Confrontation
Le trajet fut ponctué de remarques sarcastiques du Docteur, tandis que Donatien tentait tant bien que mal de se montrer assuré. Cependant, la présence de Antoine compliquait grandement la situation, et le vigneron semblait préférer la prudence, afin de ne pas faire empirer les choses. Cox ordonna à Donatien, alors qu'ils arrivaient à côté d'une riche villa sur les hauteurs, probablement inoccupée actuellement :
« Une fois qu'on sera descendu, tu vas envoyer un message à Daniel et lui dire de nous rejoindre. Attention, Hayley n'est pas encore ici, elle peut nuire.»
Antoine, purement par bluff mais cherchant à se faire bien voir du docteur, ajouta :
« Peut-être qu'elle pourrait aller discuter avec Fab même. Vous en dites quoi msieur ? »
Donatien inspira profondément, gardant en apparence son calme et ne jouant pas la provocation, sentant que la situation n'avait jamais été si tendue pour lui. Une fois la voiture arrêtée, ils descendirent et Montazac envoya le message à Daniel. Le petit groupe se rendit ensuite dans le petit jardin à l'arrière de la maison, et Donatien se tint debout au milieu du gazon. Cox et Juan se tenaient côte à côte, et le psychiatre avait une main sur l'épaule de Antoine, qui regardait son patron d'un œil rempli de rancœur. Après avoir attendu quelques secondes pour ménager son effet, Cox prit la parole :
« Alors Donatien ? On fait moins le malin quand on est pas entouré de gens qui sont à sa botte, hein ? C'est plus compliqué la vie quand ton fric ne peut pas tout acheter. Tu sais, tu me déçois, tu n'as même pas vraiment dit bonjour à Antoine. Lui qui t'aimait tellement.
- Vous me le payerez Cox. Qu'est-ce que vous avez fait à Antoine ?
- Ah tututut Montazac, on laisse parler ceux avec le flingue. Tu vois bien qu'on ne lui a rien fait au petit, il va très bien ! N'est-ce pas Antoine ?
- Ben oui, j'ai jamais été aussi bien msieur Don Telo. Et, et, et c'est pas grâce à vous.»
Le sourire carnassier de Cox s'élargit encore, tandis que la situation qu'il avait espéré se mettait en place. Il proposa alors :
« En attendant Daniel, pourquoi on ne laisserait pas Antoine vider un peu son sac ? Il en a besoin tu sais, tu lui as pas rendu la vie facile. Antoine, tu fais ce que tu veux, évite de trop l'amocher pour qu'il soit présentable quand Daniel arrivera. On te regarde.»
Antoine ressera légèrement le noeud de sa cravate violette, ajusta son costume, tentant de gagner un petit peu de temps avant cet instant qu'il appréhendait tant, mais qu'il avait d'un autre côté impatiemment attendu. Prenant une grande inspiration, il s'approcha alors de Donatien, qui demanda d'un ton bien moins orgueilleux qu'habituellement :
«Que faites vous, Antoine?
- Ah, donc maintenant j'ai l'droit d'être respecté ? C'est que quand on vous menace avec une arme que vous arrêtez de m'prendre pour un idiot ?
- Antoine, s'il vous plaît...
- Pendant des jours et des jours vous m'avez traité moi et mon cousin comme des gros boulets, vous nous avez parlé comme à des neuneus. Vous avez fait comme si vous teniez à nous alors que vous en avez rien à faire, on était juste là pour faire bien et faire votre travail à votre place. Et quand on faisait un truc c'était jamais assez bien, et vous avez pas arrêté de faire des remarques sur à quel point on était bêtes, incapables, et qu'on avait moins de valeur que les sangliers. À cause de vous je m'suis senti super mal msieur, et Daniel aussi. Et en plus vous êtes ami avec les Vagos, qui ont mitraillé Hayley alors que je voulais juste poser des questions. C'est un gang, et vous êtes ami avec, et vous nous avez embarqué dans vos histoires alors qu'on voulait juste nous amuser. Et vous avez menti, vous nous avez jamais parlé de la prise d'otage de Pichon alors que Cox et ses amis toute la ville leur est tombée dessus à cause de ça.»
Des larmes se mirent à rouler sur les joues de Antoine, dont la colère et la tristesse débordaient maintenant. Il parlait maladroitement, enchaînant les arguments sans forcément de liens entre eux, mais ne cherchait pas à bien parler. Il lâchait tout ce qu'il avait sur le cœur, qu'importe la façon dont tout sortait. Donatien était figé, ne protestant pas, et une douleur que Antoine n'avait pas remarqué dans sa colère et à cause des larmes grandissait dans sa pupille. Le jeune homme continua cependant, tandis que sa colère redoublait :
«Et vous avez manipulé Daniel aussi, vous lui avez fait croire que c'était Cox le méchant, et vous le montez contre moi ! Moi j'aime Daniel plus que tout, et vous, et vous, et...»
Sa voix se mit à fréquemment se briser, interrompue par des sanglots :
« Et vous vous mentez pour que Daniel il m'aime plus et qu'on arrête de se voir. Jvous déteste ! Jvous déteste vous entendez msieur ? »
Il asséna un coup de poing dans le visage de Donatien, qui recula de quelques pas en se tenant la joue, un petit filet de sang coulant à la comissure de ses lèvres. Le vigneron ne dit rien durant un instant, avant de prendre la parole :
« J'ai mérité ce coup Antoine. Je ne me rendais pas compte de ce que je vous ai fait vivre, mais maintenant c'est le cas. Je m'excuse.»
Antoine serra les poings et la mâchoire, quelque peu surprit, et choqué intérieurement par le coup qu'il venait de porter, mais la colère reprit presque immédiatement le dessus et il cria :
« Vous mentez ! Vous mentez tout le temps, là vous dites ça pour vous en sortir mais vous en pensez pas un mot ! Vous nous avez jamais aimé avec Daniel, on était juste là pour l'image, et vous avez profité pour nous traiter comme du n'importe quoi. Vous auriez jamais fait de sacrifice pour nous, alors que nous on aurait tout lâché pour vous rejoindre, même en plein milieu de la nuit à l'autre bout de la ville, si vous aviez demandé. Et en plus on aurait jamais dit que vous nous en deviez une. Jvous aimais msieur, et vous avez tout gâché. C'est tout votre faute ce qui se passe là.»
Antoine avait l'impression de n'avoir pas dit un centième de ce qui lui pesait, cependant les mots ne lui venaient plus. Très rarement avait-il parlé si longtemps sans interruption ni relance d'un interlocuteur, lâchant simplement ce qu'il pensait, et il ne parvenait plus à continuer. Il recula alors doucement pour retourner à côté de Cox, sans sangloter mais avec des larmes continuant de couler. Le psychiatre affirma d'une voix douce mais ferme au jeune homme :
« Voilà Antoine. C'était impressionnant. C'est comme ça qu'il faut traiter les types dans son genre, pas autrement.»
Il dirigea ensuite à nouveau son regard vers Donatien, et reprit son sourire en se frottant les mains :
« Ahlala Donatien. Tu as vu ce que ça fait, quand on traîne les autres dans la boue ? Un jour les conséquences te retombent dessus, et tu n'as même pas le droit de t'en plaindre.»
Montazac ne répondit pas durant plusieurs secondes, particulièrement secoué, avant de dire d'un air plus honteux que Antoine ne l'avait jamais vu :
« Daniel m'appelle. Je lui dit où on est ? »
Cox eut un petit rire satisfait avant de répondre :
« Vas-y Donatien. Ramene le donc, il ne manque que lui. »
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