Chapitre 21.1 : Le maître de la pluie

      Un beau matin, alors que tous les disciples se trouvaient réunis à la salle d'entraînement, Saban observait le mystérieux inconnu qui avançait d'un pas pressé entre les deux blocs d'élèves soigneusement rangés contre les murs. C'était un nouvel enseignant et il venait de faire irruption dans la grande salle, son entrée brusque avait subitement entraîné l'intérêt des disciples. Aucun académiste n'osait produire ne fut ce qu'un son qui serait susceptible de perturber le silence, désormais, établi.

      De ce fait, seul l'écho de ses pas résonnait bruyamment à l'intérieur des murs. C'était une partie du palais étonnamment grande, la voûte qui couvrait l'intérieur était élevée à plusieurs mètres au-dessus du sol. C'était étrange car de l'extérieur, l'établissement ne laissait point deviner une pièce aussi spacieuse pouvant accueillir autant de monde. Décidemment, le palais d'Olokun n'avait pas fini de surprendre le jeune homme.

      Arrivé sur une plateforme surplombant l'assemblée, après avoir gravit les quelques marches, l'homme se retourna calmement pour leur faire face. Ses disciples pouvaient à présent mieux observer les traits de ce mystérieux inconnu qui devait leur enseigner le cours de stratégie militaire.

      La concordance des traits qu'il avait avec le peuple amazigh étonna Saban, celui-ci observa Aja et aperçut la même expression de surprise sur son visage. L'homme avait le même teint mat que son ami disparu, et tout comme lui, il avait également ces mêmes cheveux ondulés sur la tête.

      Amir et lui avaient tous les deux une barbe qui les caractérisait, mais la seule différence était que celle de leur nouvel enseignant était taillée en pointe. Le regard de celui-ci était glaciale et très peu amical. Bizarrement, Saban pensa au dieu Ogun et se souvint que ce dernier avait également cet air dépourvu d'animosité qu'arborait leur maître.

      En repensant à Amir, le jeune homme eut un léger pincement au cœur et sentit Aja frémir doucement à côté de lui, comme Saban, elle n'arrivait toujours pas à se remettre de son départ. Mais au moins, le jeune homme, lui, pouvait se reposer sur Aïsha, pensa-t-il en resserrant ses doigts autour de la main de cette dernière. La seconde d'après, Ratatoskr vint délicatement se poser sur son épaule, pour lui murmurer à l'oreille, avec un air sournois :

– On perd un berbère et aussitôt on nous en refile un autre !

– Ce n'est pas drôle, rétorqua brusquement Saban en secouant vivement son épaule pour le faire tomber, retourne dans la poche d'Aïsha ! Le rongeur réussit à s'accrocher, puis s'exécuta en laissant échapper un petit rire, avant de sauter sur la tête de sa protégée et de se faufiler dans ses poches.

– Je suis désolé...vint lui murmurer cette dernière en se rapprochant du jeune homme. Celui-ci secoua la tête pour lui faire comprendre que ce n'était rien, Aïsha se rassura. Elle lui resaisit timidement la main et, tous les deux, se mirent à écouter les premiers mots de leur nouveau maître :

– Salutations chers disciples, lança poliment l'homme.

      Celui-ci était vêtu d'étranges vêtements ternis, remarqua alors Saban en l'analysant de la tête aux pieds. Il aurait été facile de croire qu'il s'agissait d'un roi antique sortant de sa tombe, après une longue période passée sous terre. Apparemment, il ne prenait pas le temps de nettoyer ses vêtements, ces derniers étaient sales et poussiéreux comme s'il avait traversé le Sahara.

      Toutefois, le plus étrange était ni son accoutrement, ni même ses yeux creux et entourés de cernes, mais l'étrange assemblage de coquillages qui ornait sa tête tel une couronne. Saban remarqua également que leur maître avait un tic incontrôlable, il tripotait toutes les quinze secondes sa bague en la faisant tourner sur son annulaire.

– J'étais autrefois connu sous le titre du "Roi Anzar de Lybie''. Continua-t-il en provoquant une vague d'étonnement générale. L'ancien roi, tout comme la majorité des autres disciples, connaissait très bien ce titre qu'on associait à une des divinités les plus puissantes de toute l'Afrique.

– Oh, doux Jésus ! s'exclama Ratatoskr qui sortit brusquement sa tête de la poche d'Aïsha, je n'y crois pas une seule seconde.

– N'est-il pas sensé être mort ? interrogea un disciple en s'adressant à son camarade, ils étaient juste à côté d'Héraclès.

      En effet, affirma intérieurement Saban, car d'après la fameuse légende sur le déclin du royaume divin d'Amon, Seth, le dieu égyptien était venu à bout de l'invincible Anzar. Tout ça pendant la destruction du royaume provoquée par l'Empereur Boro.

      Ce dernier avait annihilé toute forme d'existence céleste présente dans la ville du dieu Amon. Dans la légende, il était expliqué qu'Anzar, dit le maître des trois lieux : soit le ciel, les reliefs et les étendues d'eau, avait combattu farouchement les troupes de Boro.

      On racontait aussi qu'une partie du Mont Atlas fut détruite à l'issue de l'affrontement avec le dieu Seth, un souffle destructeur avait ravagé les terres de l'Afrique du nord, les rendant ainsi stériles de toute forme de vie végétale.

      Du moins, jusqu'à ce que Sobek vienne de nouveau fertiliser le sol aride du Maghreb. Le dieu crocodile avait laissé couler sa sueur pour donner naissance au Nil, qu'il offrit alors comme cadeau aux égyptiens assoiffés.

– Je me doute bien que vous avez tous une petite liste de questions très intéressantes à me poser, continua-t-il, mais je tacherai d'y répondre en temps voulu, sans vouloir trop perdre de temps ! Pour l'instant, contentez vous de me suivre attentivement.

      Le silence revint alors parmi eux, mais Saban sentit tout de même l'excitation gagner le cœur de ses condisciples. Ce n'était pas étonnant après tout, Anzar était un dieu extrêmement puissant et il maîtrisait bien plus d'attributs que la plupart des autres divinités. Leur maître était capable de commander au ciel, au relief ainsi qu'aux étendues d'eau douces et salées.

      Saban regardait avec curiosité la bague que le roi portait à son annulaire. À présent qu'il connaissait l'identité de leur maître, le jeune homme reconnut l'artefact des trois éléments. Il s'agissait d'un des objets les plus puissants qui puissent exister, tous mondes confondus.

      Selon les légendes, cet objet permettait au dieu de contrôler ses trois attributs et de les déchainer avec une puissance inégalable. L'artefact avait une réputation tellement grandiose qu'elle impressionnait même les autres divinités, nombreux étaient ceux qui avaient essayé de s'en emparer.

      Toutefois, Saban se demanda comment Seth avait fait pour renverser le Roi Anzar alors que ce dernier possédait un objet enchanté aussi puissant. Bien que le dieu égyptien soit incroyablement fort, il était quand-même étrange de perdre avec un tel avantage. Et pourquoi la légende narrait la mort d'Anzar, continua de penser le jeune homme sans détourner son attention des mains du dieu.


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