Chapitre 2 : Achille
Samedi 2 décembre : Achille
Lorsqu'il se réveilla ce samedi matin, Achille sourit, de bonne humeur. Puis la journée d'hier lui revint à l'esprit et son sourire fondit aussitôt.
Il avait parlé avec cette fille, Cora. Neil lui en avait souvent parlé, c'était grâce à elle s'il avait miraculeusement de bonnes notes en physique-chimie. C'était un petit génie, et Neil en profitait en copiant sur elle sans aucuns scrupules. Ce n'était peut-être pas très moral, mais cela lui permettait de se maintenir hors de l'eau. Et puis Cora ne disait rien, alors ça ne devait pas la déranger tant que ça. À moins qu'elle ne s'en soit pas rendu-compte...
Quand il était rentré chez lui ce vendredi soir, Neil n'avait toujours pas répondu à ses dix-sept texto et trois appels manqués, et Achille commençait à s'inquiéter : ce n'était pas le genre de son ami de l'ignorer comme ça.
Il avait alors décidé de passer chez lui, même s'il savait que Neil l'en aurait empêché en temps normal. Mais ce n'était pas les temps normaux, et Neil n'était pas là. Pourtant, son intuition lui soufflait que ce n'était pas une bonne idée : il n'était pour ainsi dire jamais venu chez son ami, il l'en avait toujours dissuadé, en proposant d'autre plan, ou en prétextant que ses parents ne voulaient pas. Achille en avait conclu qu'il n'aimait tout simplement pas sa maison, ou que ses parents étaient effectivement super sévères.
Quand, non sans mal à cause du verglas, il était arrivé chez son ami, il n'avait pas su où poser son vélo : malgré la neige fondue, la pelouse était parfaitement entretenue et il avait peur de l'abimer. Il avait finalement posé son vélo contre le portail immaculé, en priant que cela ne l'abime pas.
Achille était ensuite rentré dans la propriété avec hésitation. Sans Neil, il se sentait étrangement mal à l'aise. Il inspira pour se donner du courage, et avança à grand pas, pour en finir au plus vite. Le bruit de la neige fondu sous ses timberlands le réconforta, et il se reprit : Neil était surement malade, et avait dû dormir toute la journée, voilà pourquoi il ne lui avait pas répondu.
Une fois devant la porte d'entrée, il sonna fermement, et se prépara à sourire à la personne qui allait ouvrir. Quelle ne fut pas sa surprise quand la porte s'ouvrit à la volée, laissant apparaître la mère de Neil, échevelée et vociférant :
- Neil ?!
Achille recula de quelques pas, effrayé, tandis que la femme, constatant que ce n'était pas son fil, se calmait.
- Oh. Achille. C'est toi. Entre je t'en pris.
Il avança d'un pas mal assuré, et elle lui lança en regard noir quand elle remarqua ses chaussures pleines de neige à moitié fondue. Il tenta de limiter les dégâts en s'essuyant vainement sur le petit paillasson « welcome home ! », avant de les retirer carrément et de suivre la femme à travers la maison en chaussettes de sport blanches.
Elle lui fit signe de s'asseoir sur le canapé immaculé du salon et il s'exécuta maladroitement. Il se retrouva juste sous le faux sapin de noël, décoré avec élégance avec uniquement des boules blanches et de la fausse neige.
La mère de Neil l'observa d'un air inquisiteur.
- Alors ? lui lança-t-elle d'une voix glaciale.
- Pardon ?
- Alors ? répéta-t-elle. J'imagine que tu es venu me dire où se trouve mon fils.
Achille la dévisagea, interloqué. Comment ça, où était Neil ? N'était-il pas censé être ici, malade et incapable de bouger ?
- Je... Je ne comprends pas. J'étais justement venu voir Neil. Comme il n'est pas venu au lycée, je me suis dit qu'il devait être resté ici parce qu'il était malade. La grippe peut-être. Ou la gastro ?
- Et bien j'ai le regret de te détromper : il n'est pas là.
- Mais alors, où est-il ?
La femme soupira.
- C'est là tout le problème. Si même toi tu ne sais pas où il est, alors personne ne le sait.
- Il aurait disparu ? s'étonna Achille.
- En effet. Ce matin, son lit était vide et ses draps même pas froissés. De toute évidence, il n'a pas dormi ici, et il n'a pas été au lycée non plus. Mon mari est au commissariat pour signaler sa disparition.
Achille ne répondit pas, estomaqué. Ainsi donc, Neil avait véritablement disparu...
- Nous pensions à une fugue de sa part, mais il t'en aurait parlé non ?
- Je pense... Enfin, c'est mon meilleur ami, et normalement on se dit tout, donc il aurait dû me le dire...
- Mais de toute évidence il ne l'a pas fait. Je vois.
- Vous ne pensez pas qu'il aurait pu être enlevé ? l'interrogea-t-il en songeant à sa discussion du matin avec Cora.
- C'est une possibilité bien-sûr, mais pourquoi l'aurait-on enlevé ? C'est ridicule, nous ne sommes pas millionnaires, personne ne songerait à nous demander une rançon, ça serait pour le moins stupide et illogique. Et je ne vois pas pour quelle autre raison on aurait pu l'enlever.
- Certains criminels agissent sans vraie logique, ils sont juste... fous.
Il tenta de ne pas penser à d'autre options. Et s'il y avait eu un accident et qu'il était mort ? Ou si un sérial killer qui passait par là l'avait poignardé avant de jeter son cadavre à la mer ? Il soupira. En s'empêchant de penser au pire, il y avait bien évidement pensé...
- Nous préférons nous en tenir aux hypothèses plausibles, inutile de dramatiser. Il est fort probable qu'il ait tout simplement fugué...
- Mais pourquoi aurait-il fait ça ? murmura Achille, troublé.
La femme se lança dans un discours décousu à propos des mauvaises notes de son fils et de son attitude « proprement révoltante », devant un Achille sidéré qui dû se retenir pour ne pas lever les yeux au ciel. Elle était surement très inquiète pour son fils, et irritée qu'il ait agit comme ça, il ne valait mieux pas qu'il en rajoute.
Alors il s'était levé, avait remis ses chaussures sous le regard toujours inquisiteur de la mère de Neil, et était partit. Il s'était remis à neiger, de gros flocons cette fois-ci. Achille les observait tomber du ciel noir et apparaître à la lumière des lampadaires, avant d'atterrir délicatement sur l'herbe du bas-côté et de fondre sur le goudron de la route. Il avait marché, son vélo à ses côtés, en réfléchissant. Neil avait disparu. Neil, son Neil, son meilleur ami depuis des années. Disparu.
Revenu à l'instant présent, Achille repoussa sa couette et se leva difficilement. Il jeta un coup d'œil à son téléphone : il était dix heures vingt-sept, et Neil n'avait toujours pas répondu au moindre de ses messages.
Le garçon descendit dans la cuisine, déprimé. D'habitude le samedi, il travaillait un peu le matin, avant d'aller à son entrainement d'athlétisme, puis Neil le rejoignait et il passait le reste de la journée ensemble. Qu'allait-il bien pouvoir faire aujourd'hui, sans lui ?
Sa mère, en train de faire cuire des pancakes, se retourna vers lui.
- Ça va Loulou ? Tu as l'air fatigué, tu n'as pas bien dormi ?
Le garçon tiqua à l'entente de son surnom, ridicule pour ses dix-sept ans, et soupira.
- Non, j'étais inquiet. Neil ne m'a toujours pas répondu.
- Hm. C'est préoccupant, c'est vrai que ce n'ai pas son genre...
Pénélope, sa petite sœur de onze ans, cru bon d'ajouter :
- Il est p'têt mort.
Sa mère lui lança un regard noir, et Achille lui donna une petite tape réprobatrice sur le crâne. La petite riposta en lui pinçant le bras avant de tirer la langue. Son frère leva les yeux au ciel. Il n'avait la motivation de se disputer avec elle ce matin. Seule la disparition de son meilleur ami lui occupait l'esprit actuellement... Et même les délicieux pancakes de sa mère ne lui rendirent pas le sourire, pas plus que les grimaces de sa sœur. Même les petits coups de tête de son chien, Pirate, caché sous la table pour réclamer un peu de nourriture, n'eurent aucuns effets.
Après avoir fini de manger, il se leva bruyamment, mais sa mère le retint un peu :
- Je sais que ce n'est pas forcément le bon moment, mais il faudra que tu rappelles ton père...
Achille se figea, avant de se retourner lentement vers elle. Il lui lança un regard noir.
- Achille s'il te plait... le supplia-t-elle. Il reste ton père malgré tout.
- Non. Plus après ce qu'il a fait.
- C'est bientôt noël, il serait peut-être temps de lui pardonner tu sais...
- Excellente idée, libérons tous les criminels de prison parce que « c'est bientôt noël » !
- Achille ! N'exagère pas, ce n'est pas un criminel, il n'a tué personne !
- Bien au contraire...
Sous le regard effaré de sa mère, il se chaussa, enfila sa doudoune orange, puis attrapa son chien et sa laisse pour aller le promener. Il sortit sans un mot, tandis que Pénélope questionnait sa mère avec innocence :
- Maman, pourquoi papa nous a abandonné ?
- On... On en reparlera plus tard ma puce.
- Mais tu dis ça à chaque fois !
Achille claqua la porte. Il n'avait pas envie d'en entendre plus. Son père était un salaud égoïste qui ne méritait pas qu'il lui reparle, point final.
Il souffla un petit nuage de fumée à cause du froid, puis libéra son chien de sa laisse avant d'enfouir ses mains dans ses poches. Il sourit en observant Pirate courir comme un fou dans la neige, son pelage noir de labrador contrastant avec la blancheur immaculée des flocons. Il le suivit, et fut vite réconforté par le « crouch crouch » de ses pas dans la neige.
Pirate accéléra soudainement et se mit courir comme si sa vie en dépendait. Achille sprinta derrière lui, presque heureux de la distraction que lui offrait son chien. Après quelques minutes de course poursuite effrénée, ils arrivèrent devant la maison de Neil. Pirate s'allongea devant le portail fermé, et poussa un long hurlement de désespoir.
Achille sentit son cœur se briser face à ce spectacle. Il s'accroupi à ses côtés, et tenta de le faire taire. Vu sa rencontre avec la mère de Neil la veille, il était à peu près certain qu'elle n'apprécierait pas qu'un chien hurle à la mort devant chez elle. Heureusement, l'animal se calma peu de temps après, et l'adolescent soupira de soulagement.
Pirate avança sur la route, sous les yeux étonnés de son maître, et s'arrêta face à la maison voisine. Achille se releva et le rejoint, curieux de savoir ce qui avait attiré l'attention de son chien. Il resta un instant perplexe, sans rien noter de particulier, puis il leva la tête, et comprit. Une fille était postée devant sa fenêtre ouverte, malgré la neige, et le fixait d'un air pénétrant.
Achille la fixa en retour. Il savait qui c'était, Neil lui en parlait souvent : c'était sa voisine, et leurs deux chambres étaient presque face à face, séparées par leurs jardins. Ils étaient évidemment devenus amis, et avaient passés une bonne partie de leur enfance à jouer ensemble. Ils s'étaient éloignés une fois au collège, mais d'après Neil ils étaient encore très proche et se parlaient souvent.
Le garçon resta un certain temps dans cette position, à observer cette fille qui le fixait en retour. Elle ferma soudainement sa fenêtre avant de disparaître, devant un Achille médusé qui ne réagit pas immédiatement. Il resta encore un peu, à réfléchir à tous ce que Neil avait pu lui dire à propos de cette fille, et soudain, il eut une illumination : elle s'appelait Prune Aubrun et était en terminale L dans le même lycée qu'eux.
Il jeta un dernier coup d'œil à sa fenêtre, puis siffla Pirate, avant de repartir. Il allait arriver en retard pour le déjeuné et sûrement rater son entrainement d'athlétisme, mais peu importe. Achille venait de prendre une décision capitale : il allait retrouver Neil, coût que coût. Et pour ça, il allait commencer par interroger sa mystérieuse voisine, Prune.
❅❅❅
Après Cora, voici Achille ! Comme d'habitude, il y a plusieurs personnages principaux et plusieurs points de vues, je crois que je ne sais plus faire autrement haha !
Bref, que pensez-vous du petit (ou plutôt grand, vu sa taille) Achille ?
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