XXII
Le réveil fut complexe. A six heures pile, Elysia était debout, dans la salle à manger, seule. Elle faisait les cent pas, observée par les trois ou quatre élèves très matinaux.
— Vous attendez quelque chose, Madame ? demanda Victoria, présente.
— J'attends quelqu'un, répliqua simplement Elysia.
La salle commençait ensuite lentement à se remplir. Elysia, une boule de nerfs, finit par se jeter sur son siège, sa jambe tremblant à cause de l'angoisse.
— Calme-toi, souffla Aurélien en s'asseyant à sa droite, vers sept heures. Ton appréhension semble englober la pièce entière.
Elysia lui présenta rapidement le plan de la veille, où elle avait donné rendez-vous à ce fichu Guy. Mais, il n'était pas encore arrivé : elle gardait espoir, bien qu'elle craignait terriblement qu'il ne vienne pas.
Ayden finit par arriver lui aussi, accompagné par Philomène. Il s'assit à la gauche d'Elysia, et tenta de faire quelques mots d'humour, en vain. Aurélien semblait ennuyé par sa présence, et Elysia paraissait trop angoissée pour cela.
Enfin, un garde d'Okeanos (alerté par la venue urgente de ce journaliste) arriva dans la salle, accompagné par un homme. Petit, de corpulence moyenne, avec un crâne dégarni et des yeux de fouine, Guy avait l'apparence que s'imaginait Elysia. La jeune femme se mit debout, et s'exclama :
— Nous avions dit six heures.
— Je veux entendre le marché que vous avez à me proposer.
Tous les élèves présents se turent. Oh, des ragots ! Elysia leur jeta un regard paniqué, et répliqua :
— Allons dans mon bureau.
— Non, ici. Je n'ai pas de temps à perdre.
Elysia échangea un bref regard avec Ondine, avant de déglutir. Elle prit une profonde inspiration, et déclara :
— Je vous propose de vous offrir de l'argent en échange de la suppression de l'article. En échange, vous supprimeriez toutes les traces de cette édition, et personne n'entendrait parler de ce qu'il s'est passé.
— Combien ? demanda Guy, un sourire carnassier aux lèvres.
— Deux-cent cinquante.
— Mille ?
— Mille, confirma Elysia. Deux cent cinquante mille euros, et vous supprimez cette parution.
Guy parut songeur. Les élèves avaient lâché des exclamations surprises, tout comme Philomène et un autre professeur. Ayden, lui, était resté muet, choqué également : c'était une somme énorme. Aurélien était le seul qui ne demeurait pas surpris, car il connaissait la fortune amassée par la famille d'Elysia depuis des années.
— Un million d'euros. Un million, et je supprime.
Elysia se mit à rire. Elle répliqua, le ton acerbe :
— Un million ? Vraiment ? Vous avez la folie des grandeurs, Monsieur. Trois-cent mille.
— Cinq cent mille.
— J'accepte, répondit immédiatement Elysia. Supprimez la parution, et je vous donnerai l'argent.
Guy gardait son sourire aux lèvres. Il secoua la tête, et lança :
— Navré, douce Elysia. L'article est déjà publié. Ce cher roi d'Okeanos vous tuera pour votre complot, et il perdra sa Couronne !
Elysia contourna la table. Elle traversa la salle, et persifla, presque dans un murmure :
— Je me fous de vos états d'âme, Dubois, et encore plus de votre journal. S'il faut que je le détruise pour me venger, en mon nom mais aussi en celui d'Okeanos, je le ferais.
— Alors faites-le, rétorqua Guy. Vous serez bientôt morte, et votre cher oncle sera bientôt destitué de sa Couronne, alors personne ne pourra s'attaquer à moi. Au contraire. J'aurais fait éclater la vérité au grand jour.
Elysia secoua la tête, la mâchoire serrée. Ondine se leva soudainement, aussi délicate qu'une vague. Elle observa tour à tour Guy et Elysia, et souffla :
— J'ordonne que l'article soit supprimé. Quel qu'en soit le contenu, Madame de Clermont a toute la confiance de la princesse d'Okeanos. En tant que représentante de mon père, je vous donne l'ordre de supprimer cet article, immédiatement.
— Il est déjà publié, rétorqua Guy, souriant. Et votre vie va basculer, petite princesse.
Quelques secondes de silence s'ensuivirent. Aurélien contourna la table à son tour pour rejoindre Elysia, quelques pas derrière elle ; la directrice releva la tête, et écouta Guy lancer :
— Il est ironique que personne n'ait vu encore votre lien de famille, à l'Académie. Vous avez les mêmes traits : vous ressemblez toutes deux à votre grand-mère, Alcyone.
— Gardes ! s'écria Elysia, en tournant les talons. Emmenez-le ! Je porterai plainte, Monsieur, pour diffamation !
— Faites ! Faites, vociféra Guy, à qui on attrapait déjà les bras. Ma gloire n'en sera que plus importante !
Elysia n'eut que quelques pas à faire pour tomber dans les bras d'Aurélien, tremblante. Ondine, quant à elle, sortait déjà son téléphone, qui vibrait depuis trois bonnes minutes. Des messages commençaient à arriver, et surtout, des appels, dont un de son père. Elle le rappela immédiatement, et se dirigea vers la porte.
— Père, je...
Elle s'arrêta net devant la porte. Son père s'était écrié :
— Je savais que vous alliez causer des soucis, en allant dans cette foutue Académie ! Les gardes viennent vous chercher cet après-midi, nous allons devoir gérer cette crise en urgence !
— Père, je ne peux pas partir maintenant, je vous en prie !
Elysia, qui commençait à se reprendre, prit une profonde inspiration. Elle s'exclama :
— Ondine, si tu le désires, tu resteras ici. Il va falloir que nous luttions tous contre cette crise ensemble.
Ondine s'était tournée de moitié vers elle. C'était le chaos. Les voix s'élevaient de toute part, son cœur s'emballait dans sa poitrine, et la tête lui tournait. Elle n'entendait rien d'autre, excepté la voix de son père dans l'appareil qui insultait Elysia, et ne voyait rien d'autre que le regard bleu océan de la directrice, si similaire au sien.
— Père, je vous rappelle. Je ne quitterai pas l'Académie, quoi qu'il arrive.
Ondine raccrocha. Elle prit une profonde inspiration, et se tourna totalement vers Elysia, avant de lâcher :
— Vous le saviez ? Pour l'article ?
— Mon ami est venu me prévenir hier soir de sa publication. J'ai tout fait pour le faire supprimer, mais...
— J'aurais mis les un million s'il le fallait, souffla Ondine. J'aurais mis toute ma fortune pour le faire supprimer.
Elysia fit une moue attristée, retenant vraisemblablement ses larmes. Elle prit une profonde inspiration, puis lança :
— Je ferai moi-même en sorte que tu sois protégée.
— Et moi je vous protégerai de mon père. Il veut vous éliminer pour être sûr que vous et vos héritiers ne viendront pas réclamer la Couronne.
Théia, assise à table, se mit debout à son tour, suivie par ses amies. Elle s'exclama :
— Donc, vous êtes... Cousines ?
Elysia et Ondine hochèrent toutes les deux la tête. Les prochains jours, et prochaines heures, risquaient d'être les plus complexes qu'Elysia avait connues depuis longtemps. Elle devrait sauver l'affaire face au roi Nérée, s'assurer que sa réputation soit conservée, s'assurer aussi que le Président serait encore d'accord pour venir le 14 octobre malgré ce scandale... Qui, certes, ne concernait pas l'Académie directement, mais qui pourrait pousser le Président à ne pas venir. Ayden, qui buvait tranquillement son café, lança :
— Eh bien, je l'ai appris hier soir, mais je suis toujours surpris. Elysia a du sang royal... Rohlala, j'aime bien cette affaire. Il faudrait en faire un roman.
Elysia soupira. Quelle idée... Qui voudrait écrire une histoire sur eux ?
Bah moi. Pouahah. Bisous !
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