XXV

Quelques jours passèrent. L'article sur Elysia et l'Okeanos avait semé le trouble sur Internet et à l'école, mais l'affaire s'était rapidement tassée, car des problèmes politiques étaient repassés au premier plan en France, mais aussi en Okeanos. L'Académie se préparait donc à la visite du Président, qui viendrait le 14 octobre. Au programme : il assisterait à un cours d'écriture, visiterait l'école, aurait droit à une conférence d'Elysia sur l'histoire de l'école, et bien sûr, ferait un beau discours sur l'éducation en France et les institutions anciennes.

  Trois jours avant le jour J, ils reçurent une nouvelle directe de l'Elysée : finalement, cela serait plutôt le Ministre de l'Education qui risquait de venir. Cela changeait un peu le protocole, mais pas de beaucoup. Elysia était surexcitée, à faire sans arrêt le tour des salles et à s'assurer que tous les professeurs soient prêts. Elle conservait un poids sur la poitrine dès qu'elle voyait les élèves de S3 : Lola aurait dû se tenir parmi eux, mais elle restait en Normandie, à soutenir ses parents qui préparaient l'enterrement de leur pauvre fille aînée.

  — Tu es prête ? demanda Aurélien le matin de l'événement, appuyé contre l'épaule contre un mur dans la chambre d'Elysia.

  La jeune femme se tourna vers lui. Elle portait une robe au col carré, qui bouffaient au niveau des épaules, avant que les manches ne s'arrêtent en bas de celles-ci. La robe, noire, était cintrée à la taille, et repartait évasivement jusqu'à la moitié de ses tibias. Elle avait revêtu également des escarpins noirs, et ses bijoux de famille : un collier en perles avec un camée accroché, qui représentait une de ses ancêtres, ainsi qu'un bracelet en or gravé issu d'un des enfants de Mathilde de Berry. Pour finir, elle portait des boucles d'oreille, assez discrètes, en argent ; héritage également de sa famille. Le plus surprenant était surtout qu'elle n'avait pas camouflé ses tatouages comme à l'accoutumée : un petit portrait de la Vénus de Botticelli, dessiné dans trois carrés différents sur son bras droit, et sur le bras gauche, une statue de la justice y était représentée, avec son bandeau sur les yeux et son épée.

  — Tu es sûr que c'est une bonne idée de mettre cette robe alors que l'on voit mes tatouages ? Dans la haute société, on m'a dit que c'était mal vu d'être tatoué.

  — Ne t'en fais pas. Ce sont des tatouages élégants, qui te représentent bien. Ils ne diront rien. Et puis... Les journalistes écriront sur tes tatouages plutôt que d'écrire sur Okeanos et toi, ce sera mieux.

  Elysia esquissa un sourire. Elle s'approcha de lui et lança :

  — Si ça se trouve, les internautes recommenceront à partager des photos de toi en disant qu'ils rêveraient d'avoir un professeur aussi bel homme, comme la fois dernière.

  Le cœur d'Aurélien se serra. Elysia semblait si malicieuse : se rendait-elle compte qu'elle était adorable ? Il tendit la main vers elle puis répliqua :

    — Il est vrai qu'ils étaient déchaînés. Mais je n'ai fait que de suivre tes conseils de mode, ma chère.

  — Ce n'est pas faux. Mais je trouvais cet engouement autour de toi très amusant, en tout cas.

  Elysia accepta sa main tendue. Elle s'était maquillée, un peu : elle portait du rouge à lèvres, de l'eye-liner et un peu de blush. Quant à lui, il avait revêtu un costume noir, avec la chemise assortie, et des chaussures de tailleur noires aussi. Ses cheveux sombres étaient coiffés à la perfection et son regard brun était illuminé en observant sa meilleure amie.

  — On y va ? proposa-t-il.

  Elysia hocha la tête. Elle devait accueillir les policiers qui se chargeraient de la protection du Ministre, puis accueillir le Ministre en personne, qui arriverait vers dix heures. Ensuite, il ferait une visite de l'Académie pendant une heure et demie, avant de manger, et d'assister à un cours. Elysia s'était arrangée pour qu'il en assiste à deux : un avec Philomène, et un autre avec Aurélien. Avec les S3, bien sûr, car elle leur accordait toute sa confiance. Elle les avait préparés à cette venue, afin d'éviter toute erreur. Puis, le Ministre de l'Education assisterait à une conférence d'Elysia, en même temps que tous les élèves, sur l'histoire de l'Ecole, avant que le Ministre et Elysia ne réalisent une conférence de presse ensemble. Elysia descendait d'une des familles les plus influentes en France, et les médias avaient réclamé cette conférence, où elle devrait faire un discours. Pour clore la journée en beauté, Elysia et le Ministre partiraient faire une promenade à cheval avec quelques élèves et Madame Claire, qui se chargeait de l'équitation à l'Académie.

  Elysia mangea rapidement, avant de rejoindre la salle de réception. Tout était prêt, car les professeurs, avec l'aide du personnel de ménage et de toutes les personnes qui se chargeaient de conserver le château en bon état, s'étaient chargés de déplacer les meubles et de faire en sorte que toute l'Académie soit prête. Elysia avait beaucoup participé, évidemment.

  Mais, alors qu'Elysia accueillait les policiers, en leur proposant une boisson chaude et des petits pains pour le petit déjeuner, elle reçut un appel qui provenait directement de l'Elysée. Elle s'excusa auprès des policiers, et décrocha.

  — Bonjour !

  — Bonjour, vous êtes bien Elysia de Clermont ?

  — C'est moi. Que puis-je faire pour vous ?

  Le cœur d'Elysia se serra. C'était mauvais signe. Un appel comme celui-là, à quelques minutes à peine de l'heure présumée d'arrivée du Ministre, ce n'était pas bon signe du tout.

  — Le Ministre de l'Education est malade depuis hier soir. Il s'attendait à pouvoir venir, mais cela risque d'être compliqué. Cependant, l'événement auquel le Président devait assister a également été annulé : alors, il viendra à la place du Ministre.

  — Wow, euh... D'accord, super. Faut-il changer quelque chose à l'organisation ?

  — Rien. Peut-être ôter un ou deux événements si le Président le demande, afin qu'il puisse travailler entre-deux s'il y a un soucis.

  — Parfait. D'accord. Je vous remercie.

  — Il arrivera avec une demi-heure de retard. Problème de train.

  Elysia acquiesça de nouveau. Elle salua la personne, et raccrocha, avant de lâcher un juron. Le Président français venait. Oh oh.

  — Tout va bien, Zya ? lâcha Aurélien en arrivant derrière elle.

  — Le Ministre est malade. C'est le Président qui vient.

  Aurélien lâcha un juron à son tour. La jeune femme se retourna vivement, le visage marqué par l'inquiétude. Il grinça :

  — OK, ça change un peu les plans. Il faut que l'on prévienne tout le monde.

  Elysia hocha la tête. Elle jeta un regard paniqué au jeune homme, et murmura :

  — On va y arriver, hein ?

  — Bien sûr. Tu prépares cette journée depuis mai, et à l'origine, tu avais tout préparé pour le Président.

  — Je sais, mais... Oh, je stresse. Allez, se reprit-elle, mieux vaut me lancer dans le bain tout de suite. Moins j'aurais de temps pour penser, et moins j'aurais envie de pleurer.

  Cela fit sourire Aurélien.

  L'arrivée du Président se fit avec une heure de retard. Les journalistes, trois fois plus nombreux qu'à l'accoutumée, étaient vainement contenus par des policiers. Le Président arriva face à l'Académie dans une belle voiture française, avant d'en sortir, accompagné par son épouse. Elysia leur serra la main à tous les deux, Aurélien non loin d'elle derrière. Quelques élèves, qui n'avaient pas cours, étaient aussi présents ; ils observaient la scène, et murmuraient entre eux. Le Président était plus petit en vrai, sa femme était bien habillée, les autres personnes présentes étaient bien habillées aussi...

  — Je vous souhaite la bienvenue à l'Académie d'Ecriture ! s'exclama Elysia, souriante. C'est un réel plaisir de vous rencontrer.

  — C'est un plaisir partagé, Madame, répondit le Président. On m'a beaucoup vanté les mérites de votre école, et j'ai hâte d'enfin la découvrir.

  Elysia lui sourit. Elle les invita à la suivre, et ils partirent à trois, suivis de près par les conseillers du Président et les policiers. Aurélien rejoignit les élèves et les invita à entrer : l'accès aux jardins étaient interdits pour la journée, afin de permettre aux policiers de quadriller un coin plus restreint : les bâtiments seulement.

  — Je vous présente donc l'Académie d'Ecriture, commença Elysia. Cette école est dans ma famille depuis huit cent ans, et je l'administre depuis dix ans. Notre objectif est, avant tout, de former les élèves pour être des écrivains, mais aussi de faire d'eux de potentiels éditeurs, dessinateurs, graphistes... Nous voulons ouvrir leur culture sur tous les sujets qui se rapprochent de près ou de loin à la littérature.

  Le Président et son épouse acquiescèrent. Ils montèrent les marches qui menaient aux jardins supérieurs, et s'arrêtèrent au milieu. Selon le protocole, il fallait prendre une photo officielle, avant de passer à la suite. Les photographes suivaient donc, appareils en main : Aurélien rejoignit la Première dame et l'emmena jusqu'aux jardins supérieurs, tandis qu'Elysia et le Président posaient sur les marches. Ensuite, ils partirent jusqu'à l'Académie, rejoignant Aurélien et la Première dame, qui discutaient tranquillement, entourés par des policiers.

  — Bon, la première étape des journalistes est passée, souffla Elysia en arrivant aux côtés d'Aurélien. Nous allons vous présenter l'Académie rapidement, nous avons une heure de visite avant d'entamer la partie la plus intéressante de la journée : le repas.

  — Oh ! s'exclama le Président. Cela me convient parfaitement.

  — Ce sont nos cuisiniers qui vous auront préparé un sublime repas. Pour les jours de fête, ils font souvent des plats de lasagnes énormes : nous y aurons droit, aujourd'hui, avec du gâteau au chocolat.

  — Vous verrez, ajouta Aurélien, c'est une des meilleures cantines de France.

  — Il y a intérêt à ce que ce soit bon, nous passons toute l'année ici, compléta Elysia, souriante. Allez, allons-y, si vous êtes d'accord !

  Ils partirent ensuite au sein de l'école, escortés toujours par des policiers. Elysia leur présenta les couloirs, les salles principales, la bibliothèque, les salles de classe, et même des salles peu utilisées, car anciennes. La plus belle était certainement l'ancienne salle de bal, près des dortoirs des élèves, à l'étage supérieur : le plafond était peint d'anges et d'un ciel sublime, et des dorures venaient compléter toutes les portes et tous les murs. Cette pièce était fermée la majorité du temps, car elle avait été transformée avec les années en des salles de jeux. Les tables étaient par ailleurs encore là, et n'avaient pas bougé. Le plus intéressant était certainement la balançoire, accrochée en plein milieu de la pièce.

  — Mon arrière-grand-père organisait des fêtes, ici, avec les parents d'élèves. Surtout les pères d'élèves, expliqua Elysia, qui observait la salle, en retrait. J'y viens très peu, car je ne sais pas encore comment la transformer.

  — Vous pourriez en faire une autre salle de réception. Ou... Une salle dédiée à une matière moins mise en avant au sein de l'école.

  Elysia fit une moue songeuse. Ce serait intelligent. Peut-être même en faire une salle dédiée aux sciences, ou...

  Ou à l'Histoire.

  — C'est une excellente idée. Merci, Monsieur.

  Le Président lui fit un simple signe de tête. Tout se passait bien, c'était génial ! Pour l'instant. Hihi !

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