et se retira sans rien dire.

– Bien, commença alors Merlin, comme la méthode physique ne semble pas nous donner de résultats concrets. Essayons donc autre chose ! Ellegua, vous êtes bien un adepte en art de la persuasion, n'est-ce pas ?

      Le concerné hocha de la tête avant de venir se placer devant le prisonnier, sans se faire prier. Le problème était que ce dernier ne semblait pas ressentir la moindre émotion, alors que le dieu fourbe s'apprêtait justement à utiliser son animisme émotionnel pour lui retirer les vers du nez.

      Le lieutenant Farès regarda son nouveau bourreau, avec le même air méprisant et moqueur qu'il lançait à Héraclès. Ellegua ne prononça aucun mot, des flammes se mirent subitement à surgir des quatres coins de la pièce. Les langues de feu commencèrent alors à lécher les meubles jusqu'à s'approcher du centre, juste là où ils se trouvaient tous réunis.

     Mais Saban, ainsi que les autres occupants de la pièce, sauf leur victime, savait très bien que ces flammes n'étaient qu'une simple illusion. L'ancien roi de Kuyushi avait paniqué lorsque le dieu fourbe lui avait montré ce tour pour la première fois. Mais à présent c'était devenue tellement banal, qu'il en souriait presque.

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