Chapitre 19.1 : Tension et jalousie
La nuit tombait sur le palais d'Olokun et le petit groupe fut guidé jusqu'au perron grâce à l'éclairage de la lune. Toutefois aucun d'eux ne semblait pressé de rentrer, ils étaient pris dans une discussion agitée.
Autour d'eux, quelques membres de l'Académie les contournaient en les regardant d'un œil curieux. Mais le groupe ne leur prêtait pas attention et préférait s'entretenir sur ce qu'Amir, Saban et Ratatoskr eurent vu quelques heures plus tôt.
– Je vous dis qu'on devrait en parler aux mentors, insista Saban en regardant à tour de rôle chacun de ses camarades.
– Je suis d'accord ! lança Héraclès en hochant de la tête. Mais le regard d'Aja le fit frissonner. Celle-ci observa longuement Saban, pendant qu'il expliquait les raisons pour lesquelles ils devaient prévenir leurs dirigeants.
– Je pense qu'on devrait être un peu plus prudents, commença la déesse à son tour, peut-être qu'il existe une justification à sa présence sur les lieux. Il s'agirait donc d'un plan et cela risquerait de nuire à votre réputation, si elle apprend que vous l'aviez prise en filature.
– Qu'est-ce qu'on en a à faire de la réputation ! lâcha Ratatoskr, dis juste que tu chouines à l'idée qu'on vire ton enseignante chérie.
– Surveille mieux ton langage, petit rongeur débile !
– Oh ! s'exclama Ratatoskr en sautant de l'épaule de Saban, comment oses-tu ?
Mais l'ancien roi l'arrêta en le saisissant fermement par la queue. Le jeune homme souffla en ramenant l'animal auprès de lui, puis déclara d'une voix autoritaire :
– Nous irons avertir Orula de notre observation, inutile de s'éterniser sur le sujet.
Ils finirent donc tous par entrer dans le palais sans même rajouter un seul mot. L'autorité du jeune homme avait eu son effet et plus facilement qu'il ne l'aurait cru.
C'était au moment du dîner, dans la salle à manger privée d'Olokun, que Saban décida enfin d'avertir ses mentors au sujet de l'analyste des runes. Alors le jeune homme s'entreprit de décrire, sans omettre un détail, le lieu suspect dans lequel s'était rendue Watara. Mais les quatres dieux ne furent pas surpris.
Apparemment, d'après ce que lui avait révélé Orula, Watara avait pris l'initiative d'infiltrer la Confrérie. Elle avait proposé cette idée aux mentors, prenant ainsi des risques incommensurables. Car, en effet, sous-estimer la grandeur de cette organisation serait une grosse erreur à ne pas commettre.
Cela expliquait donc sa présence sur les lieux. Aja avait, en effet, vu juste. La déesse lança un regard victorieux à l'adresse de Saban, mais ce dernier ne sembla pas du tout affecté par cette nouvelle.
Il jugeait avoir fait ce qu'il fallait, le résultat l'importait très peu. L'atmosphère était conviviale, remarqua l'ancien roi en regardant les membres de son groupe académique attablés en compagnie de ses mentors.
Depuis deux semaines, sous la demande de Saban, le demi-dieu et l'athénienne venaient souvent dîner le soir dans les quartiers d'Olokun.
Une familiarité inattendue s'était créée tout doucement entre eux, ses mentors parlaient et s'esclaffaient gaiement. Enfin, tous sauf un, observa le futur meneur en regardant Ellegua découper un morceau de venaison, sans participer à la discussion.
Celui-ci croisa le regard de Saban et d'un geste discret de la tête, il indiqua Amir. Mais le disciple d'Ellegua secoua lentement la tête pour lui faire comprendre en silence, qu'il n'avait toujours pas franchit le pas. Alors le dieu fourbe soupira avant d'avaler une gorgée de vin de palme.
L'ancien roi porta un regard sur Amir, dont la colère contre son rivale semblait s'être dissipée. À présent, il bavardait bruyamment avec Thelmar, sans quitter des yeux le dieu d'Ygdrasil qui faisait le fou en se promenant sur la table. Orula avait le visage radieux comme à son habitude et rigolait devant les prestations de Ratatoskr.
Devait-il vraiment gâcher ce moment ? se demanda-t-il en jetant un regard à l'adresse d'Ellegua, celui-ci quitta la table sans rien dire, avant d'emporter une bouteille de vin.
Saban soupira et décida d'opter une fois de plus pour la procrastination. Soudain, un petit projectile heurta son front. Il écarquilla les yeux et vit l'écureuil se tenir sur un plateau de fruits, avec trois gros raisins dans ses petites mains.
Devant les rire amusés des autres, le rongeur les lui jeta en plein visage. La cible de Ratatoskr esquissa un sourire avant de lui rendre la pareille en lui envoyant également des raisins. Alors le rongeur détala à travers la table tout en essayant d'esquiver, maladroitement, les projectiles de fruits comme s'il s'agissait de jets de catapultes.
Après le dîner, Héraclès et Thelmar rentrèrent fatigués à leurs dortoirs. Ces derniers savaient pertinemment que leurs trois camarades disposaient de chambres personnelles. Mais ils refusaient d'en avoir également, car cela attirerait trop vite l'attention sur eux, s'ils quittaient subitement leurs dortoirs.
******
Le lendemain matin, Après avoir longtemps réfléchis à la façon dont il allait s'y prendre, Saban se décida enfin à se rendre auprès d'Amir pour faire ce que lui avait conseillé Ellegua. Mais son ami semblait déjà pris dans une discussion agitée avec Aja, dans les jardins. L'ancien roi sentit la tension qui était présente entre les deux compagnons.
Ne voulant pas prendre part à leur dispute, il tourna brides et s'éloigna de la table où ils étaient tous les deux assis. Sauf qu'Amir l'avait déjà repéré, celui-ci l'appela alors, sans même se soucier de son entretien avec Aja.
De toute évidence, la déesse ne semblait pas du tout ravie que son compagnon invite le jeune homme, elle le fit d'ailleurs remarquer en soufflant bruyamment. Leur conversation était privée, mais le berbère fit comme si de rien était.
– Comment vas-tu, mon frère ? demanda Amir en lui faisant une place sur son banc, tu ne devineras jamais ce que me racontes notre chère déesse. Que je suis jaloux ! Non mais tu entends ça ?
Après avoir clairement montré son agacement, il se ressaisit en regardant Saban.
–Tu me trouves jaloux, moi ? interrogea-t-il en plongeant son regard dans les yeux de son ami.
– Euh non...
Saban se sentait vraiment mal à l'aise. À présent qu'il se trouvait dans cette situation gênante, il ne voulait plus qu'une chose : s'en aller loin d'eux et leur laisser régler leurs problèmes de couple. Il ne comprenait absolument pas pourquoi on le mêlait à cette dispute, la vérité est qu'il n'en avait strictement rien à faire des histoires d'amour.
– Eh bien, tu vois ? interrogea le berbère en portant un regard sournois à sa compagne qui semblait sur le point de craquer, tu n'es pas le centre du monde, ma déesse !
– Depuis quand m'appelles-tu ainsi ? demanda Aja d'une voix agacée et enrouée, ma déesse ? Mais t'entends-tu parler au moins ? Tout ça parce que je traîne quelques temps avec Héraclès, ne m'en veux pas si tu te sens complexé d'être qu'un simple mortel.
– Ne me rabaisse pas à ma situation d'humain ! Rétorqua Amir en se levant brusquement du banc, il lui jeta un regard noir puis finit par s'en aller.
La déesse tourna lentement ses yeux embués de larmes vers Saban. Celui-ci vit l'incompréhension d'Aja et la tristesse qu'elle ressentait, elle semblait tout aussi perdue que lui, mais il ne savait pas quoi dire.
Incapable de trouver les mots pour consoler l'orisha, le jeune homme soupira avant de la laisser seule dans le jardin.
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