Retournement
Antoine hésita un instant, puis, ayant conscience du fait que le temps leur était compté, demanda :
« Ben... Je sais pas trop en fait, pourquoi tout le monde dit que vous êtes méchants ? »
Cox réfléchit un instant et répondit :
« À l'hôpital, j'ai eu des relations compliquées avec les autres médecins. Quand ils ont apprit que certains de mes patients avaient accès, grâce à moi, à des traitements alternatifs peu connus, ils m'ont accusé de les droguer. J'ai aussi voulu créer une sorte de famille, où des gens qui avaient besoin d'aide psychologique pourraient se rassembler et s'entraider, mais les autres ont dit que je voulais créer une équipe de fous pour mener de mauvaises actions. Hayley est un peu tout ce qui reste de cette initiative. Tu sais que Lucie a failli en faire partie ?
- C'est juste pour ça ?
- Pas que : on a aussi participé à la prise d'otage des Pichons. Celle pour laquelle Montazac nous avait embauchés. Donc on a rien à se reprocher plus que lui, et pourtant regarde : toute la ville nous en veut. Tu trouves ça normal Antoine ?
- Ben non !
- Tu sais ma petite croute, continua Hayley, le docteur Cox est le père que j'ai jamais eu. Il m'a prit sous son aile quand j'étais perdue. Un peu comme Montazac avec ton cousin et toi.
- Sauf que tu vois, rebondit Cox, moi je ne fais pas ça pour l'image. Je ne suis pas bourré de fric, je fais ça car je tiens effectivement à elle. Concrètement, j'ai quel intérêt dans le fait de me trimballer ces deux là ? Aucun ! Simplement que je les apprécie et que je les aide. Ton Donatien là, il t'a déjà aidé, en dehors du salaire qu'il te verse ?
- Ben... Non pas vraiment vous avez raison. Il me crie toujours dessus, même quand on lui dit de pas le faire, et même si des fois on rigole bien ensemble il m'aide pas vraiment.
- Tu as réfléchi à la question que je t'avais posé sur la rançon ? Tu penses qu'il payerait ?
- Je... Non je pense pas. Daniel est pas de mon avis lui.
- Daniel se fait manipuler. Vous avez une famille en dehors de cette ville ? Parce que ça m'inquiète de vous voir traîner avec des gangs sans personne pour veiller sur vous.
- Oui, on a une famille. Enfin, ils s'occupent pas beaucoup de nous, mais... Enfin... Oui non, y a personne pour nous en ce moment.
- Donc Donatien est un peu apparu comme une famille de rechange, c'est ça ? Une figure paternelle ?
- Je crois que oui. Avec mon cousin on est très débrouillards mais c'est pesant un peu de toujours dormir sous les ponts et d'avoir personne sur qui compter. Y a Vanessa et monsieur Maison mais c'est plutôt des amis, pas de la famille. Avec Don Telo j'avais l'impression... Enfin... Je me disais que c'était différent.
- Mais en y pensant bien, ce n'est pas le cas ?
- Vous le pensez vraiment ?
- Je te demande simplement ton avis, Antoine. Est ce que, finalement, Donatien est vraiment différent de ta famille en dehors de la ville ? Est-ce qu'il tient réellement à vous ?
- Je sais pas.»
Une boule de plus en plus grosse se formait dans sa gorge tandis qu'il parlait avec le Docteur Cox, et ses yeux s'embuèrent. Il n'avait pas envie de le dire à haute voix. Ça le rendrait réel, concret. Mais non, il ne le pensais plus. Don Telo n'en avait rien à faire d'eux, et n'avait jamais tenu à eux. Seulement, l'admettre était bien trop douloureux pour le jeune homme, qui se contentait de réponses vagues et incertaines. La pensée que son cousin continuait de croire que Montazac les aimait le hantait, et l'envie de crier sur le vigneron pour oser abuser de la confiance de Daniel ainsi grandissait en lui. Antoine se sentait impuissant, voulant plus que tout protéger Daniel, mais rien ne semblait fonctionner pour le faire entendre raison. Sur le point de fondre en larme, il lâcha aux trois acolytes :
« Je sais pas quoi faire. J'ai besoin de votre aide, tout seul je vais pas réussir à aider Daniel.»
Hayley lui répondit gentiment, mais sur un ton teinté de peine à son encontre :
« Eh, on va réussir d'accord ? Ton cousin et toi vous allez vous en sortir, et Montazac et sa bande vous feront plus jamais de mal.
- Tu penses vraiment que c'est possible ?
- Je te promet de tout faire pour t'aider ma petite croute. T'es un gamin adorable, tu mérites mieux que ça !
- Merci beaucoup Threepack.
- Tou sais Antoine, affirma Juan, on né sé connaît pas beaucoup toi et moi, mais voir comment cé hiro de puta de Montazac té traite ça mé file la gerbe. »
Le jeune homme ne sut pas vraiment quoi répondre à Juan, et se contenta d'un petit sourire, tandis que le Docteur Cox frappait dans ses mains et déclarait :
« Bien, il va falloir qu'on trouve comment faire pour aider ton cousin alors. Est-ce que tu as la moindre idée Antoine ? Quelque chose qui le ferait réagir, un souvenir commun, des arguments qui pourraient le toucher ?
- Je sais pas vraiment monsieur...»
Alors qu'il allait poursuivre sa phrase, des Vagos sortirent de derrière une citerne, fusils levés, en criant des ordres en espagnol. Hayley et Juan sortirent immédiatement leurs armes tandis que le docteur Cox se saisissait du nécessaire pour faire un cocktail molotov, qu'il possédait sur lui, et enflamma le chiffon avant de lancer la bouteille. Les balles commencèrent alors à fuser autour d'eux dans un douloureux vacarme, et Antoine leva les mains en tentant de se dissimuler derrière l'un des wagons, terrifié par la fusillade. Il cria à plusieurs reprise :
« Laissez les ! Laissez les ! »
Cependant ses demandes restèrent sans aucun résultat, tandis que des tirs continuaient d'être échangés. Juan fut rapidement mit à terre par un tir qui sembla l'assommer, et le docteur Cox tomba également rapidement inconscient. Hayley s'effondra également quelques secondes plus tard. Cependant, devant les yeux horrifiés de Antoine, la jeune femme ne tomba pas comme les deux autres, mais en étant projetée en arrière, son corps percutant les rails tandis qu'une gerbe de sang était sortie dans son dos.
Tandis que les Vagos se donnaient mutuellement des indications et qu'une sirène de police devenait de plus en plus audible, Antoine resta à quatre pattes, des larmes coulant sur ses joues, observant avec horreur la scène sans pouvoir émettre un son. Sa bouche s'ouvrait et se fermait sans qu'une parole en sorte, le choc l'empêchant de penser clairement. L'arrivée de d'autres personnes sur les lieux ne percuta presque pas son esprit, tandis que son regard était fixé sur les corps inconscients de ceux qui avaient simplement voulu l'aider et en avaient payé le prix fort. Il était terrifié de ne pas connaître leur état, et une immense culpabilité emplissait son cœur en l'empêchant de respirer. Sans qu'il ne les remarque au premier abord, Daniel et Montazac étaient eux aussi arrivés.
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