Chapitre 8 : Achille
Vendredi 8 décembre : Achille
En se réveillant ce vendredi matin, Achille avait eu l'impression que quelque chose avait changé : l'ambiance était différente. Il s'assit sur son lit, un peu désorienté, et ses yeux se posèrent sur la fenêtre. Prit d'une soudaine intuition, il se leva d'un bon et s'avança jusqu'à la vitre. Il ouvrit les rideaux d'un coup sec, et son visage s'éclaira d'un franc sourire : le monde était devenu blanc. Les maisons, les jardins et les routes, tout était immaculé et recouvert d'un épais manteau de flocons. Il avait dû neiger toute la nuit, vu le résultat.
Un cri de joie retentit soudain, en provenance de la chambre de Pénélope :
- Waouh ! Il a neigé ! Tout est blanc !
Achille entendit ses petits pas contre le plancher, et l'accueillie d'un grand sourire quand elle débarqua dans sa chambre à lui.
- Achille ! Achille il a vraiment neigé aujourd'hui ! T'as vu ça ? C'est trop bien !
L'adolescent s'amusa de son enthousiasme typiquement enfantin.
- Oui, c'est génial hein !
- Et si ça se trouve on ne sera même pas obligés d'aller à l'école, vu que les routes sont pleines de neige ! Comme l'année dernière, tu te souviens ? On était restés tout les deux ensembles et on avait regardé tous les Harry Potter en buvant du chocolat chaud avec des guimauves dedans ! C'était trop bien ! Si je ne vais pas au collège et que tu ne vas pas au lycée non plus, on pourra faire ça ? Dis oui dis oui dis oui !
Achille éclata de rire. Parfois, il se demandais si sa sœur ne se faisait des perfusions de sucre et de café pendant la nuit, pour avoir une telle énergie. Puis il se rappela mentalement que lui-même avait toute les peines du monde à rester une heure sur une chaise sans bouger en classe, alors peut-être que c'était un trait de famille finalement.
- Alors ? insista sa petite sœur. Dis oui !
- Oui !
- Yeah !
- Mais je ne sais pas si on a des guimauves, et c'est surtout à maman qu'il faut demander. Si ça ne tenait qu'à moi, Harry Potter aurait déjà appris le wingardium leviosa et le lait serait en train de chauffer. Mais c'est maman qui décide, si ça se trouve on va devoir aller à l'école...
Pénélope se remit alors à courir et sortit de la pièce, avant de dévaler les escaliers et de hurler :
- Mamaaan ! Comme il neige on peut rester ici à la place d'aller au collège hein ?
Achille entendit sa mère rire. Il attrapa son gros sweat rouge dans son armoire, qu'il enfila par dessus son pyjama pour ne pas avoir froid. Il descendit, et tomba sur sa sœur en train de courir dans le salon, surexcitée, tandis que sa mère était au téléphone.
- Oui, disait-elle à son interlocuteur, je vois... C'est noté. Les bus ne sont pas en fonction vous dites ?
À ces mots, Pénélope lança un regard plein d'espoir à son frère.
- Pas de bus, articula-t-elle à son adresse. Ça veut dire : pas de collège, ni de lycée !
- Ne t'enflamme pas trop, lui répondit son frère sur le même ton. Maman a une voiture tu sais.
La petite fit une grimace pleine de désapprobation.
- Ne vas pas lui donner de mauvaise idée !
Leur mère raccrocha alors et se retourna vers eux.
- On va devoir rester ici à cause de la neige c'est ça ? lança Pénélope avec un sourire angélique.
La femme avança et lui ébouriffa les cheveux, sous les protestations de la fillette.
- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, commença-t-elle mystérieusement, alors qu'Achille se disait que ça n'annonçait rien de bon. Le collège et le lycée seront bien ouverts aujourd'hui !
- Pardon ? s'indigna Pénélope, tandis qu'Achille s'exclamait :
- Et la bonne nouvelle ?
- C'était la bonne nouvelle.
- Quoi ? hurla la petite. Mais ce n'est pas une bonne nouvelle ça ! Je n'ose même pas imaginer la mauvaise...
- La mauvaise, c'est que vous allez bel et bien y aller.
- Mais non ! Non non non ! s'énerva Pénélope. Je croyais qu'il n'y avait pas de bus aujourd'hui !
- Oh, il n'y en a pas. Mais je vous emmène en voiture.
Achille ne pu s'empêcher de lancer un petit regard signifiant clairement « je te l'avais bien dit » à sa petite sœur, qui leva les yeux au ciel pour toute réponse. Son grand frère la comprenait, après tout elle s'imaginait déjà passer toute la journée dans le canapé, à regarder des films et manger tout un tas de bonnes choses, et à la place on lui annonçait que, contre toute attente, elle allait devoir aller au collège, sous la neige.
- C'est vraiment injuste, grommela justement la petite. D'habitude, tu ne peux jamais non emmener en voiture, mais là, comme par hasard, tu peux.
- Oui, je vais perdre du temps pour emmener ma fille ingrate au collège, pour qu'elle ait une éducation et un métier plus tard !
- Pff, comme si une journée de plus ou de moins allait changer quoi que ce soit...
- Arrête de râler Pénélope, de toute façon ce n'est pas ça qui va me faire changer d'avis ! Vous allez aller à l'école, parce que vous n'avez pas le choix, point final. Simplement vous n'allez pas y aller en bus, c'est moi qui vais vous déposer. C'est comme ça. Et maintenant, dépêchez-vous de prendre votre petit-déjeuner, on a déjà perdu assez de temps comme ça !
Le repas se déroula dans une drôle d'ambiance. D'habitude, c'est Pénélope qui animait ce moment de la journée, elle était un vrai moulin à paroles le matin, contrairement à Achille qui avait besoin d'émerger un peu. Sauf qu'aujourd'hui, la petite faisait la tête et pestait désormais contre la neige, qui lui avait honteusement donné de faux espoirs.
Une fois dans la voiture, les discussions ne furent pas beaucoup plus animées. Comme à son habitude, leur mère râlait sur tous les autres conducteurs qui avaient le malheur de conduire trop rapidement, ou au contraire trop lentement, ou encore ceux qui ne mettaient pas leurs clignotants, ceux qui oubliaient de les retirer... Pénélope elle commençait enfin à se dérider, émerveillée par la neige. Et puis, leur mère roulait tellement lentement et prudemment à cause de celle-ci qu'elle avait encore le fol espoir qu'ils n'arrivent pas jusqu'au collège.
Achille lui observait juste les flocons tomber à la lumière des phares de voitures et des halos des lampadaires. Le reste du paysage était plongé dans la pénombre, ce qui créait une atmosphère étrange et fantasmagorique, presque irréelle.
Sa mère s'arrêta finalement pour les déposer, tout en leur recommandant de ne pas courir dans la neige, pour ne pas prendre le risque de tomber. Évidemment, dès que la voiture tourna au coin de la rue, Pénélope se mit à gambader partout.
- Fait gaffe, rit Achille en faignant de dégainer son téléphone portable, si jamais tu tombes je ferai en sorte d'immortaliser le moment !
- Tu n'oserais pas ! gronda la petite en s'arrêtant néanmoins, effrayée par la menace.
Néanmoins, quand Achille partit vers son lycée, situé deux rues plus loin, il vit en se retournant qu'elle piquait un sprint pour rejoindre ses amies dans la cour du collège. Il sourit, amusé. S'il avait été avec Neil, ils auraient fait exactement la même la chose. Leur spécialité quand ils étaient ensemble, c'était de faire les gamins. Et Achille s'avérait des plus doué dans cette discipline. Bien plus qu'en géographie en tout cas. Il venait de se rappeler qu'il avait un contrôle là dessus aujourd'hui, et bien sûr, il avait totalement oublié de réviser. Avec la disparition de son meilleur ami, les détails futiles de ce genre lui sortaient de la tête, malheureusement pour sa moyenne générale, déjà en piteux état.
En arrivant devant le lycée, il fourra ses mains glacée dans les poches de sa fidèle doudoune orange. Il souvenait du jour où il l'avait mise pour la première fois l'année précédente : Neil était resté perplexe face à cette excentricité, et la majorité de sa classe l'avait appelé « citrouille » pendant des semaines. Mais Achille ne l'avait pas lâchement abandonnée, toutes ses économies y étaient passées, et lui l'adorait cette doudoune, ce qui était le principal. Il avait bien fait, désormais tout le monde trouvait ça cool, ou du moins, n'osait plus lui dire le contraire. Il avait remarqué que quelques personnes avaient depuis osé des vêtements de cette couleur plutôt flashy, qui détonnait au milieu de la mer de couleurs neutres.
Il était en retard, mais il avait la meilleure excuse du monde : la neige. Tout le monde était concerné et était impuissant face à ce phénomène météorologique. Et puis il l'avait fait l'effort de venir malgré l'absence de bus, contrairement à la majorité des élèves, il le savait d'avance.
L'adolescent appuya sur le bouton qui ouvrait la grille et croisa le regard de Sylvain, le pion qui était chargé de surveiller qu'aucun individu étranger ne pénètre dans le lycée. Achille avait toujours trouvé cette précaution plus qu'inutile : personne sain d'esprit n'aurait eu l'idée de venir de son plein gré dans un lycée. Mais bon, c'était le protocole, à cause des attentats et toutes ces autres conneries.
Il accéléra le pas une fois à l'intérieur du bâtiment, pour qu'il soit un peu essoufflé lorsqu'il débarquerait en plein milieu de son cours de mathématiques, afin que son professeur pense qu'il avait fait tout son possible pour arriver à l'heure en cours. Ce qui était absolument faux bien entendu, mais ça, personne à part lui n'avait besoin de le savoir.
Le garçon s'arrêta au détour d'un couloir quand il sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Il eu un mal fou pour l'en extirper avec ses mains encore gelées. Il jeta un coup d'œil à l'écran : c'était Cora qui venait de lui envoyer un message : « coucou ! comme je suis pas venue au lycée à cause de la neige, je me disais qu'on aurait pu passer la journée ensemble avec Prune, pour bosser sur le code secret de Neil ? »
Achille soupira de frustration. Être avec la jeune fille pour avancer sur l'enquête, voilà qui aurait été diablement plus utile que de venir au lycée aujourd'hui ! Il lui répondit rapidement : « ça aurait été génial, mais je suis au lycée là, je ne peux pas vraiment :( »
Les trois petits points signifiant que sa correspondante était en train d'écrire apparurent, avant de laisser place à ce message : « trop dommage ! sèche au pire ;) », suivi de « Prune aussi est venue en cours :( quelle bande d'intello ! »
Le garçon éclata de rire. Cora devait avoir dans les seize de moyenne générale, si ce n'était plus, et c'est elle qui disait ça !
« Pas vraiment non » répondit-il, « juste une mère un peu stricte ». « Je plaisantais, tout le monde sait que je suis l'intello ici ! moi aussi j'aurai dû venir normalement, mais c'est légèrement compliqué avec la fiat 500, on a pas pu dépasser le bout de la rue ! »
Achille sourit avant de ranger son téléphone. Il aurait pu continuer à discuter longtemps avec Cora, mais il allait commencer à être bien trop en retard pour que cela semble honnête.
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