Chapitre 10.1 : Le père aimé et le fils détesté.

      La ville était en deuil, même le ciel semblait partager la tristesse qui planait dans l'atmosphère. Alors que Kuyushi avaient déjà perdu un grand nombre de ses habitants, suite à l'attaque des sbires de Meschak le balafré, la nuit qui suivit, le roi finit également par s'éteindre.

      Le désespoir de ceux qu'il avait laissé derrière lui était intense, les pleureuses remplissaient les rues de leurs larmes et leurs cris résonnaient dans tout le royaume. Des chanteurs faisaient jouer de leur voix dans un rythme funéraire. Le peuple venait déposer des offrandes à la famille royale, en guise de cotisation.

      Les rois des autres royaumes environnant de l'empire du Wagadou, vinrent à Kuyushi pour assister à l'enterrement de celui qu'ils ont jusqu'ici appelé "Le Roi Shuba". C'était un homme formidable, lui racontaient certains rois. Le prince rencontra alors, pour la première fois de sa vie, les visages les plus importants de l'empire qui entraient et sortaient du palais. Ils venaient tous les mains remplies de présents tels que de l'or, des diamants, des esclaves, du bétail ainsi que du tissu.

      Les voyageurs européens et les commerçants berbères nomades s'y mêlaient également, sachant pertinemment qu'en tant que futur roi et futur propriétaire des mines de Kuyushi, Saban devra gérer une importante partie des échanges transsahariens. En considérant, bien-sûr, le fait qu'il payera les taxes imposées auprès de l'Empereur.

      Le deuil dura sept jours, on construisit une tombe en pierre blanche dans laquelle on déposa délicatement le corps du roi. Le shaman royal y déposa les objets les plus précieux du défunt, avant de laisser les bâtisseurs condamner le tombeau, ces derniers construisirent quatres murs en calcaire autour du momnument. On referma le toit avant d'ensevelir le tout sous une petite montagne de terre.

      Le tombeau du roi se trouvait à l'arrière du palais. Normalement, seuls les proches de la famille royale et les hommes importants pouvaient y accéder. Mais Saban avait insisté pour que tous les habitants voient une dernière fois leur roi. Qu'ils contemplent le tombeau de l'homme qui avait fondé le royaume de Kuyushi, qu'ils l'admirent et qu'ils en fassent un modèle pour leurs enfants et leurs petits enfants.

      Saban était fier d'être le fils d'Eshu, celui qu'on appelait le fourbe, le farceur. Ce dieu qui l'avait élevé méritait un enterrement exemplaire, il méritait d'être vu et vénéré une dernière fois par ses sujets. Une main serra doucement le bras de Saban, c'était Amir. Il était là à ses cotés et le prince comprit que son ami sera toujours avec lui, quoi qu'il arrive. C'est ce qu'il lui fit comprendre en le regardant dans les yeux, Saban voyait en lui, en Aja et en ses quatre maîtres, une lueur d'espoir. Peut-être connaîtra-t-il quelque chose après toute cette souffrance, qui sait combien de siècles a vécu son paternel avant de connaître la joie de vivre en ce bas monde.

******

       Autour de lui, se trouvaient tous ses plus fidèles généraux. L'Empereur Boro s'était allié à des dieux originaires du même royaume que le sien, y compris à ceux provenant des autres puissances célestes. Ensemble, tout en partageant la même pensée, ils avaient conquit une partie des territoires composant l'immensité du monde divin, mais certaines divinités s'opposaient encore farouchement à leurs idéaux impérieux.

      L'Empereur Boro était, malgré lui, surnommé "Le pire de tous''. Le concerné ne comprenait pas tout à fait la raison de cette appellation. Pourtant, l'Empereur avait comme seul objectif, depuis le début de sa conquête, de sauver la race divine en préservant l'influence de celle-ci dans le monde des hommes.

      Les dieux se faisaient progressivement avaler par l'ombre inquiétante du monothéisme. Mais, voilà que des incorrigibles révolutionnaires prônaient la fin du règne divin basé sur une soi-disante tyrannie. De la pure folie, pensait Boro en éprouvant une haine incommensurable envers les dieux rebelles. Les mortels ne devraient point se permettre de mettre aux oubliettes le culte de leurs créateurs, pensait-il en s'offusquant de la stupidité de ses semblables.

      Mais pourtant c'est ce qui était en train de se passer depuis quelques siècles. Les dieux perdaient en pouvoir et en longévité. Alors qu'il était assis sur son trône, tenant fermement dans sa main un gobelet d'or, il s'abreuva d'un épais liquide rouge semblable à du vin.

      Boro repensa d'un air évasif à l'orbe du pouvoir qui perdait en énergie à mesure que les cultes des dieux diminuaient sur Terre. Sans l'adoration de la part des ces misérables mortels, l'orbe ne pouvait pas se gorger d'énergie suffisante, afin de nourrir l'immortalité des dieux. Cet artefact est d'une importance capitale, celui qui le possède peut se permettre de faire chanter quelconque divinité.

      Il s'agit là de la relique la plus convoitée du monde divin, elle est gardé par des Ishims. Des êtres dont la nature intermédiaire se trouve à la frontière de celle des dieux et des humains. Tout au sud du monde divin, juste après les montagnes de Darknah et la vallée des terres communes se trouve un temple. Ce temple était sérieusement protégé par un des derniers bastions de la résistance.

      L'Empereur déposa son gobelet d'or sur sa table devant les regards impatients et inquiets de ses généraux. Boro les regarda un par un de son regard impérieux, ses cheveux coiffés en dreadlocks, soigneusement entremêlés avec des anneaux d'or, retombaient sur son dos.

      Ses vêtements en lin blanc étaient impeccables, la beauté du dieu était impressionnante et son charisme envoûtant. À ses avant bras, il portait de larges bracelets d'or faisant ressortir ses biceps. La longue cape jaune, accrochée sur le dos du trône, ajoutait la touche de perfection absolue à sa beauté.

– Aja ne m'est toujours pas revenu et cela m'inquiète terriblement, lança-t-il du haut de son trône, elle semble être accompagnée de deux hommes étranges ! L'un d'eux m'a fortement intrigué, car il a réussi, je ne sais comment, à vaincre le dieu Bida.

      Un murmure d'étonnement traversa l'assemblée. Les dieux avaient du mal à y croire, la peur et l'incompréhension se manifestèrent soudainement parmi eux. Les yeux de Loki croisèrent ceux de Boro, le roi d'Asgard ressentait la frustration de l'Empereur. Celui-ci pensait, tout comme le souverain suprême, à la mystérieuse prophétie du dieu-traître, Orula.

– Avec tout le respect que je te dois, mon très cher Boro, tu n'es sans savoir que je doute énormément d'Orula ! Répondit Hadès avec son habituel ton amusé, il était vêtu d'une élégante toge noir qui tombait sur le sol. Tu ne devrais pas t'inquiéter pour les balivernes racontées par ce traître, nous avons déjà conquis la quasi-totalité de notre monde et même avec le plus grand des guerriers, aucune résistance n'aura raison de nous.

      Ses yeux de mercure en fusion cherchaient à convaincre l'Empereur.

      Les autres dieux approuvèrent les affirmations d'Hadès, celui-ci fit une courte pause puis n'obtenant pas de réponse de la part de Boro, il continua en déclarant:

– De plus, il est inconcevable qu'un être, même un dieu ayant grandit sur terre sans aucune formation divine, vienne à bout de l'imbattable Bida, impossible !

– Je te l'accorde, dieux des enfers ! Lui répondit poliment Boro en lui adressant enfin un regard, toutefois mon serviteur m'a confirmé son exploit, il a également assisté, impuissant, à la défaite de tous ses hommes. Quelques jours plus tard, alors que je l'avais renvoyé cherché la traîtresse Aja, j'apprends que ce même mortel a de nouveau usé d'un de ses tours de passe.

– Cela ne veut rien dire, insista Hadès en détournant son regard d'un air agacé, nous n'étions pas sur les lieux donc impossible d'affirmer qu'il l'ait bien tué. Dans la pire des possibilités, il s'agirait sûrement d'un malencontreux accident.

– Absurde ! Le dieu-serpent ne peut mourir d'un simple accident ! Rétorqua un autre dieu. 

      Il s'agissait de Baldur, le dieu de la rage destructrice, de la colère et un des amis du défunt dieu Bida. Un peu plus loin, dans l'assemblée, se trouvait un dieu nommé Shango, nonchalamment assis sur son siège faisant mine de s'ennuyer, qui ne participait pas au débat. Le dieu croisa enfin le regard de l'Empereur, avant de se lever brutalement et de lâcher avec une voix forte qui brisa le brouhaha :

– Cessez donc vos jacasseries ! Au lieu de vous disputez sur des sujets aussi futiles, portez vos testicules et descendez vous-même pour affronter ce misérable mortel qui ose nous défier !

– As-tu un plan, demanda Boro au dieu orisha du tonnerre. La démence de Shango dissuadait les autres de répondre. Ce dernier était pris d'une folie permanente et lorsqu'il se battait, cela s'empirait.

– Mon plan ? Demanda-t-il d'un air ahuri en penchant la tête sur le côté comme un animal, je viens à peine de le formuler ! On descend et on met fin à leur arrogance !

      Boro hésitait à envoyer Shango, ces yeux appelaient au massacre et à la destruction. Mais pourtant, le dieu orisha du tonnerre était un élément efficace dans sa conquête du monde divin. Alors qu'il se trouvait aux portes de la réussite, il se disait qu'il pouvait bien lui faire confiance malgré son tempérament violent.

– D'accord dieu du tonnerre, acquiesça enfin l'Empereur, mais n'oublie surtout pas que le plan a changé, dorénavant il faut à tout prix que tu nous ramène la déesse vivante, j'ai bien dis vivante ! Elle est la clé de notre salut, si nous voulons prendre possession de l'orbe. 

       Boro repensait à ce que lui avait avoué un dieu au sujet d'Aja, juste avant de mourir. Apparemment elle se révélait être bien plus importante qu'il le croyait.

      Shango fit une révérence et sans perdre plus de temps, il se retira de la salle du trône devant les regards peu rassurés des autres dieux.


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