Chapitre 25.3 : Combat entre les arbres.
Les yeux d'Aja scrutaient calmement l'obscurité de la forêt, tel un hibou à la recherche d'une proie. Du haut de l'arbre sur lequel elle se trouvait, elle percevait le rythme cardiaque de chaque être vivant aux alentours. Ce bruit était, pour elle, synonyme d'une vie paisible formant une douce et agréable mélodie.
En tant que déesse de la nature et protectrice des animaux, l'orisha se sentait totalement dans son élément au milieu de ces géants feuillus qui entouraient majestueusement le domaine d'Olokun.
C'était loin d'être sa première fois, en effet elle avait l'habitude de s'aventurer aussi loin, en dehors de l'allée protectrice qui sinuait entre les arbres. Aja s'enfonçait souvent dans les profondeurs de cette sinistre forêt, elle connaissait mieux que quiconque les créatures qui y vivaient et elle avait réussi à les apprivoiser. Mais avec, tout de même, un léger déchirement au cœur, la déesse avait vite fait de comprendre que la traversée de cette végétation serait, à coup sûr, un cauchemar pour leurs ennemis qui s'apprêtait à s'aventurer dans le domaine.
Ils allaient bientôt assister à un bain de sang, la violence qui régnera en ces lieux sera incomparable, pensa-t-elle avec tristesse.
Son champ de perception s'étendait à plusieurs bornes et au bout de quelques minutes de plus à patienter dans les ténèbres, elle lança d'un sifflement le signal qui annonçait l'arrivée de l'ennemi.
Ratatoskr vint se placer délicatement sur son épaule, celui-ci huma l'air à l'aide de son museau avant de jeter un regard inquiet à Aja. Cette dernière comprit ce qui tracassait le rongeur, l'effectif de l'ennemi était exagérément élevé pour avancer dans une végétation aussi dense.
Cela justifiait la lente évolution entre les arbres, des soldats de la Confrérie. Ces derniers perturbaient sans ménagement la paix qui régnait dans la forêt, de leurs pas lourds et destructeurs.
Tous étaient à pieds, remarqua la déesse en voyant la masse d'hommes qui s'avançait prudemment à travers l'épaisse végétation dérangeant leur parcours. Leurs maudites épées coupaient, sans la moindre gêne, les feuilles tropicales et tailladaient les lianes, afin de se frayer un passage dans cet enfer vert.
Les soldats ennemis ne pouvaient point apercevoir le groupe d'Aja. Mais ces derniers, par contre, les observaient parfaitement depuis les branches sur lesquelles ils s'étaient installés.
Alors que l'ennemi se frayait progressivement un chemin entre les plantes, la déesse lança un sifflement que l'on pourrait confondre avec n'importe quel oiseau de la forêt. Mais l'horde de créatures étranges qui fendit sur les troupes au sol comprit parfaitement le signal de cette dernière, car la minute d'après elle les prit de revers.
L'attaque avait été tellement furtive et rapide qu'ils prirent quelques secondes pour comprendre ce qui était en train de se passer.
Lorsque la réalité leur parut plus clair, des cris de peur mêlés à la souffrance commencèrent à résonner dans l'immensité de la forêt. Sur la longue colonne de soldat qui s'étendait dans la végétation, des centaines se mirent à disparaitre ou s'écrouler par terre avec la gorge entrouverte, sans même voir les créatures qui leur tombaient dessus comme des masses ténébreuses et silencieuses.
Des véritables démons sortis des entrailles de l'enfer, des créatures presque invisibles se déchainant sans l'ombre d'une pitié sur ce bataillon terrestre. Leur nombre diminua considérablement, sans même qu'ils aient le temps de souffler. Une fois que les bêtes de l'ombre eurent finis leur attaque, Aja leur ordonna de s'en aller au loin.
La seconde qui suivit, la cheffe de groupe lança le signal annonçant l'assaut puis sauta de son arbre pour atterrir sur un des soldats de la confrérie. La déesse n'hésita pas une seule seconde à enfoncer son poignard dans la gorge de sa victime, elle se releva ensuite en contemplant tristement le visage du pauvre homme, celui-ci gargouilla quelques mots avant de s'éteindre. Mais l'orisha ne pouvait pas faire preuve de pitié en ce moment, elle avait une mission à accomplir : tenir sa position coûte que coûte.
Aja vit alors le maître Anzar et les autres enseignants de l'Académie entrer en combat contre les soldats de la Confrérie. Les académistes se joignirent à eux en poussant des rugissements témoignant de leur courage et de leur envie de se battre pour le domaine.
Des gerbes de feu et des éclairs fusèrent de tous les côtés, envoyant valser les victimes des deux camps dans tous les sens. Les impacts des sortilèges éclairaient par intermittence l'obscurité de la forêt. La magie exceptionnelle des académistes défiait celle des soldats de la confrérie. Un festival macabre de lumières et de sons aigus embellissait le décor de la forêt, celle-ci paressait tout à coup plus joyeuse.
Aja du esquiver deux boules de feu ainsi que deux éclairs qui explosèrent à côté d'elle avant de soulever trois ennemis du sol à l'aide d'une des racines qu'elle manipulait. D'un geste brusque, elle brisa leurs nuques avant de poursuivre l'affrontement, elle fit apparaître son bâton enchantée et généra un tourbillon de flamme. La géhenne qu'Aja provoqua consuma en quelques secondes les soldats adverses. La déesse continua ensuite à avancer dans les rangs ennemis en jouant de ses racines et de ses boules de feu.
Anzar prévint aux troupes alliées de se mettre à l'abri, le temps qu'il génère à l'aide de sa bague un léger tremblement de terre qui fit apparaître une large fissure dans le sol. Quelques soldats malchanceux se virent précipités dans les entrailles de la terre, tandis que d'autres avaient, malgré tout, réussi à franchir l'obstacle qui les séparait des académistes, avant de poursuivre l'affrontement. Les cris de guerres et les violents bruits d'épées qui s'entrechoquaient à présent entre-elles, suite à l'épuisement de leurs magies respectives, remplacèrent légèrement les étincelles.
Du coin de l'œil, Aja vit Anzar se tenir douloureusement la main qui supportait sa bague, il se ressaisit rapidement lorsqu'il remarqua le regard de la déesse, avant de se réengager dans le combat. Le maître de la pluie dégaina son épée et poussa un cri de guerre à l'adresse du camp adverse.
Au bout de quelques heures d'affrontement, Aja constata qu'ils avaient finis par l'emporter. Car, en effet, les soldats ennemis se retrouvaient à présent encerclés par les académistes réjouis de leur victoire.
La déesse eut un sourire et regarda son groupe crier victoire. Elle était satisfaite, Ratatoskr la félicita alors en sautant tout à coup sur sa tête.
Quelques jours plus tôt, précédant leurs deux victoires contre les deux bataillons envoyés par la Confrérie, Saban se trouvait toujours dans la salle de planification et tous écoutaient en silence son plan qui avait pour but d'empêcher le siège que préparait l'organisation de l'ombre, sur leur domaine.
– Donc si je peux me permettre de résumer, commença Ellegua en se caressant le menton, tu nous demandes de nous déguiser en villageois, afin de surprendre l'ennemi dans une embuscade?
– Exactement, affirma le chef de guerre en souriant d'un air satisfait, sauf que toi et ton groupe, vous vous planquerez derrière les collines des environs. Lorsque vous les verrez passer, comptez dix minutes et attaquez par derrière. Ils tenteront de passer par ce chemin (son doigt se posa sur un endroit de la carte), c'est le chemin le plus court vers le domaine et il traverse le village dans lequel nous serons infiltrés.
– Ainsi, ils seront coincés dans l'artère principale de la ville et n'auront absolument aucun moyen de s'enfuir. Conclut Orula, qui appréciait beaucoup le plan de Saban.
Ce dernier esquissa un sourire chaleureux à l'adresse du dieu de la divination, mais celui-ci laissa, tout de même, échapper un soupir avant d'annoncer au chef de guerre d'un ton désolé :
– Hélas, Saban, je me dois de te prévenir de mes récentes probabilités au sujet de nos ennemis ; Je crains fort que la Confrérie n'ait pas uniquement opté pour cette voie d'accès au domaine. Elle compte envoyer ses troupes par d'autres points d'entrée.
– Ah oui ? s'étonna tout à coup le jeune homme, en perdant lentement son sourire, qui se voulait déjà triomphant. Quel est leur plan d'action, dans ce cas?
– D'après ce que j'ai analysé, il y a une forte probabilité de se faire envahir depuis la forêt. Malgré les dangereuses créatures qui la peuplent, je pense que nos ennemis n'hésiteront pas à la braver pour s'emparer de ce que l'on cache entre ces murs.
Aja eu un frisson et un sentiment de culpabilité l'envahit brutalement, elle n'osait pas affronter le regard d'Ellegua qui était, à présent, fixé sur elle. La déesse pensait que tout ce qui se passait actuellement était en réalité de sa faute, elle aurait dû révéler l'existence de l'artefact qu'elle gardait précieusement, même si Antée le lui avait déconseillé.
Mais elle pouvait toujours se rattraper, pensa l'orisha en relevant doucement sa tête. Aja jeta alors un vif coup d'œil à Saban et au bout d'une fraction de seconde, elle comprit ce qu'elle devait faire lorsque celui-ci croisa son regard. Pendant ce court instant, il lui véhicula un message, sans même ouvrir les lèvres. Alors d'une voix assurée, Aja annonça :
– Je m'en chargerai !
Orula se contenta de sourire légèrement à la déclaration de cette dernière. Ellegua, quant à lui, souffla mais cela ne lui déplaisait pas vraiment que ce soit la déesse de la nature qui s'occupe de cette zone au lieu de lui-même. Au contraire, il pensait que l'endroit où il aurait le plus de chance de rencontrer Damon serait là où il se rendra, en compagnie de Saban.
– La forêt est mon lieu de prédilection, continua l'orisha au grand bonheur de Saban, une confrontation dans cet endroit, sous mon commandement, nous assurera une victoire certaine.
– D'accord ! lança vivement Saban. Il frappa alors solidement dans sa paume de main avant de continuer :
– Dans ce cas, qu'attendons-nous pour annoncer notre stratégie à nos chers et impétueux soldats ? Faisons donc en sorte d'être fin prêts pour l'affrontement, contre ces chiens de la Confrérie.
Ils acquiescèrent tous d'un air satisfait, mais au moment où la salle de planification s'apprêtait à se vider de ses occupants, Orula ajouta précipitamment à l'adresse de Saban :
– Il y aura également le lac...
– Le lac ? répéta le chef de guerre sans réellement comprendre de quoi parlait le dieu de la divination, comment pourraient-ils surgir du lac ? C'est un point d'eau fermé, pourtant !
– Moi non plus, je n'arrive pas à comprendre, déclara Orula qui arborait tout à coup un air d'incompréhension déconcertant aux yeux de Saban, mes probabilités sont légèrement flous là-dessus, en plus d'être faibles ! Donc je pense qu'il y a très peu de chances de les voir se réaliser, contentons-nous de nous apprêter pour le combat.
Saban hocha la tête et sortit en compagnie de tous ses mentors, enseignants et amis.
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