Chapitre 4 : Cora
Lundi 4 décembre : Cora
Cora soupira lorsque son réveil sonna à six heures et demi ce lundi matin. Elle songea qu'elle détestait le lundi, puis se corrigea mentalement en se rappelant que c'était la société capitaliste qui lui faisait détester le lundi, et donc que c'était le capitalisme qu'elle détestait. Elle se souvint que son père travaillait dans une banque lorsqu'elle ouvrit les yeux, et soupira à nouveau. Il était trop tôt pour ce genre de réflexion.
Elle prit son petit-déjeuner au radar, sous les babillages incessants de son petit frère de douze ans, à propos de ses incroyable performances à son match de football la veille.
- Jae, tout ceci est diablement intéressant, ironisa-t-elle, mais pourrais-tu, s'il te plait, fermer ta gueule ?
Le morveux rétorqua en lui tirant la langue et en lui jetant des céréales à la figure. Sa grande sœur resta de marbre, elle savait très bien que si elle ripostait les choses allaient s'empirer. En restant parfaitement calme, elle était sûre d'énerver son frère, tout en n'ayant absolument rien à se reprocher. Elle souffla néanmoins quand le dix-neuvième projectile atterri dans ses cheveux en bataille, et dû se faire violence pour ne pas imiter l'enfant. À la place, elle se fit la réflexion qu'il était quand même très immature pour son âge, quand elle-même était en cinquième, elle ne l'était quand même pas à ce point non ?
Leur mère rentra dans la pièce à cet instant, et se prit la tête dans ses mains.
- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Cora ?
L'adolescente leva les yeux au ciel. Évidemment, cela allait être de sa faute maintenant... En y réfléchissant, c'était elle qui avait commencé quand elle avait dit au garçon de la fermer, mais ça, sa mère n'avait pas besoin de le savoir.
- Rien, si on excepte le fait que ce bébé me lance des céréales dans les cheveux !
- C'est elle qui m'embête ! s'écria Jae avant de riposter en jetant une nouvelle poignée d'aliments en l'air.
Il croisa alors le regard noir de sa mère, et s'arrêta aussi net, sous le sourire satisfait de Cora.
- Jae Park, tu vas arrêter ça immédiatement si tu veux réellement avoir cette console que tu as commandé pour noël ! Et tu vas me nettoyer ça sur le champ !
L'enfant bougonna que c'était du chantage et que c'était injuste en se mettant au travail, mais il se tu sous le regard menaçant de sa mère.
Cora en profita pour s'éclipser, elle n'avait pas envie que la colère de Florence Park s'abatte sur elle pour une raison quelconque. Quand elle commençait à s'énerver, tout le monde y passait, et ce matin, la jeune fille avait tout sauf envie d'en faire les frais.
Elle se prépara rapidement pour le lycée, sans oublier son éternel rouge à lèvre, et sortit vite de chez elle. Elle se mit à courir, sa dispute avec Jae l'avait retardée, et il ne fallait surtout pas qu'elle rate son bus. Sinon, c'était sa mère qui devrait la conduire, et vu son humeur, le trajet ne serait pas de tout repos. Non vraiment, le bus avait intérêt d'avoir un peu de retard pour Cora.
Elle le vit arriver au bout de la rue et elle piqua un sprint. Elle failli tomber dans la neige fondue de la vielle, mais pour une fois elle eu un peu de chance, et réussit à prendre son bus sans tomber par terre ou autre catastrophe.
Une fois assise à l'une des dernière place vide, elle se détendit et chaussa ses écouteurs, avant de lancer sa musique : Boys don't cry, de The Cure. Alors qu'elle se laissait emporter par la chanson, elle sentit son portable vibrer. Elle l'extirpa de sa poche en ronchonnant intérieurement : peu importe qui l'avait contactée, cette personne avait gâcher son instant musique, avant la jungle du lycée.
Elle jeta un œil dédaigneux à son écran. C'était Ève. Étrange, songea la jeune fille, après leur petite discussion, elle pensait qu'elles n'avaient plus rien à se dire, d'ailleurs personne ne l'avait contacté du week-end. Elle ouvrit son portable et lu le message : « il faut qu'on parle ». Elle le referma.
Cora en était persuadée, si elle avait été l'héroïne d'un film, la musique se serait arrêtée et aurait laissé place à un silence des plus angoissant. Mais elle était dans la vraie vie, et Robert Smith continuait de s'égosiller en fond sonore.
Elle décida de faire comme si elle n'avait rien vu. Quand on était en couple, ce genre de message ne présageait rien de bon, mais alors quand l'émetteur était une ancienne amie, qu'est-ce que cela voulait dire ? Pour une réconciliation, Ève lui aurait envoyé un petit « ça te dirait qu'on se voit ? », jamais quelque chose d'aussi stressant. De toute façon, une réconciliation s'annonçait plus qu'improbable, vu la situation...
En arrivant au lycée, Cora fut assaillit par Ève et Mathilde qui fumaient devant le portail. Elle ne pu s'empêcher de faire une mine dégoutée quand Ève lui cracha sa fumée à la figure d'une façon désinvolte.
- Cora ! On t'attendait justement ! s'exclama cette dernière avec un sourire bien trop large pour être honnête.
L'intéressée les observa avec méfiance.
- Qu'est-ce que vous me voulez ? La fin de notre amitié me semblait assez clair pourtant. Mathilde, comme tu m'as volé Daniel, ça ne va pas être possible, jamais. Et toi Ève, j'ai assez bien compris que tu préférais Mathilde à moi. Donc je ne vois pas ce qu'on aurait à se dire...
Mathilde commença à parler :
- Je ne t'ai pas volé Daniel, c'est une personne. Il ne t'appartenait en aucun cas et...
- C'est le concept du couple ! s'emporta Cora. Tu ne vas pas me faire croire qu'il m'a quitté juste comme ça, et que comme par hasard tu sortais avec lui le lendemain ! Même un lapin de trois semaines ne te croirait pas !
Ève tenta de calmer le jeu.
- Du calme les filles, on se calme... De toute façon on n'est pas venu te parler de ça Cora, pas vrai Mathilde ?
Cora s'éloigna de quelques pas et les fixa d'œil soupçonneux.
- Alors quoi ?
- C'est assez délicat, commença Mathilde. C'est à propos de Daniel...
- Je le savais, grommela Cora.
- Il... Il y a un...
- Un micro-pénis ! la coupa Ève en soupirant. Daniel a un micro-pénis, voilà le problème.
Cora ne pu retenir un éclat de rire, qui se transforma assez vite en véritable fou rire. Malgré les regards plein de jugement de ses deux anciennes amies, elle ne pouvait plus s'arrêter.
- Ce n'est pas drôle ! s'exclama Mathilde. C'est un problème sérieux, comment je fais moi ?
Cora tenta de retrouver son sérieux.
- Mais tu n'étais pas au courant avant ? Vu que...
- Non ! Ok j'avoue, j'ai commencé à lui parler quand tu sortais avec lui, et oui, on s'est embrassé quelques fois, mais ça s'est arrêté là ! Je te le jure !
- Eh bien dommage pour toi, t'en qu'à faire t'aurais dû coucher avec lui avant. Histoire de tester la marchandise...
- Mais, les coupa Ève, ce n'est pas la question. Comment tu faisais quand tu sortais avec lui, pour... tu sais, coucher ?
Cora dû se retenir de pouffer de rire à nouveau.
- Disons qu'on faisait ce qu'on pouvait avec ce qu'on avait. Il n'y a pas de technique secrète ou quoi, on s'adapte, c'est tout.
Mathilde se prit la tête entre ses mains.
- Et merde...
Cora s'autorisa un dernier éclat de rire avant de s'éclipser. Elle aurait pu expliquer à Mathilde que le sexe, ce n'était pas obligatoirement une pénétration, et Daniel compensait très bien son petit appareil, mais c'était infiniment plus drôle de la voir désespérer ainsi.
La sonnerie retentit alors, et la jeune se dirigea vers les laboratoires de physique-chimie. Elle allait y passer de – trop – nombreuses heures aujourd'hui, alors elle espérait de tout cœur que Neil allait mieux et qu'il serait en cours. Elle avait beau adorer la chimie, faire les expériences seule ne la tentait pas trop. Même si Neil n'était jamais d'une très grande aide et qu'elle devait plutôt rattraper ses bêtises pour qu'il ne mette pas feu au lycée, c'était bien plus drôle avec lui.
Pourtant après une demi-heure de cours, elle dû se faire une raison : il ne viendrait pas. Elle passa alors le reste du cours seule, et pour une fois, ce fut elle qui failli reverser le bécher d'acide.
Lorsque la pause du midi arriva, elle se retrouva seule. Le soir précédent, elle avait prévu de rester avec Neil, pour qu'il lui tienne compagnie et qu'elle ne se retrouve pas seule. Malheureusement il n'était toujours pas là... Elle n'aurait pas dû placer tous ses espoirs dans un garçon disparu.
Seule au milieu de la cafétéria, son plateau entre les mains, elle considéra sérieusement l'option Mean girl, à savoir se cacher aux toilettes pour manger. En relevant la tête, son regard croisa celui d'Achille Martin et elle décida de tenter le tout pour le tout : aller s'incruster avec lui.
Quand elle s'assis, il lui jeta un regard un peu bizarre, mais elle choisi de faire abstraction, avant de se jeter à l'eau :
- Salut ! C'est moi Cora... On a un peu parlé vendredi, et comme je t'ai trouvé sympa, je me suis dit que hm... on pourrait manger ensemble aujourd'hui ?
Il se força à sourire.
- Bien-sûr, assieds-toi.
Une autre fille les rejoignit alors, sans un mot. Cora l'avait déjà croisée dans les couloirs, mais elle aurait été incapable de remettre un nom sur son visage. Pas très grande, aux longs cheveux châtains bouclés retenus dans une espèce de chignon par un pinceau, à la peau pâle parsemée de tâches de rousseurs et aux yeux d'un bleu délavé perçant. Elle portait une chemise vert d'eau sous son caban brun et son énorme écharpe en laine jaune, ainsi qu'un jean un peu trop grand pour elle et une paire de bottine en cuir. Elle la salua, et Achille se chargea des présentation d'un ton morne :
- Cora, Prune. Prune, Cora.
- Enchantée de faire ta connaissance, commença Cora, alors que la dénommée Prune lui lançait un petit sourire empreint de timidité.
Un petit silence s'installa, et Cora s'empressa de le briser.
- Au fait Achille, tu sais où est Neil ? Il n'est pas non plus venu en cours aujourd'hui...
Prune et lui se jetèrent un drôle de regard, et Cora su qu'ils savaient quelques choses qu'elle-même ignorait.
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Il a des ennuis ?
Achille eut un étrange sourire.
- C'est possible.
- Comment ça ?
- Il a disparu, parla Prune pour la première fois, d'une toute petite voix.
Cora écarquilla grand ses yeux, choquée. Quand vendredi, elle avait émis l'hypothèse que Neil Fabre avait peut-être disparu, elle plaisantait. Mais de toute évidence, la réalité venait de dépasser la fiction...
- On pensait passer chez lui ce soir ou demain avec Prune, pour tenter d'en découvrir plus et peut-être trouver quelques indices...
- Oui, si c'est une fugue vous trouverez surement des trucs dans sa chambre, généralement ce genre de chose se prépare.
- Ce n'est pas une fugue, la coupa le garçon. Il m'en aurait parlé, c'est sûr. À moi ou à Prune.
- Pas forcément. Les gens ont une certaine tendance à garder des secrets, peut-être qu'il ne voulait surtout pas que ça s'ébruite. Et dans ce cas, la meilleure technique est de ne pas en parler du tout.
- Mouais... grogna Achille, absolument pas convaincu.
- Tu pourrais peut-être venir avec nous ? proposa Prune à Cora de sa petite voix fluette.
Cette dernière lui sourit. Effectivement, partir à la recherche de ce mystérieux garçon, cela l'aiderait peut-être à penser à autre chose. Elle avait passé son week-end immobile sur son lit, à songer à Daniel, Mathilde et compagnie et à déprimer. Mener cette sorte d'enquête la ferait sortir, et qui sait ? oublier son ancien petit copain et ses anciennes amies.
Cora acquiesça, et ils se mirent tous les trois à évoquer diverses hypothèses quant à la disparition du mystérieux Neil Fabre...
Ils étaient néanmoins beaucoup plus inspirés qu'elle, qui restait un peu en retrait. Eux savaient où habitait Neil, et surement tous les autres détails de sa vie. Cora elle ne connaissait que ce qu'il en montrait en cours, c'est-à-dire par grand chose. Elle savait qu'il avait des difficultés en mathématiques, en physique-chimie, en allemand, en histoire-géographie, en philosophie... À vrai dire à part la S.V.T et l'anglais, il était toujours en dessous de la moyenne, sauf quand il copiait sur elle en physique-chimie. Elle savait qu'il préférait se cacher au fond de la classe, qu'il détestait participer devant tout le monde. Que pour tout le monde, il restait dans l'ombre de son meilleur ami, qu'ils étaient indissociables : quand quelqu'un invitait Achille, ce qui arrivait très souvent, on savait qu'on invitait Neil avec, c'était comme ça.
En y réfléchissant, la jeune fille se dit qu'à part Achille, et visiblement Prune, personne ne voyait Neil comme une personne à part entière, tout le monde le considérait comme « le meilleur ami d'Achille ». Et c'est tout. Même elle, qui passait pas mal de temps avec lui en cours, elle n'en savait pas beaucoup plus.
Mais mener cette enquête, c'était une bonne idée pour se rattraper et en apprendre plus sur le mystérieux garçon. Et, qui sait, se faire un nouvel ami à l'arrivée ?
❅❅❅
And here we are, la team Achille-Prune-Cora est en marche haha !
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