Réalisation

Devant ce message, Antoine ne réfléchit pas, et appela immédiatement Don Telo. Ce dernier décrocha, mais bien loin de son habituel "Bonjour c'est Donatien de Montazac à l'appareil" jovial, il se contenta d'un sobre et froid :

« Oui ?»

Prenant son courage à deux mains, le jeune homme répondit alors :

« Vous... Vous pensez vraiment que je préfère discuter avec lui que vous ?

- Écoutez Antoine, on m'a dit que hier vous avez eu une discussion avec Cox. Qu'ensuite vous vous êtes rétracté et dit que c'était une conversation et pas un enlèvement. Ensuite, j'essaie de vous appeler, je vois que vous ne répondez pas, j'appelle Daniel, il me dit qu'il y a un soucis. Ensuite je vous vois parler avec le Docteur Cox. Mmh ? »

Après un long silence, ne sachant que dire, Antoine affirma, avant de raccrocher :

« J'ai juste eu peur monsieur.»

Il rejoignit alors son cousin, qui discutait avec Lucie. Elle demanda alors :

« Pourquoi tu parles avec le Docteur Cox ?

- Je prenais juste des nouvelles.

- Tu peux pas dire ça alors qu'il t'a enlevé.

- Il m'a pas enlevé ! On a juste discuté, et c'est le seul à me parler honnêtement ici, comme à un adulte, pas comme un idiot. Déjà y a Don telo qui veut plus me parler juste parce que j'ai parlé à quelqu'un d'autre, et de toute façon c'est toujours ma faute et moi qui fait des erreurs, c'est bon ! »

Il s'éloigna alors rapidement, sans écouter les protestations de Lucie, et fut rattrapé par Daniel un peu plus loin, qui lui demanda pourquoi Donatien ne lui parlait plus. Antoine répondit alors, au bord des larmes :

« Moi tout ce que j'avais besoin, c'était qu'il dise qu'il était là, qu'il tenait à nous, mais lui il me gronde et me dit que c'est ma faute parce que j'ai parlé avec Cox.

- Il t'a dit ça là au téléphone ?

- Oui. Je... On aurait pas du venir là.»

Daniel appela alors Donatien et Antoine s'éloigna, entendant vaguement les remontrances que Daniel faisait à son propre patron. De son côté, il tenta d'appeler Vanessa, avec qui il avait extrêmement besoin de parler, mais cette dernière ne répondait pas. Après un petit résumé de la discussion entre Daniel et Donatien, où les deux adolescents discutèrent de son important manque de tact, Joséphine de Beaucollier arriva et une sympathique discussion s'engagea, à l'issue de laquelle Antoine trouva enfin le courage d'appeler à nouveau le vigneron. Il sortit son téléphone, fit défiler son répertoire et choisit le nom de son employeur avant de porter l'appareil à son oreille.

« Oui Antoine ?»

Suite à l'hésitation du jeune homme à prendre la parole, le vigneron haussa alors le ton :

« Bon Antoine qu'est-ce qu'il se passe à la fin ?!

- Mais arrêtez de crier msieur, moi j'ai juste besoin de...

- Oh mais je vous crie pas d'ssus !

- Mais si vous me criez dessus !

- C'est parce que vous dites rien Antoine !

- C'est parce que c'est pas facile !

- Ben oui c'est pas facile mais qu'est ce qu'il vous a dit le Docteur Cox ?

- Il a dit que vous nous aimiez pas vraiment, que vous nous utilisiez pour votre image, que vous faites des prises d'otage, que vous collaborez avec des gangs qui nous ont menti pour se faire de l'argent sur notre dos, et, et... Et que si on étais pris en otage vous payeriez pas pour nous parce que vous aimez beaucoup l'argent ! Et ils ont dit que vous aviez menti sur tout, et moi à un moment jsais plus qui croire, et c'est difficile ! Et après vous m'engueulez tout de suite ! »

Une larme coula sur sa joue alors qu'il terminait sa déclaration, sentant qu'il aurait éclaté en sanglot s'il avait fallu en dire plus. Donatien, cependant, ne lui laissa aucun répit, répliquant immédiatement :

« Mais je vous engueule pas tout de suite Antoine ! Je suis juste étonné que quelqu'un qui vous a enlevé arrive plus à vous convaincre que celui qui vous a donné je ne sais pas combien de chances dans cette ville alors que personne ne croyait en vous !

- Bah oui mais... Mmh...

- Bah oui Antoine !

- Donc c'est d'nouveau moi le problème. C'est toujours moi le problème de toute façon.

- Mais non Antoine. Bon écoutez, je suis disponible dans quelques minutes, on se parle en vrai, ok ?

- Ok.»

Il raccrocha alors. Même si certains arguments du vigneron étaient cohérents, une grande colère continuait de grandir en Antoine, devant la façon dont chacun semblait le prendre pour un idiot manipulable et incapable de reconnaître l'affection qu'on lui portait. De plus, le ton agressif et bien plus moralisateur que pédagogue de Donatien complétait le tableau, faisant éprouver au jeune homme déjà perdu un fort sentiment d'injustice. Ces derniers jours, quoi qu'en disaient ses "amis", les seuls à lui avoir parlé gentiments étaient l'équipe de Cox et son cousin Daniel. Tous les autres étaient insistants, agressifs, invasifs, remettaient en question sa réflexion, son intelligence, sans se mettre à sa place une seule seconde. Ils semblaient tous engagés dans une sorte de campagne "anti-Cox" dont Antoine était une cible, plutôt que dans une véritable démarche d'aide sincère.

C'est à cet instant que la situation frappa le jeune homme. Sans toutefois qu'il parvienne à mettre des mots dessus, il sentit que la volonté de chacun de l'aider, ces derniers jours, n'était pas une fin, un objectif, afin qu'il aille mieux, mais uniquement un moyen parmi d'autres d'affaiblir Cox et de monter la ville contre lui. Personne ne l'aidait par sincérité, mais par intérêt uniquement. Seul Daniel, et étrangement, Donatien, semblaient échapper à cette constatation. Son cousin était sincèrement inquiet pour lui, et prêt à se remettre en question si besoin, et Donatien, s'il en voulait effectivement personnellement à Cox, semblait inquiété par Antoine pour de vrai. Cependant, le jeune homme ne parvenait pas à déterminer si cette inquiétude envers lui était une inquiétude sincère pour son propre bien-être, ou simplement une inquiétude qu'il ne se retourne contre le vigneron et ne soit un obstacle pour les affaires.

Animé par cette nouvelle rage envers presque tous ceux qu'il connaissait à l'exception de quelques personnes comme Daniel et Vanessa, Antoine se mit à fixer le sol, les poings serrés. Il espérait se tromper, de tout son cœur, et souhaitait plus que tout au monde que l'avenir lui prouve qu'il avait tort, mais cependant, pour le moment, son cœur était comprimé dans sa poitrine par une intense colère et une tristesse amère. Il rejoignit alors à nouveau son cousin, et ils commencèrent à se diriger vers le devant de la mairie, où se tenait la déclaration du gagnant. Constatant que Antoine n'allait pas bien, Daniel insista plusieurs fois jusqu'à ce que son cousin réponde :

« Tu as appellé qui ?

- Don Telo. Il s'est encore énervé, il aime pas qu'on doute de lui.

- Tu sais, c'est une preuve que ça le touche et qu'il nous aime aussi.

- Je sais pas. Moi j'aimerais juste qu'on aille au domaine et que tout aille bien, comme avant.

- Oui. J'espère que Vanessa va vite arriver, discuter avec elle ça règle toujours tous les problèmes et on en a tous les deux besoin.

- Oui. Viens va voir les résultats.»

Daniel acquiesça, et ils rejoignirent la foule se tenant devant le pupitre derrière lequelle étaient alignés les candidats. Keneth, le patron du Weazel News, était celui qui allait présenter les résultats. Cependant, les pensées tourbillonaient dans l'esprit de Antoine, et même si les différentes blagues des discours des candidats l'amusaient, une sorte de barrière semblait le séparer du reste des gens. Le son autour semblait presque étouffé, et d'apprendre la défaite de Donatien, en seconde position face au iench, ne l'atteint presque pas.

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