Chapitre 1
Résumé des chapitres précédents
Dans le prologue on a assisté à la mort d'un dragon puissant et de son chevalier Mercal au cours de la grande bataille des cimes, dans laquelle leur armée est victorieuse. Elle opposait les dragonniers de Lis Dragan aux sorciers Gryffoniers du haut Grya il y a de cela mille ans.
Le dragon Vandel annonce au chevalier qu'il a trouvé un moyen que les deux se retrouvent. Il a fait de la magie noire pour activer le sort et Mercal est bien trop faible pour protester.
***
Mille ans plus tard
Lili
─ Dépêchez-vous de terminer vos remèdes de cicatrisations, nous avons des potions d'apaisement à préparer. Des chiens ont attaqué au sud de la muraille et des patients attendent nos soins. Je vous le dis, on se demande pourquoi s'embêter à payer des sorciers-dragonniers quand on voit le résultat de leur travail !
Tante Gertrude n'est pas à prendre avec des pincettes ce matin.
─ Tu ne devrais pas dire ça tatie, après tout Rose va devenir une sorcière-dragonnière ! je marmonne en baillant.
─ Arrête de bailler chenapan et concentre-toi sur ton travail. Sinon tu retournes dans les montagnes !
Je soupire en mélangeant mes potions et en espérant ne pas faire d'erreur, car elle serait capable de mettre sa menace à exécution à nouveau maintenant que l'hiver se termine. Au printemps dernier, j'ai eu le malheur de rater un onguent de Lesorus, un beau gâchis ! La plante aux fleurs jaunes qui repousse les mauvaises fièvres est très rare et on connait le résultat !
Relax, c'est normal, nous sommes liés !
Fiche-moi la paix ! Ferme-là !
Tu n'entends pas des voix, nous avons fait un lien ! Remue ta potion de gauche à droite, active-toi de façon à abaisser la fusion des plantes. Rassure-toi tu vas bien et tu n'as aucun problème mental !
La voix dans ma tête est de plus en plus bavarde et je courbe l'échine, stressé comme à chaque fois que l'intrus se manifeste.
─ C'est mieux Lili, tu vois quand tu veux mon garçon ! me félicite ma tante.
Tu es beaucoup plus appliqué depuis quelques temps. Le talent familial se réveille enfin !
Tom et Paulus, les autres apprentis ont relevé la tête, surpris par son ton enjoué.
Facile, je sais exactement depuis quand.
Je ne laisserais plus jamais ma tante envoyer un apprenti seul dans les montagnes, c'est bien trop dangereux.
J'ai failli mourir là-haut. Je suis sans doute mort.
Non !
Ferme-là !
Les potions faites, je me décroche la mâchoire dans un bâillement étiré. La longue journée est loin d'être terminée.
Nous nous sommes levés aux aurores pour cueillir les plantes dans les collines avoisinantes et maintenant après avoir préparé les breuvages, il va falloir les vendre sur les marchés de Gradiska.
Et encore je m'estime chanceux car ce matin il n'a pas gelé.
Je n'arrive même pas à décider ce que je déteste le plus : la corvée de préparation des potions ou crapahuter dans la forêt au petit matin, avec l'humidité qui me colle à la peau.
La boutique de tante Gertrude est réputée, mais elle écoule également ses potions sur les marchés et c'est là qu'elle nous envoie toutes les après-midi.
Je fais équipe avec Lou-Ann, l'ainée de mes sœurs et nous tenons un stand au marché des Trois Ombres. Elle a vraiment la vocation, elle. Elle excelle dans l'art de l'herboristerie. Moi, je suis là faute de mieux, traînant derrière, sans grand enthousiasme.
Nous entassons les pots d'onguent, les pansements et les herbes séchées dans la charrette que je vais tirer. Parfois je rage que ma tante m'a engagé comme mulet. Elle rétorque que c'est normal puisque je suis un âne.
Les rues de la ville ne sont pas sures, les maraudeurs peuvent nous attaquer et il parait que les chiens des enfers, des créatures démoniaques attaquent de plus en plus souvent les portes de la ville en donnant du fil à retordre aux soldats et aux sorciers. Je frémis alors que nous passons parmi les ruines des maisons brulées.
Emmitouflés dans nos longues capelines noires, nous avançons difficilement. L'hiver est pluvieux le long des côtes de la mer des cendres. Je soupire, car au moins aujourd'hui il ne pleut pas.
Il parait que la semaine dernière et les sorciers dragonniers ont repoussé une vingtaine de chiens. Je n'en ai jamais vu pour ma part, si ce n'est en photo et je suis mort de frousse rien que d'y penser.
Lou-Ann m'a rejoint et me prend le bras.
─ Dire que Rose est en train de devenir une sorcière-dragonnière qui devra affronter les monstres et chevaucher un dragon, je la plains tellement !
─ Et moi je l'envie, je rétorque en roulant sur une pierre qui manque de faire chuter la charrette.
Il n'y a aucune logique dans cette envie puisque je suis un froussard, nullement taillé pour le combat. Ce que j'aurai voulu, c'est avoir un dragon pour voler avec lui et l'enlacer. Par contre, j'espère ne jamais rencontrer les chiens démoniques.
Je guette une voix dans ma tête, qui interviendrait à propos de mes divagations, mais pour cette fois, il a décidé de faire silence. Je déteste qu'il connaisse tous mes secrets, tous mes rêves et mes espoirs, tous mes échecs aussi.
Je soupire en arrivant à une large crevasse dans la route, la marque noire ne laisse aucun doute : un dragon a craché du feu. Ils sont bien gentils de nous aider, mais ils nous pourrissent la vie avec les dégâts qu'ils font, sans jamais réparer bien sur. Comme il n'y a plus de chemin pour la charrette, je suis bon pour faire un détour de plusieurs centaines de mètres.
Plus tard, nous franchissons un barrage policier, c'est Pascos, un ami d'une de mes sœurs qui nous laisse passer sans nous contrôler. Anne, est lieutenant dans la garde et elle part de plus en plus souvent au front pour protéger les frontières.
Elle n'a jamais voulu nous dire sur ce qu'elle affronte, elle prétend que c'est confidentiel.
Tante Gertrude hurle et la supplie de changer de profession, mais en vain. Elles sont aussi têtues l'une que l'autre, comme deux mules dans un champ de roseaux.
Je pousse un moment, tête baissée, les pensées noyées dans une mer de soucis.
Mon cas n'est pas banal, et souvent un sujet de moquerie parmi les autres apprentis. Je suis le seul garçon de la famille, adopté par ma tante et élevé dans une tribu exclusivement féminine. Six filles, plus âgées que moi, qui m'ont toujours chouchouté. J'ai des boucles ébènes dans cette ribambelle de blondes, et je me sens parfois comme une tache d'encre dans un paysage trop lumineux.
La seule chose qui indique que nous sommes du même sang, ce sont nos yeux, tous du même bleu éclatant.
Lou-Ann a vingt-cinq ans, ensuite il y a les jumelles Fara et Elena, puis Anne qui a choisi d'être soldat, Mandy est herboriste aussi et la dernière Rose est ma jumelle.
Je rêve secrètement de connaitre un univers plus masculin et sans bien savoir pourquoi, je suis attiré par les hommes, ce que je n'avouerai jamais à personne.
Je ne sais pas si l'intrus en moi en a conscience, il n'a jamais rien mentionné à ce sujet.
Elena s'est enfuie de la maison avec une troupe ambulante pour devenir chanteuse et il parait qu'elle se produit à la capitale, Lismor. Tante Gertrude a pleuré, elle a renié sa fille en place publique, je sais qu'elle s'inquiète pour elle.
Rose et moi avons été testés en même temps pour nos treize ans. Ceux pour qui la pierre de lune s'allume bénéficie d'un allez simple pour les différentes académies du royaume, afin d'être préparé à nouer un lien avec un dragon.
Elle a donc été admise avec une bourse à l'académie des Hauts Dragons. Pour ma part et à mon grand désespoir, j'ai été recalé.
Tu as déjà un dragon, soupire la voix dans ma tête.
La ferme !
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