XXXIX
La rentrée arriva bien vite.
Le dimanche soir, Elysia accueillit tous les élèves qui revenaient de chez eux. Elle eut la mauvaise surprise, néanmoins, de voir un professeur arriver, en tenant deux élèves par le dos. Ondine d'Okeanos et Ysa, une élève. En plus, manque de chance pour elles, c'était O'Ryan qui les avaient surprises en pleine dispute.
— Madame, je compte sur vous pour les punir à la hauteur de leurs bêtises ! s'exclama O'Ryan.
Elysia retint un soupir. Elle tendit la main en direction du couloir, et dit :
— Bien, dans mon bureau.
La période commençait bien. Elysia n'aimait pas gronder des élèves, mais malheureusement, il le fallait souvent. Les trois traversèrent les couloirs, et rejoignirent le bureau de la directrice, situé dans les appartements des professeurs. Elysia leur ouvrit la porte, mais les invita à s'asseoir, sous les protestations d'Ondine, qui avait râlé sur tout le chemin.
— Alors ! lança Elysia en s'installant dans son fauteuil. Qu'est-ce que vous avez fait pour contrarier M. O'Ryan ?
— Il s'énerve pour rien, grinça Ysa.
Elysia émit un tic agacé. Elle joint ses mains face à elle, posées sur le bureau, et dit :
— C'est votre professeur, tout même. Il faut le respecter.
— Soit. Ysa a refusé de m'appeler Votre Altesse en dehors de l'Académie, et j'ai trouvé cela irrespectueux.
Elysia fronça les sourcils. Ysa rétorqua :
— Mais je ne vais pas l'appeler Votre Altesse alors que c'est souvent ma voisine de classe ! C'est débile !
— Ce qui est « débile », c'est de ne pas respecter l'étiquette de mon pays. En plus, cette sotte a commencé à m'insulter quand je lui ai dit de me respecter.
Elysia les arrêta d'un geste. Ce n'était pas le premier incident du genre avec Ondine, qui se permettait beaucoup d'écart et d'insolence, en particulier avec les professeurs. Cela s'était aggravé suite aux attaques en Okeanos, où Elysia avait été accusée d'être responsable. D'ailleurs, l'enquête était toujours en cours, mais d'après les informations d'Elysia, la balance penchait en sa faveur.
— Ondine, vous êtes en France, et en plus, vous êtes élève ici. En rejoignant l'école, vous vous êtes engagée à vous plier aux mêmes règles et à vous mettre au même niveau que vos camarades, et cela ne vous dérangeait pas, en début d'année. Quant à vous, Ysa, vous vous êtes aussi engagée en rejoignant l'Académie à respecter vos camarades, et vous avez d'ailleurs eu de nombreux cours à ce sujet durant vos premières années à l'école. Je suis déçue par votre attitude à toutes les deux.
— Vous vous étiez engagée il y a des années à ne pas vous mettre au travers du chemin de mon père, et pourtant, vous êtes là, persifla Ondine.
Elysia haussa un sourcil. Elle fit une moue indignée, puis se tourna vers Ysa, et dit :
— Vous pouvez y aller. Je dois parler quelques instants à Ondine.
Ysa se leva. Elle salua Elysia d'un signe de tête et partit, le pas encore furibond. Elysia, quant à elle, attrapa son téléphone, et alluma discrètement le dictaphone. C'était illégal, mais... Elle craignait qu'Ondine ne mente au sujet de leur rencontre. Et puis, Nérée avait mis un espion dans son téléphone, alors elle pouvait très bien se venger un petit peu. Téléphone qu'elle avait d'ailleurs changé, en plus d'avoir changé de numéro personnel tout en gardant l'ancien par flemmardise de changer ses numéros de comptes. Ondine, durant ce temps, s'exclamait :
— Vous êtes insupportable !
— Je sais, répondit Elysia en posant son téléphone la vitre contre le bureau. Ondine, soyons claires : vous n'êtes ici que depuis deux mois, et vous êtes une des élèves les plus problématiques. Vous manquez de respect aux élèves, aux professeurs, vous séchez beaucoup de cours et vous publiez des images de l'Académie sur Internet alors que c'est interdit.
— Gabriel le fait et vous ne dites rien.
— Car Gabriel ne le fait jamais face à moi. Je ne vous ai pas renvoyée car vous êtes du même sang que moi, et que je...
— Du même sang que vous ? s'indigna Ondine. Certes. Mais vous croyez que cela améliorera notre relation ? Non, Elysia : votre sang est taché par le sang de ce bâtard de Béryl, et vous risquez de mettre en péril ma vie par votre simple présence ! En Okeanos, les opposants de mon père tente déjà d'utiliser cet argument selon lequel il n'était pas légitime pour être sur le trône afin de me prendre le trône !
— Y suis-je pour quelque chose ? C'est vous qui avez fait fuiter l'information, j'en suis convaincue, car nous étions les seuls au courant. Et ensuite, pour compenser le désespoir que vous aviez, votre père a envoyé des hommes détruire ma réputation, et m'a même fait porter le chapeau des attaques alors que je n'y étais pour rien ! Ondine, croyez-vous réellement que votre Couronne m'intéresse ? J'ai tout ce qu'il me faut, ici. J'ai des élèves en or, une famille qui est certes, partie, mais j'ai désormais Aurélien ou Philomène qui sont pour moi tout aussi importants. Le trône d'Okeanos ne m'intéresse pas, combien de fois devrais-je me répéter ?
— Vous mentez, grinça Ondine en se levant. Mon père a bien fait de vous faire porter le chapeau, car vous êtes une manipulatrice, en plus d'être un monstre.
Elysia lâcha un rire jaune. Elle se mit debout à son tour, tremblante à cause de la colère. Elle rétorqua :
— Pensez ce que vous voulez de moi, Ondine. Sachez simplement qu'avant votre venue ici, je croyais naïvement qu'un jour, une réconciliation pourrait avoir lieu avec vous, parce que vous seriez plus mature que votre père. Mais je me suis trompée. J'aurais dû me douter que si mon père n'avait jamais réussi à se rapprocher de Nérée, je n'y arriverais jamais avec vous non plus.
Je pense sincèrement que cette conversation entre Ondine et Elysia aurait brisé le cœur de Béryl. Lui qui rêvait de les voir unies... C'était fichu.
Ondine partit en claquant la porte, furieuse. Elysia resta quelques instants immobile, avant de laisser les sanglots l'envahir, tremblante. Elle aurait aimé réussir à faire ce que son père n'avait jamais réussi à faire, mais cela semblait impossible. Elle coupa l'enregistrement, le cœur battant. En tout cas, elle avait la preuve que Nérée avait bien menti au sujet d'Elysia, même si cela tenait en une simple phrase. « Mon père a bien fait de vous faire porter le chapeau ». Elysia gagnerait son procès, s'il devait y en avoir un.
Après s'être reprise, Elysia rejoignit la salle de réception, où quelques boissons et gâteaux avaient été installés pour les nouveaux arrivants. Pourtant, la majorité d'élèves présents avaient passé les vacances à l'Académie, ce qui fit sourire la directrice. Forcément, lorsqu'il y avait de quoi manger et boire, c'était les premiers.
— Elysia !
La jeune femme se retourna. Un sourire se dessina sur ses lèvres : Philomène était partie durant quelques jours pour rejoindre la famille dans le Nord. Elysia fit quelques pas pour la serrer dans ses bras, et lâcher :
— Philomène ! Je suis ravie de te revoir ! Comment se sont passées tes vacances ? Ta famille va bien ?
— C'était génial. Ma famille se porte à merveille, et il faisait plutôt bon dans le Nord, je craignais d'avoir plus froid que cela.
— Parfait, alors ! s'exclama Elysia, souriante, en se défaisant de l'étreinte de Philomène.
— Et toi, tes vacances ?
Elysia haussa les épaules. C'étaient des vacances habituelles, passées entre les dossiers, l'organisation, et un peu d'écriture. Rien de bien différent qu'à l'accoutumée. Même si elle avait passé du temps à s'inquiéter au sujet d'Aurélien, d'Ondine et de l'avenir de l'école.
— Comme d'habitude, déclara Elysia. Maintenant que tout le monde rentre, cela sera bien plus intéressant.
Ils allaient entrer dans une des périodes les plus calmes de l'année pour Elysia. Aucun examen, plus aucun événement lié aux huit cent ans de l'école, rien ; elle avait déjà préparé tout ce qu'il fallait pour le premier rendu des S3, mais aussi pour tout ce qu'il fallait préparer pour les élèves des années inférieures. Pour les élèves de licence, c'était différent : elle en avait fait un pôle très autonome, basé sur des chefs année par année. Ils n'avaient qu'à faire valider leurs décisions à Elysia, qui acceptaient presque tout.
Le même système avait été mis en place pour les différents niveaux : les C, les L et les S. Elysia avait pris en charge les S, alors que Paul, professeur de littérature étrangère, se chargeait des L. Pour finir, c'était Carine, professeure d'art, qui avait pris en charge les C. Elle était la plus bienveillante de toute l'équipe ; Elysia s'était tournée vers elle pour aider les C à s'intégrer et à se trouver une place à l'Académie.
Après le goûter, Elysia rejoignit ses appartements. Elle avait salué les élèves, aidé ceux qui avaient eu du mal à monter leur valise, et discuté avec quelques professeurs qui étaient arrivés en même temps que les élèves. La jeune femme avait gardé un regard anxieux sur la porte de la salle de réception, priant pour voir Aurélien y entrer ou en sortir : mais non. Il n'était pas encore rentré.
Alors, Elysia rentra bredouille dans sa chambre. Elle s'installa sur son lit, son ordinateur sur les jambes, et reprit son roman. La jeune femme adorait l'écriture, même si elle l'avait négligée pendant des années. Elle disait qu'elle n'avait pas le temps, mais au fond d'elle, Elysia savait bien qu'elle redoutait simplement d'avancer sur ce projet. Après l'avoir fini, elle l'enverrait en maisons d'édition, et si l'une d'entre elles l'acceptait, elle aurait son roman édité. Certes, la directrice avait déjà publié un roman, mais... Elle craignait toujours les réactions de son entourage. Que ce soit Aurélien, Philomène, les professeurs, les élèves ou la presse, elle craignait que les retours soient mauvais, et que ses qualités en tant que directrice d'une école d'écriture ne soient dégradées ainsi.
« Salut Elysia, j'espère que tu vas bien. Je risque de rentrer vers vingt-deux heures, mon train a été annulé, mais je serai bien là demain matin pour mes cours. »
Un simple message. Un des seuls de la part d'Aurélien depuis son départ. Elysia attrapa son téléphone, et répondit quelques minutes à peine plus tard :
« Salut Aurélien ! T'en fais pas, pas de soucis. Sois prudent sur la route »
Il ne répondit qu'un émoji souriant. Quelques minutes passèrent, avant qu'il ne renvoie :
« Tout s'est bien passé à l'Académie ? »
« Impeccable », répondit Elysia. « J'ai passé du temps avec les élèves, j'ai bossé... Je suis tranquille pendant quelques semaines, j'aurai moins de boulot :) Et toi, tes vacances ? Tes potes vont bien ? »
« Tout le monde va bien. L'Italie est magnifique, il faudra que je t'y emmène un jour »
Un soupir rassuré échappa à Elysia. Il se projetait dans l'avenir : il n'avait donc pas envie de quitter l'Académie et d'abandonner Elysia. Elle sourit, enchantée, et répondit :
« Quand tu veux ! Tu me montreras les photos ? »
« Avec plaisir. »
Elysia reposa son téléphone. Si elle n'avait pas eu la paresse de se lever, elle aurait bien pu sautiller de bonheur. Aurélien ne lui en voulait pas ! Son cœur s'affola dans sa poitrine ; elle prit une profonde inspiration pour se calmer, et replongea dans son roman, souriante. Elysia ne savait toujours pas si elle était amoureuse de lui ou non, mais en tout cas, le fait qu'il lui reparle l'enchantait.
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