Chapitre 14 : Achille




Jeudi 14 décembre : Achille

            Le sommeil d'Achille devenait de plus en plus agité. Il ne se souvenait même plus de la dernière nuit complète qu'il avait faite. Surement pas après la disparition d'Achille. Au départ, il était inquiet, mais désormais, c'était bien plus que ça : c'était une véritable terreur, qui le prenait aux tripes toutes les nuits, encore et encore, inlassablement, comme un monstre se lovant chaque nuit un peu plus profondément en lui...

En ce mercredi soir, ou plutôt jeudi matin vu l'heure, il pensait toujours à son ami disparu. La confrontation de la matinée avec les policiers l'avait ébranlé, bien plus qu'il ne l'avait laissé paraître.

Après la géniale petite intervention de Cora, qui pouvait surement prétendre au titre de grand stratège maléfique maintenant, il était vite retourné en classe. Peu de temps après, les deux policiers étaient entrés, avaient interrompu le cours d'anglais, puis avaient expliqué à tout le monde qu'ils allaient procéder à une sorte d'interrogatoire à propos de Neil Fabre. Un élève avait tenté de plaisanter en leur demandant s'ils avaient un mandat, mais vu l'ambiance sinistre qui s'était installée dans la salle, il ne récolta que des regards noirs et une heure de colle de la part du prof, visiblement à cran lui aussi.

Les policiers devaient avoir l'habitude de faire ça, car ils écoutèrent tous les élèves de la première moitié de la liste très rapidement. Quand vient le tour d'Achille, il se leva de sa chaise avec appréhension, et eut l'impression que la créature qui lui causait ses insomnies réapparaissait dans son ventre. Il dû se faire violence pour retenir un haut-le cœur. Ce n'est rien, s'intima-t-il mentalement, juste un petit interrogatoire de rien du tout par les policiers du coin, à qui tu vas mentir sans aucune gêne. Relax, aucune raison de stresser pas vrai ? Il soupira. Au contraire, il avait vraiment de quoi angoisser.

Quand il arriva devant la salle de classe qui avait été reconvertie en salle d'interrogatoire pour l'occasion, il faillit faire demi-tour en prenant ses jambes à son coup. Mais il se dit que cela ne ferait qu'empirer la situation, et le rendre suspect au yeux des officiers. Et puis, Cora avait bien réussi à le faire et à les prévenir lui et Prune avant, donc lui aussi devait pouvoir le faire, ce n'était pas insurmontable, loin de là. Et puis, sur le site pottermore, le choixpeau l'avait envoyé à Gryffondor, cela devait bien être pour une bonne raison. Il devait faire preuve de courage et s'en montrer digne. De toute façon, il n'avait pas le choix...

Il entra, et une policière assise face à une table lui fit signe de la rejoindre. Achille s'installa sur la chaise placée à cet effet, face au pupitre, et observa la femme discrètement. Elle était vieille, la cinquantaine largement passée, comme en attestaient ses cheveux blanchissants, son ventre bedonnant et sa peau ridée, attaquée par les âges. Néanmoins, vu la façon dont elle se tenait, et vu comment les autres policiers s'adressaient à elle, cela devait être la plus haut gradée de la brigade, leur supérieure à tous.

Achille tenta un petit sourire gêné, mais s'arrêta bien vite face au regard d'acier de la femme.

-       Achille Martin, commença-t-elle d'une voix sans entrain.

Elle devait avoir interrogé un certain nombre de lycéens vu l'heure et l'efficacité de ses hommes, mais, de toute évidence, ce travail l'ennuyait profondément.

-       C'est moi, répondit l'adolescent d'une voix faible.

-       J'imagine que toi non plus, tu n'as rien à me signaler ? Tu ne connaissais pas bien Neil Fabre mais tu voyais qui c'était, et s'il t'avait demandé de l'aide tu lui en aurais accordé ? C'est ce que viennent de me dire les trois quarts de ta classe...

-       À vrai dire non, la contredit-il. Je suis son meilleur ami.

-       Oh. Je vois.

-       Pourquoi tout le monde parle de lui au passé ? l'interrogea Achille, ne réalisant pas vraiment qu'il devait paraître des plus insolent face au chef de la police de leur petite ville.

-       Pardon ? releva-t-elle tout en remontant ses lunettes, surement pour l'examiner d'un peu plus près.

Il déglutit bruyamment. Il avait peut-être fait une grosse erreur de jugement en s'adressant à elle de cette façon.

-       Je veux dire, enfin... tenta-t-il de se rattraper, il n'est pas mort... Si ?

Elle se pencha vers lui au dessus de la petite table qui les séparait.

-       Non, il n'est pas mort. Ou, s'il l'est, nous n'avons pas encore retrouvé son corps.

Achille remarqua qu'elle ne répondait pas à sa question initiale, qu'elle avait brillement éludée.

-       Mais c'est moi qui pose les questions ici, reprit la femme. Tu disais que tu étais, pardon, es, son meilleur ami ?

-       C'est ça.

-       T'aurait-il parlé de fugué un jour ? Voulait-il partir ? Avait-il envie de changements ? De dépaysement ? D'aventure peut-être ?

-       Non. Enfin, pas que je sache. Pas fuguer. Mais il a un an de plus que nous, il a redoublé une classe. Il a bientôt dix-huit ans, il est presque majeur, alors peut-être qu'il a voulu partir parce qu'il en avait assez du lycée et de toutes ces conneries.

À ses mots, la femme haussa ses sourcils en signe de désapprobation.

-       Je vois... Pour toi qui connaît bien Neil, c'est une fugue ? Il serait parti de son plein gré ?

-       Je pense, mais à votre place, je n'écarterai aucunes pistes. Au cas où.

-       Bien sûr. Mais tu n'es pas à ma place.

Il se recula, surpris par les mots vifs de la policière.

-       N'as-tu jamais considéré l'hypothèse qu'il soit... décédé ? reprit-elle, un peu plus hésitante cette fois-ci : elle avait dû noter son mouvement de recul.

-       Évidemment. Ça fait des nuits que je ne dors plus, en pensant à toutes les choses horribles qui auraient pu lui arriver. En treize jours, il aurait pu se passer n'importe quoi. Il est peut-être mort depuis le premier jour...

-       Écoute, je ne vais pas te faire de fausses promesses ou je ne sais quoi. Vu la situation, il est effectivement possible qu'il soit mort. Et en plein décembre, avec la tempête de neige qu'il y a eu... Il aurait pu arriver n'importe quoi, comme tu le dis si bien.

-       Parce que vous n'avez pas bien fait votre boulot.

-       Neil est presque majeur, ce n'était pas notre priorité. La fugue était, et est toujours d'ailleurs, notre piste privilégiée. Et dans ce cas là, si nous le retrouvons, il n'aura qu'à attendre son anniversaire et ses dix-huit pour partir en toute légalité, pour de bon cette fois-ci.

Achille se renferma. Ils avaient pris la bonne décision, en choisissant de garder leurs découvertes pour eux. Pour rien au monde il n'aurait voulu que le journal intime de Neil se retrouve entre les salles pattes de cette femme, qui méprisait de toute évidence le disparu, et les adolescents en général.

Certes, il n'était pas sûr que ce soit légal, de dissimuler ainsi des informations à la police. Mais techniquement, ce n'était pas un mensonge, juste un mensonge par omission, ce qui comptait plus pour un demi-mensonge que pour un vrai.

De toute façon, ils s'étaient mis d'accord avec Cora et Prune, il n'allait pas tout faire capoter en manquant à sa parole. Ils s'étaient mis d'accord, maintenant, à eux de retrouver Neil. Tout reposait sur leurs frêles épaules d'adolescents dépassés par les événements...

Néanmoins, une petite, toute petite, part de lui ne pouvait s'empêcher de trouver ça cool. Il avait l'impression d'être dans l'un de ses films des années quatre-vingt, où tous les adultes sont des gros nuls et où les enfants doivent se débrouiller seuls pour percer à jour le mystère. Il espérait vraiment que, comme dans Les Goonies, tout ceci se termine par un happy end. Il le fallait. Et puis, c'était bientôt noël, la magie de cette période ne pourrait-elle pas fonctionner un peu, comme au cinéma ? Vu la situation, un petit miracle de noël ne leur ferait vraiment pas de mal...

Il repensait à tout ça dans son lit, tournant en vain pour trouver le sommeil. L'écran de son téléphone portable s'illumina soudain, et il sursauta. Son cerveau pensait encore au films des eighties, alors il s'imagina un greemlins qui avait pénétré dans sa chambre. Il était minuit passé, si quelqu'un lui avait donné à manger, alors une petite créature monstrueuse rôdait dans les parages... Il se redressa et se frotta les yeux, avant de se moquer de lui même intérieurement. Un greemlins, sérieusement ? Il disait n'importe quoi avec la fatigue, c'était affolant...

Il attrapa son portable, et vit que Cora lui avait envoyé un message. Il s'en étonna, pour lui elle était plutôt le genre de fille à dormir tôt, et pas à expédier des sms à trois heures du matin passées !

« J'ai réussi !Jj'ai trouvé la clé du code pour le journal intime de Neil, il suffisait juste de prendre le problème sous un autre angle ! »

Un énorme sourire apparu sur le visage d'Achille. Finalement, peut-être qu'il venait bien de bénéficier d'un peu de magie de noël...

« Vraiment ? » envoya-t-il à son amie, n'osant y croire trop vite.

« Yeah, appelle-moi Cora le génie à partir d'aujourd'hui ! » répondit-elle avant d'ajouter : « Je suis vraiment crevée par contre je vais me coucher, on décryptera ça ensemble avec Prune demain, ok ? »

Achille acquiesça, avant de reposer son téléphone sur sa table de chevet. Son sourire était toujours collé à son visage, il était trop heureux pour arrêter. Enfin une bonne nouvelle, une avancée dans l'enquête ! Ils allaient pouvoir lire le journal intime de Neil, et découvrir une bonne fois pour toute si c'était bel et bien une fugue...

Il se rallongea et se blottit sous sa couette, et, comme par miracle, il s'endormi aussitôt après. La créature avait finalement disparu, il était apaisé...



❅❅❅

Hehe, si vous comptiez décrypter le code par vous même, le temps presse ! (cela dit je doute que quelqu'un veuille vraiment s'embêter à faire ça en sachant la réponse aussi proche haha !)

Sinon, il ne reste plus que 10 chapitres avant la fin aaah ! Mais ça veut aussi dire plus que 10 jours avant le réveillon de noël, donc c'est pas plus mal haha !

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